crédit photo: Jérôme Daviau
Joe Grass

Joe Grass au Verre Bouteille | Une soirée particulièrement chaude, entre folk décomplexé et rock énervé

C’est une constante avec Joe Grass : quelle que soit la formation avec laquelle il joue, il va nous surprendre. Et cette soirée n’a pas fait exception! En duo avec le talentueux percussionniste et batteur Robbie Kuster, il nous a présenté de nouvelles versions de son dernier album, Falcon’s Heart, aux accents country et folk. Le duo s’est même aventuré dans des titres très rock et particulièrement énervés, qui ont fait notre bonheur.

Joe Grass est un musicien touche-à-tout que l’on connaît comme guitariste, joueur de pedal steel guitar, mandoline et banjo, tout comme arrangeur ou producteur chez nombre de musiciens de la scène montréalaise comme Patrick Watson, Élisapie, Marie-Pierre Arthur, Fred Fortin ou Marcus Lowry. Il a sorti en mai 2023 l’excellent album Falcon’s Heart, qui mérite votre écoute.

J’avais déjà pu entendre Joe Grass nous présenter l’album en solo en première partie de Lil’Andy l’année dernière et sur une scène du Festival de Jazz en juillet dernier, avec une grande formation composée de François Lafontaine (clavier chez Karkwa, Galaxie…), Erika Angell (la voix de Thus Owls), Morgan Moore (bassiste de renom) et Robbie Kuster (percussions).

Ce soir, c’est seulement avec Robbie Kuster que Joe Grass se produit. Kuster est un musicien aventureux recherché qui a notamment officié avec Patrick Watson jusqu’en 2019, et que l’on retrouve derrière des formations variées, que ce soit avec Fred Fortin, Willows, Bye Parula ou sur la scène jazz avec Marianne Trudel, Yannick Rieu, Guillaume Martineau ou René Lussier. On a d’ailleurs pu entendre son côté plus expérimental à l’Ursa ce vendredi pour un concert de haute volée aux côtés de la trompette originale d’Aaron Shragge et de la harpe de Sarah Pagé.

Robbie Kuster a aussi la particularité de jouer des instruments dont je ne connais pas le nom! Ce soir, c’est une boîte en bois où sont plantés ce qui ressemble à de grands clous métalliques accordés, et qui se joue en frottant les doigts dessus. Comme une sorte d’euphone, mais apparemment en métal. Il y a aussi son énorme mbira, appelé également piano à pouce ou kalimba, un instrument plus connu sous sa forme réduite aux origines africaines. Le tout finit également dans des pédales pour être trituré ou bouclé. Ah, j’allais l’oublier, Kuster joue également avec un set de batterie traditionnel, mais qui jouit de quelques percussions supplémentaires, cloches à vache et autre guimbarde. Il fait également des chœurs.

Si le bassiste Morgan Moore était annoncé pour ce concert, il n’était finalement pas présent ce soir, et les basses étaient parfois assurées par Joe Grass avec un pédalier sur quelques titres. J’ai regretté l’absence de Moore, parce que je sais ce qu’il peut apporter à une formation. Mais j’ai aussi aimé le contexte sobre du duo guitare/batterie, où les deux complices ont toute la latitude pour échanger et improviser davantage.

La soirée commence en douceur avec une longue introduction à base de boucles de guitare et de l’instrument à clous de Kuster, qui débouche sur le titre Spoon. C’est ensuite E. Absolute, joué tout en finesse avec plein de nuances de volume et avec un gros son de guitare bien sale sur le solo. La scène est peu éclairée, ce qui rajoute à l’aspect intimiste du duo, avec de petites lumières très directives sur les musiciens qui font de beaux halos.

Le troisième titre est mon morceau fétiche de l’album, Guadalupe, joué au banjo et attaqué à l’archet sur le début du titre. Grass est accompagné des percussions délicates et élégantes de Robbie Kuster, qui livre tout un travail d’orfèvre inventif. De la dentelle de Calais musicale!

Albatross suit avec sa note de guitare incongrue qui brille dans une mesure d’intro silencieuse et qui amène toujours des sourires surpris, la composition qui commence en douceur avant de s’énerver quelque peu. Mais le calme revient et les deux musiciens s’installent au-devant de la scène pour le moment acoustique de la soirée, sonorisé par un unique micro. Grass est à la mandoline et Kuster au mbira pour un titre, puis c’est à la guitare et aux balais que le duo clôt ce moment intimiste et touchant.

Il y a ensuite un temps mort où Joe Grass nous explique comment il prépare sa guitare pour un son non conventionnel (« on détune ces deux cordes, on met un capo là, un autre ici, et le plus important, un trombone à papier sur cette corde! »), avant de livrer un titre plus exploratoire.

 

Bonne fête, Caro!

Le duo vire ensuite sauvage avec deux titres bien rock énervés, qui lorgnent vers le blues croche d’un RL Burnside et que ne renieraient pas Fred Fortin version Gros Méné ou les Black Keys bien réchauffés. J’apprécie le côté dépouillé au son blues hardcore du duo sur ces titres. Joe Grass me surprend encore et livre une facette que l’on n’entend peu de lui. La température monte encore d’un cran dans la salle surchauffée du Verre Bouteille pleine à craquer!

Les deux derniers titres sont pour Caro. C’est sa fête, et elle n’aime pas mes morceaux tranquilles.

Tout un moment de gros rock sale que l’on a vécu là! Je ne te connais pas Caro, mais merci d’avoir amené cette ambiance-là ce soir! L’excitation retombe un peu avec Touch the Void, plus tranquille, qui termine la partie principale du concert.

En rappel, nous aurons droit à une version inspirée du titre country Look Up, Look Down That Lonesome Road, écrite par Gene Austin et surtout connue dans sa version par Doc et Merle Watson, sortie en 1977. C’est suivi d’un autre titre très rock, où les deux musiciens donnent toute leur énergie et embrasent la scène. La soirée se clôture avec le titre Falcon’s Heart sur l’adrénaline.

Si le début de l’été se faisait sentir en ce dimanche soir, on a bien transpiré au Verre Bouteille, de par l’audience nombreuse et de par l’inattendu répertoire rock, une nouvelle facette de Joe Grass que je n’avais pas encore entendue à date. Et bien sûr, il y a le répertoire plus folk, voire éthéré, de l’album solo de Joe Grass, Falcon’s Heart, que l’on apprécie toujours, avec des versions sans cesse remaniées et réinventées qui montrent toute l’ampleur du talent des deux musiciens.

On peut retrouver Joe Grass en compagnie de Kieran Poile, Guy Donis et François Jalbert dans un répertoire vraisemblablement plus country, ce mardi 21 mai 20h00 au Café La Ligne Verte (2531 Rue Ontario Est à Montréal), devant la station de métro Frontenac.

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