Jean dit

Jean Dit au Théâtre d’Aujourd’hui | Jeux de pouvoir infernaux

Infusé de la puissance du métal, Jean Dit est un conte philosophique tout sauf moralisateur. Il veut plutôt remettre en question les certitudes des gens. Aperçu d’une soirée inhabituelle, où on est témoin de la rencontre improbable entre la douceur endimanchée du théâtre avec la musique métal: crasseuse, lourde et dénonciatrice.

Un public quelque peu hétéroclite s’est déplacé au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jeudi dernier, pour la pièce Jean Dit. Celle-ci comprenait une distribution imposante, avec entre autres Éric Forget, Didier Lucien, Leo Argüello, Julie Tamiko Manning. Huit autres comédiens étaient également de la partie. Olivier Choinière (de L’ACTIVITÉ) signe et met en scène cette création qui aborde de pied ferme le sujet des gourous, décrivant comment leur magnétisme peut être dangereux.

Jean Dit: Jouez du métal!

Les spectateurs qui auraient les oreilles sensibles sont accueillis avec des bouchons, près des portes. Jean Dit débute « dans notre face », avec sa chanson-thème. Gare aux âmes sensibles!

Groupe inhabituel et extravagant pour ces planches, Jean Death a envoyé ses décibels malsains à un public semi-dubitatif, semi-amusé. On peut dire qu’il s’agit d’un « all-star band » composé d’autorités en la matière. Le lead signer, Sébastien Croteau (aussi membre de Necrotic Mutation), était très impressionnant dans la livraison de ses gutturaux extrêmes. Important à mentionner: celui-ci est spécialiste de chants de gorge. Il créé des voix pour différentes créatures horribles dans des films, des jeux vidéos et des séries télévisées. Le groupe, également constitué de Mathieu Bérubé (Teramobil et Unhuman), Dominic Forest Lapointe (B.A.R.F., Teramobil, Augury et First Fragment) et Étienne Gallo (Hands of Despair, et Plein Temps), a livré une marchandise métallique très solide.

Crédit photo: Valérie Remise

Crédit photo: Valérie Remise

Toutefois, un certain pattern devient prévisible très rapidement, et celui-ci se répète douze fois…  À chaque fois qu’un nouveau personnage intervient, Jean Death joue une mini-chanson sommant de dire « la vérité, toute la vérité », et un comédien trace un corpse paint noir un peu trop liquide dans le visage d’un autre interprète. L’effet est plus ou moins réussi… Après chaque courte chanson, les comédiens s’agenouillent, en transe devant une sorte de messie imaginaire, créant un tableau surréaliste qui dénonce le pouvoir des manipulateurs.

Jean Death joue majoritairement de courtes pièces de quelques secondes, comme s’il avait peur d’effrayer le public moins averti. Effectivement, des gens sursautent bien souvent! L’arrivée saccadée des pièces casse le rythme, mais le but d’être brutal est très bien accompli.  Il y a beaucoup de high dans le son, et ça énerve un peu à certains moments. Néanmoins, l’efficacité et le professionnalisme du groupe compense largement ces quelques bévues! À souligner aussi, les corsets et les masques.

Tactiques et plaisirs malsains des gourous

Ayant pour thèmes principaux la recherche de la vérité ainsi que la réflexion critique, Jean Dit fait réaliser les formes insidueuses que le pouvoir peut prendre. La pièce fait également songer aux diverses méthodes de manipulation. Certaines croyances sont remises en doute. On demande pourquoi on prend certaines choses pour acquis, comme par exemple les manuels d’histoire, ou encore les feux de circulation.

Crédit photo: Valérie Remise

Crédit photo: Valérie Remise

La troupe des douze interprètes forme peu à peu une secte menaçante, menée de front par Luc, qui réussit à convaincre chaque personne de se joindre à eux en demandant: « Veux-tu jouer a un jeu? ». Celle-ci réalise qu’elle vit dans le mensonge, et ce, peu importe l’aspect de sa vie: santé, interactions sociales et amoureuses, histoire générale, politique, argent et crédit, codes sociaux… Tout y passe. On peut penser ici aux événements organisés par Tony Robbins et compagnie, où des soi-disants gourous proclament aux gens de « rugir comme des lions ». Didier Lucien, qui verse des larmes douloureuses, est particulièrement prenant dans son interprétation d’un premier ministre qui a abusé d’une stagiaire. Et Sébastien Dodge se dénude, montrant ses couilles sans vergogne à un public plus que surpris! La pièce se termine d’ailleurs dans une sorte d’orgie bizarre, où on ne comprend pas trop ce qui se passe.

Tout au long de la pièce, la caméra se pointe parfois sur le public (notamment sur Daniel Souto d’Anonymus!), et les comédiens demandent au public de lever la main s’il a déjà menti. On dénote un certain humour noir, un côté pince-sans-rire qui fait en sorte que le public s’esclaffe librement, malgré l’aspect sombre des sujets traités. Des décors de pacotille (rideau de rubans doré cheap et paillettes) font aussi réfléchir sur les illusions.

Bien plus qu’un simple jeu

Somme toute, comme disent les comédiens: « La vérité est relative ». Mais on se demande, à la fin, qui est Jean? On peut sans doute avancer que c’est Dieu, ou tous ceux qui veulent se proclamer comme tel dans le but d’attirer à eux des âmes perdues, tels des aimants malsains voulant contrôler les destins.

Jean Dit est présenté jusqu’au 17 mars, au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. Vous pouvez vous procurer vos billets juste ici!

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