crédit photo: Pascal Leduc
Karkwa

Karkwa au MTelus | Éternelle jeunesse

Malgré les mots de Cormier, Karkwa n’a rien perdu de sa jeunesse. Karkwa joue encore mieux. Karkwa est encore plus beau à entendre et à voir. Vingt-cinq ans séparent la formation du quintette et ce jeudi 30 novembre au MTelus, et pourtant, on jurerait encore apercevoir ces adulescents voulant conquérir la province au milieu des années 2000. Karkwa signait hier soir sa rentrée montréalaise avec brio et charisme, débutant une série de quatre MTelus en cette fin de l’année 2023.

Suivant une première partie oubliable de blesse, trio montréalais qui a renaît des cendres de Zen Bamboo, le rideau du MTelus se lève à 20h40 et dévoile un musicien au piano. Tiens, François Lafontaine a changé de coupe de cheveux. Sa tignasse est maintenant grise. Et il commence le spectacle avec une pièce du répertoire de… Patrick Watson?

Sans continuer dans l’ironie, c’est bel et bien l’auteur de Lighthouse que l’on retrouve sur le banc, interprétant d’abord The Great Escape devant un MTelus aux yeux ahuris. Car si Karkwa avait communiqué quatre premières parties différentes sur les quatre soirées d’automne à Montréal, Watson ne figurait sur aucune de ces annonces.

Le chanteur explique qu’il s’était chargé d’animer il y a près 20 ans de cela la première partie d’un spectacle de Karkwa. « La communauté de Montréal, c’est une ostie de famille et c’est pour ça qu’on est ensemble », enchaîne-t-il en français, visiblement opposé à la fracture entre les francophones et les anglophones dans la ville.

Après avoir interprété Big Bird in a Small Cage et Little Moments, le chanteur se permet d’acclamer les musiciens de Karkwa, les qualifiant de « légendes », mais glisse également une petite pique concernant la moustache de Louis-Jean Cormier. L’esprit de camaraderie taquin, ce qui caractérisera la soirée dans son ensemble. Patrick Watson clôture son passage inattendu avec Je te laisserai des mots, en duo avec Marie-Pierre Arthur, autre bel ajout dans la soirée.

Une magnifique surprise de la part d’un artiste tout simplement extraordinaire, qui se faisait plus discret au sein du paysage musical québécois ces dernières années. À trépigner d’impatience de savoir ce qu’il nous réserve l’année prochaine (indice : il sera de retour au MTelus très bientôt…).

 

Le réveil

Le rideau se lève vers 21h10 et dévoile cette fois-ci les cinq hommes derrière Karkwa. Suivant une introduction aux allures psychédéliques, le groupe montréalais débute avec Ouverture, première pièce de son dernier album paru plus tôt dans l’année. Sans pause, Karkwa enchaîne avec Parfaite à l’écran, simple qui avait signé leur retour sur les devants de la scène avec éclat. Le concept d’enchaîner sans répit, à la manière d’un DJ, deviendra une signature du quintette durant la soirée. Pas d’espace au « bla bla », seulement place la musique. Enfin, pas seulement, Louis-Jean Cormier se permettra quelques discours entre les morceaux, mais le groupe préfère nettement laisser parler leurs instruments à travers de longues séquences instrumentales.

Il commence peu à peu à faire froid à l’extérieur, mais à l’intérieur des quatre murs du MTelus, la passion ardente envers ce groupe mythique revenu sur les devants réveille les esprits.

Après la nouveauté, retombons dans la nostalgie. Karkwa interprète en troisième lieu Le Pyromane, fantastique composition de l’album Les chemins de verre, les membres du public chantent religieusement les paroles du groupe montréalais. Les morceaux sortis dans la première vie du groupe résonnent davantage aux oreilles du public, logiquement, bien que les titres de Dans la seconde joués tiennent en eux une qualité équivalente aux disques Le volume du vent et le fameux album « Polarisé ». Laissons-les mûrir dans l’imaginaire collectif.

Les doigts de Lafontaine virevoltent sur ses nombreux claviers, Bergeron tient la baraque à la perfection, Lamontagne apporte cette percussion aux compositions et Sagot permet de monter ce tout d’excellent à légendaire. Et il y a Cormier. Cormier, c’est Cormier. Irréprochable, charismatique à souhait. Le chanteur mène la joyeuse bande d’une main de maître, il fait rire un MTelus déjà conquis durant ses rares interventions, il le fait pleurer, il le fait sauter.

« Eh wow, attends un peu MTelus, on n’a plus 20 ans. On n’a plus 30, même. Mais on est en forme pareil », dit Louis-Jean Cormier durant la pause de L’acouphène face à l’enthousiasme du public, avant de repartir le morceau de plus belle. Non, effectivement, Karkwa a vieilli sur le plan physique, les cheveux des membres du groupe penchent tranquillement vers la grisaille de la cinquantaine, mais les ambitieux étudiants du Cégep de Saint-Laurent ne semblent pas si loin. Ils sommeillaient encore en eux durant cette pause, qui aura permis à Cormier de mener sa brillante carrière en solo. Mais ces cinq-là devaient continuer l’aventure à un moment ou à un autre. C’était simplement inévitable.

« MTelus, tu as devant toi les cinq meilleurs amis du monde », laisse tomber le meneur de Karkwa après avoir interprété Gravité, enchaînant rapidement sur Moi-léger, sublime morceau calmant l’ouragan du premier quart du spectacle. Cinq grandes toiles rectangulaires agrémentent l’écoute du spectacle, recevant durant les titres des projections de divers motifs rappelant l’univers du groupe.

Une question essentielle pourrait naître dans la tête des fans de Karkwa comme chez les membres du quintette eux-mêmes : tout ça, l’album, les spectacles, l’attention médiatique, c’est fait pour durer? Ou cette rentrée ne constitue qu’un happening avant que Louis-Jean Cormier ne poursuive sa carrière en solo? La première option est visiblement préférée, puisque le chanteur de Karkwa annonce officiellement la tenue d’un cinquième MTelus en novembre 2024. Le Festival en chanson de Petite-Vallée accueillera également le groupe à sa prochaine édition. L’automne se prolonge jusqu’à l’année prochaine, et qui sait, cette deuxième jeunesse, ces retrouvailles s’installeront peut-être comme une belle et durable aventure.

Après avoir présenté Les chemins de verre, Karkwa bascule de registre avec un rock gras, lourd, qui fait hocher la tête au 60 BPM sur Dormir le jour. Les basses font vibrer le corps en entier, le groupe étire la sauce sur plusieurs minutes.

Louis-Jean Cormier dédie sa chanson Du courage pour deux à une bonne amie combattant le cancer, avant que Karkwa ne quitte la scène peu avant 23h. Sans grande surprise, la troupe revient en rappel et enchaîne sans tarder sur Échapper au sort. Le rappel s’étale sur une solide trentaine de minutes, Karkwa et son public sentent venir la fin mais ne veulent pas quitter l’autre. Il le faudra bien, malheureusement. Après un hommage à Karl Tremblay sur 28 jours, le groupe invite Marie-Pierre Arthur et Patrick Watson à clôturer son premier passage au MTelus avec Le vrai bonheur. Un salut, et Karkwa disparaît dans la pénombre. La poussière retombe, cette soirée magique est déjà derrière nous.

La scène québécoise n’est plus la même qu’il y a 10 ans, mais une chose n’a pas changé depuis la pause de Karkwa : les membres s’inscrivent encore au rang de génies de l’alternatif et de l’indie, simplement. Le Québec n’a rien à envier à l’Angleterre et ses Thom Yorke et cie. Nous avons notre propre Radiohead. Nous avons Karkwa.

Karkwa se produira le 1er, 2 et 9 décembre au MTelus, avant de reprendre la route pour d’autres dates au Québec.

 

Grille de chansons

  1. Ouverture
  2. Parfaite à l’écran
  3. Le pyromane
  4. L’acouphène
  5. À bout portant
  6. Gravité
  7. Moi-léger
  8. Dans la seconde
  9. Le compteur
  10. Nouvelle vague
  11. Oublie pas
  12. Les chemins de verre
  13. Dormir le jour
  14. L’échafaud
  15. L’épaule froide
  16. Du courage pour deux

Rappel

  1. Échapper au sort
  2. Le coup d’état
  3. 28 jours
  4. Le vrai bonheur

Photos en vrac

Karkwa

Patrick Watson & Marie-Pierre Arthur

blesse

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