Fontaines D.C.

Fontaines D.C. au Théâtre Corona | Plaidoyer pour la fureur du rock

Breaking news : le rock n’a pas tout à fait le vent dans les voiles depuis quelques années. Supplantées par les synthés léchés de la pop et les rythmes gras du rap, les guitares rugissantes grognent un peu dans le beurre en ces années 2020. Heureusement, il y a la scène post-punk du Royaume-Uni qui fournit du rock de qualité à un rythme intéressant ces derniers temps. Et Fontaines D.C. en est peut-être le meilleur représentant (même s’ils viennent de l’Irlande du Sud).

De passage au Théâtre Corona un lundi soir, la troupe dublinoise a rappelé pourquoi la cathartique fureur du rock n’a pas d’égal.

Quand le fulminant Grian Chatten marche en cercle comme une bête furieuse, en secouant sa main droite dans le vide ou en replaçant sèchement son pied de micro deux centimètres plus loin, pendant que ses collègues attaquent avec force le rythme entêtant d’A Lucid Dream, l’adrénaline pompe dans nos veines comme la sève qui remonte dans l’érable.

Ils sont quelques-uns à nous faire cet effet en Grande-Bretagne ces derniers temps : IDLES, Squid, Shame, Dry Cleaning, Courting, Sleaford Mods…  On pourrait inclure les Suédois de Viagra Boys, les plus nuancés Black Country, New Road ou encore les prodiges du math-punk expérimental, Black Midi (qu’on a grandement appréciés en spectacle il y a un mois à la SAT).

Mais Fontaines D.C. a une petite longueur d’avance sur eux tous.

Le premier album Dogrel nous avait charmé par son aisance et ses riffs incendiaires en 2019. On les avait vus (et adorés) à Osheaga cet été-là, en début d’après-midi avec à peine une poignée d’autres spectateurs. Une plage horaire un peu ingrate pour un groupe si prometteur. Grian Chatten s’en mordait le pouce…

* Fontaines D.C. à Osheaga 2019. Photo par Nadia Davoli.

 

Pandémie oblige, il aura fallu attendre trois ans avant de les revoir à Montréal. Entre-temps, ils ont eu le temps de sortir A Hero’s Death en 2020, et Skinty Fia il y a une dizaine de jours. Deux albums qui démontrent à la fois une curiosité musicale plus grande, un côté un peu plus sombre et une poésie toujours plus riche.  En proposant une grille de chansons équitable entre les trois albums, on était à même de constater la grande qualité de leur évolution musicale en si peu de temps, sans jamais perdre le fil conducteur.

Sur scène, on sent toutefois les gars fatigués, sans doute usés par la vie de tournée et les excès. Ça doit pas boire de l’eau pétillante en fin de soirée, ces garçons-là ! Mi-vingtenaires créatifs et prolifiques, on sent qu’ils portent en eux à la fois l’inspiration punk et les ravages qui viennent avec.

Ça ne les empêche pas de donner tout un show. Au contraire.

C’est imparfait, raboteux, échevelé, mais quand Hurricane Laughter, Televised MindToo Real ou Boys in the Better Land emboitent le pas, le parterre s’anime et on ressent chaleur humaine créée par les mouvements de la foule. L’envie de se défouler, même masqués, nous prend.

Le flambeau amoché du rock est entre bonnes mains avec des groupes comme Fontaines D.C. Dans une époque où le rock aurait meilleure mine, ce groupe-là remplirait des Centre Bell…

 

Superbe découverte en première partie

En ouverture de la soirée, une jeune bande de compatriotes nommée Just Mustard réchauffait la foule avec, eux aussi, un son post-punk, mais aussi quelques effluves noise et shoegaze.

« Ça me rappelle le soundtrack de The Crow », lance spontanément notre spectateur voisin au parterre. Une comparaison étrangement spécifique, mais on comprend exactement ce qu’il veut dire. Ce disque de 1994 sur lequel Nine Inch Nails reprenait une chanson de Joy Division, où The Cure s’ajustait au rock alternatif des années 1990 et où des formations comme For Love Not Lisa, Machines of Loving Grace et My Life with the Thrill Kill Kult ont existé pendant, genre, deux mois.

Il y a un peu de tout ça dans Just Mustard, mais aussi une bonne dose de Slowdive, surtout avec la jeune chanteuse Katie Ball, les mains dans le dos à la Noel Gallagher mais impassible, qui perce les murs de son de guitares avec sa voix claire au timbre argentin.

C’est très shoegaze dans la présentation aussi : le batteur est le seul membre dont le rythme cardiaque semble dépasser 50.  Ses collègues créent leur musique tempétueuse dans un calme le plus total, voire une non-chalance adolescente qui rappelle les belles années de My Bloody Valentine.

Certains spectateurs ont semblé agacé.es par cette présence scénique, disons, très posée. Pour notre part, ça nous semblait plutôt raccord avec la musique jouée.

Musique fort appréciable par ailleurs. Très belle découverte.

Photos en vrac :

Grille de chansons (Fontaines D.C.)

A Lucid Dream
Hurricane Laughter
Sha Sha Sha
Roman Holiday
I Don’t Belong
Chequeless Reckless
Televised Mind
Nabokov
The Lotts
Too Real
How Cold Love Is
I Love You
A Hero’s Death

Encore:

Skinty Fia
Boys in the Better Land
Jackie Down the Line

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