Francouvertes 2024 – Soir 2 | Maud Evelyne, Paruline et Soleil Launière : Vivre le Québec à sa manière

Après une soirée rock décapante ayant vu le trio PRINCESSES prendre les devants au palmarès, c’était au tour de Maud Evelyne, musicienne folk rock du Bas-Saint-Laurent, Paruline, projet néo-trad de Charles Labrèche, et Soleil Launière, artiste multidisciplinaire autochtone, de performer sur la scène du Lion d’Or, mardi. Les trois performances se tenaient et ont proposé d’agréables moments musicaux à travers des univers distincts, même si les passages de Paruline et de Soleil Launière semblent avoir davantage conquis le public du cabaret et le jury.

Les artistes donnant une performance pendant la même soirée ne sont pas rassemblés par pur hasard. Un genre musical, un thème les unit. Plus difficile à cerner, ce sont bien des musiciens s’attachant à des racines diverses qui se sont succédés sur la scène du Lion d’Or mardi. Parce que le Québec ne se vit pas de la même manière. Il peut être moderne, traditionnel comme autochtone. Parce que chaque réalité est unique et mérite d’être entendue.

En guise d’introduction, Mon Doux Saigneur, projet d’Émerik St-Cyr Labbé, vient briser la glace pour cette deuxième performance de la série J’aime mes ex. « J’ai pas fait mes devoirs », confesse l’artiste dès sa première intervention au micro, en référence au fait qu’il ne calera pas ce soir une nouvelle composition comme le suggère pourtant fortement le concours-vitrine dans sa série.

Mon Doux Saigneur livre malgré tout une bonne performance, un peu trop molle par moments, l’absence de musicien accompagnateur ne contribuant sûrement pas à la cause. Le musicien clôture son passage avec Aller, son succès de la première heure.

* Photo par Jaime Antonio Luna Quezada.

Maud Evelyne 🎵 🎵 🎵

Maud Evelyne, demi-finaliste au Festival international de la chanson de Granby en 2017, foule les planches du Lion d’Or et entame sa performance avec Madrid. Pas une référence à la ville espagnole accueillant les matchs de Los Blancos, plutôt une au restaurant sur l’autoroute 20 entre Montréal et Québec entouré de dizaines de répliques de dinosaures. Un peu moins glamour, non? Et pourtant.

Le charme de Maud Evelyne réside dans son humanité, dans sa façon de nous faire voyager, à travers ses paroles colorées, dans son univers unique et, disons les vraies choses, assez étrange (dans le bon sens du terme). Un monde où il pleut des fantômes, où les arbres mangent des grilled cheese et où les rossignols du Dollarama lui racontent les plus belles histoires.

Maud Evelyne est drôle, pas à travers des blagues préalablement préparées mais bien dans son attitude, dans sa façon de s’exprimer naturellement et sans gêne au public. Les compositions sont variées, pas toujours accessibles mais c’est à son avantage, cela renforce le caractère original du personnage.

La musicienne s’offre une intervention parlée après Les merles et donne la note de quatre à l’auditoire du Lion d’Or, avant de répéter l’exercice en apposant la même note à son bassiste, puis à son batteur. Un brin d’influence subliminale, Evelyne s’improvise sûrement mentaliste quand on sait que le chiffre quatre est le plus haut score pouvant être décerné à un artiste des Francouvertes par les membres du public.

Sur les neuf titres joués durant son passage, l’intégralité provient du premier et pour l’instant unique album de Maud Evelyne, Préfontaine. Ce genre de projet, ce genre de risque, ça passe ou ça casse, la fantaisie ravit l’un ou agace l’autre.

* Photo par Jaime Antonio Luna Quezada.

Paruline 🎵 🎵 🎵

Remettre le trad au goût du jour, combiner des influences traditionnelles avec un spectre moderne, contribuer à l’évolution constante de la musique folklorique québécoise : voilà des désirs que l’on entendait l’année dernière de la bouche d’Héron, qui se sera hissé à la troisième place de la 27e édition des Francouvertes. Paruline rappelle en quelque sorte le projet d’Henri Kinkead dans sa forme.

Un aspect important à mentionner : Paruline n’avait jamais joué de spectacle avec tous les musiciens du projet réunis auparavant, cette performance aux Francouvertes apparaît donc comme un vrai test pour Labrèche et sa bande. Un test passé avec aisance.

À travers quatre compositions originales, Sirène, Immobile, Simone et Théophile (pour l’instant le seul titre paru sur les plateformes), Paruline parvient à enflammer le cabaret Lion d’Or. Le public des Francouvertes est à vrai dire souvent friand d’une telle musique, le désir d’indépendance probablement partagé par plus de 90% des personnes présentes mardi se traduit dans les réactions offertes au projet de Labrèche. Fier de son Québec d’aujourd’hui, oui, mais aussi fier de son Québec d’antan.

Après un très bon solo de violon de la part de Labrèche sur Théophile, une majorité de membres du public au parterre se lèvent pour applaudir Paruline. Le projet est encore trop naissant pour se prononcer complètement, il est difficile de dire si ses artisans auront les ressources et l’expérience nécessaire pour se rendre jusqu’au bout, mais le potentiel est réellement là, et l’enthousiasme de Labrèche et ses musiciens se transmettent à tous ceux et celles qui l’écoutent.

* Photo par Jaime Antonio Luna Quezada.

Soleil Launière 🎵 🎵 🎵 🎵

Pour beaucoup, la performance la plus marquante de la soirée, certainement (un avis partagé par l’auteur de ces lignes). Soleil Launière œuvre dans le milieu artistique depuis plus de 15 ans, comptant des spécialisations dans l’art performance, le mouvement, le théâtre et évidemment la musique. Son expérience se ressent rapidement. L’artiste est issue de la communauté ilnue de Mashteuiatsh, la puissance de la culture autochtone guide ses interventions.

Soleil Launière entre doucement sur Pimiteu dans une ambiance brumeuse, orageuse. Elle interprète ensuite Era Ew et Pimishkau, continuant de présenter son album Taueu dans l’ordre jusqu’à MMIWG2S. L’artiste autochtone prend le temps de répéter le même message, l’obsession se transforme peu à peu en contemplation. Le processus pourrait rappeler la quiétude de Dominique Fils-Aimé, autre artiste soul roots québécoise, bien que Soleil Launière dégage un penchant plus sombre que sa consœur.

L’artiste se repose également sur des textes récités par l’immense Joséphine Bacon et retransmis sur les enceintes du Lion d’Or, un habile ajout. Sans rentrer dans la définition de « bête de scène » soutenue par certains, la présence scénique de Soleil Launière est sans appel, les images mises en musique transportent au fin fond d’une forêt, entre plénitude et tourments. Les instants musicaux psychédéliques rappellent grandement des séquences d’Echoes de Pink Floyd.

Soleil Launière étend sa robe noire à la manière d’un corbeau sur O Broc, elle déterre (littéralement, il y avait de la terre sur la scène) une longue corde rouge emmêlée sur MMIWG2S. Des messages puissants, malgré le fait qu’une très grande majorité de la salle ne pouvait saisir les propos des paroles en écoutant simplement l’artiste chanter.

La magie de la musique, dire sans rien dire.

Soleil Launière clôture sa performance avec Piekuakami et les battements constants de Nitei. Les chauds applaudissements sont amplement mérités.

* Photo par Jaime Antonio Luna Quezada.

Verdict

Sans surprise, Soleil Launière se hisse au premier rang, juste devant la troupe punk PRINCESSES. Paruline occupe pour sa part le troisième rang du classement après deux soirs, alors que Maud Evelyne se loge en sixième place.

Les Francouvertes se poursuivront lundi prochain, avec Corail, Folaube et Karolan Boily.

Classement après le Soir 2

1. Soleil Launière
2. PRINCESSES
3. Paruline
4. Fantômes
5. Collation
6. Maud Evelyne

Grille de chansons (Maud Evelyne)

1. Madrid
2. Rossignol du Dollorama
3. Les merles
4. Grilled Cheese
5. Tardigrade
6. Palantir
7. Des arbres sur les centres d’achat
8. Quand nous serons vieux
9. Dis-moi si la ville

Grille de chansons (Paruline)

1. Sirène
2. Immobile
3. Simone
4. Théophile

Grille de chansons (Soleil Launière)

1. Pimiteu
2. Era Ew
3. Pimishkau
4. Au bout
5. Kapatau
6. MMIWG2S
7. O Broc
8. Piekuakami
9. Nitei