Festival La Noce

Festival La Noce 2024 – Jour 2 + Jour 3 | Teintes de punk et de douceur

Après avoir réussi à finir de trier et traiter nos photos et à mettre de l’ordre dans nos mots pour finalement publier notre compte rendu du jour 1, on est arrivé en trombe sur le site vendredi pour le concert du trio rock psychédélique Population II, dont on nous avait vanté le talent et l’efficacité. Une fois devant la scène, on s’est vite rendu compte que le commanditaire n’était pas Hydro-Québec, mais plutôt Télé-Québec… on est donc illico reparti au pas de course (avec notre gros sac à dos rempli de matériel photo) jusqu’à la scène de la société électrifiée, pour arriver, moite et essoufflé, alors que le power trio avait déjà commencé.

À tribord, un bassiste qui groovait en sale, balancé par un claviériste parfois guitariste à bâbord, pendant que le leader, un batteur qui chante (plutôt rare), menait le bateau en véritable pro. Bref, une trinité qui était bien décidée à rocker comme il faut, avec son fuzz ensoleillé mais bruyant, frénétique et pesant, dynamique et puissant… toute ça en même temps. On s’est surpris à se rappeler de la défunte formation de Québec Les Indiens pour le son, sans pour autant faire stoner. Le rock psychédélique de Population II nous a fait parfois planer entre punk garage et post-grunge jazzé (genre). Définitivement, ce trio nous a laissé un p’tit (mais ô combien délicieux) goût de r’venez-y. À répéter au plus maudit. Ah, et ils ont même fait tirer un pâté à’ viande.

Mettre le feu au mosh pit

Ensuite, on a rembobiné la cassette jusque dans le milieu des années 1990 pour l’enflammée prestation de Grimskunk, l’un des porte-étendards du rock alternatif d’ici. Un groupe que votre scribe n’avait pas revu en direct depuis son passage au Festival Heavy MTL il y a une décennie de cela.

Or, c’est comme si notre belle bande de punks n’avait pas vieilli d’un poil, offrant un set list de fuego, incluant Let’s Start a War (Unreason in the Age of Madness, 2018), Set Fire to the Nation (Set Fire!, 2013) et surtout tout plein de classiques. Au menu, les fans de tous âges ont eu droit à en masse de titres de Fieldtrip (dont Gotta Find a Way et ¡Ya basta!), de Meltdown (La Vache, Le gouvernement songe et P.C.P.) et de l’éponyme (Don’t Hide et Silverhead), en plus d’une nouvelle chanson (Nice Dice). Au grand plaisir des festivaliers, qui se sont donné à cœur joie dans les mosh pits. Il y avait toujours environ trois ou quatre personnes surfant sur la foule plutôt compacte, dont un garçon d’une dizaine d’années et même un punk en fauteuil roulant!

Délaissant sa dorénavant traditionnelle chaise pour sautiller et arpenter le devant de la scène à plusieurs reprises, le leader Franz Schuller (chant et guitare) était en feu, tout comme ses vieux frères, soit le guitariste soliste Peter Edwards et le batteur Alain Vadeboncoeur, ce dernier étant de retour dans le groupe depuis 2021 après une pause d’une douzaine d’années. Pour vrai, c’était comme si on retrouvait des vieux chums. Ils nous ont offert un concert aux allures de réunion de famille.

On a aussi pu constater que Groovy Aardvark et Grimskunk semblent ne faire maintenant presque un, tant on ne distinguait plus où commençait l’un et où l’autre s’arrêtait : en plus de Vincent Peake à la basse et au chant (qui a joint le groupe il y a déjà un bon moment), Martin Dupuis était à la guitare ce jour-là, alors que Frank Legendre était son technicien en coulisse. À quand un concert fleuve de GroovySkunk, mêlant le répertoire des deux monstres sacrés de la musique heavy made in Québec, hein?

Incandescente Elisapie

Ensuite, on ne s’est pas trop éloigné de la Scène Sirius XM, qu’allait ensuite fouler la fort talentueuse Elisapie, programmée en tête d’affiche, après son passage à la Noce de Cuir en 2019. D’autant plus que votre scribe n’avait encore jamais eu la chance d’assister à l’un des concerts de la chanteuse inuit. Et hop, une chanson plus tard, il fut frappé d’un coup de foudre direct dans le cœur. Envoûtante, la chanteuse a ensorcelé en un rien de temps La Noce, avec les reprises composant son p’tit dernier, Inuktitut (Bonsound), paru l’automne passé. On parle de pièces de Fleetwood Mac, Cyndi Lauper, Blondie, Leonard Cohen, Neil Young et même Metallica (sa version de The Unforgiven est même meilleure que l’originale!).

Des chansons populaires et immortelles qu’elle a volées aux blancs (ses mots!), se les réappropriant en traduisant les paroles dans sa langue natale, celle de ses ancêtres, en livrant le tout avec une indicible douceur, une parfaite mélancolie, une insondable profondeur… touchant inévitablement beaucoup de cœurs.

Avec sa vibrante intensité, son unicité, en se livrant corps et âme, elle est un peu notre PJ Harvey à nous. Ça nous est venu en tête lorsqu’elle a interprété les puissantes Arnaq et Wolves Don’t Live by the Rules (The Ballad of the Runaway Girl, 2018). Autre moment fort, son touchant témoignage qui rendait hommage à son cousin s’étant enlevé la vie, soulignant au passage la pandémie de suicides touchant les jeunes hommes de sa communauté.

Forte de près de 20 ans de carrière, l’artiste habitait la scène en mode livre-ouvert, son authenticité irradiant les spectateurs captivés, malgré le dérangeant bruit de fond généré par ses festivaliers imbibés. Peu importe, car Elisapie n’en faisait pas de plat, restant solidement connectée avec son public tout au long de sa performance, avec sa voix douce mais puissante, ondulant au gré des franges de sa tenue.

À table avec la Duchess

Encore dans les vapes de cette solide connexion avec une artiste d’exception, on est embarqué dans la navette en direction du CEM pour le tour de chant d’Annie-Claude Deschênes, imprévisible chanteuse de Duchess Says et PyPy. Et v’lan, on a reçu une autre claque dans’ face, grâce à cette maudite belle punk qui ne se peinture jamais dans un coin. Après être passé au CEM en mai dernier, elle était de retour pour présenter à nouveau le matériel tiré de son premier album solo Les Manières de table (lancé au printemps).

Sans guitare, mais avec beaucoup de sonorités datées ou expérimentées, les nouvelles compos d’Annie-Claude étaient en mode électro, mélangeant échantillonnage d’instruments de cuisine (pour rester dans le thème culinaire) et styles synthétiques, comme le disco, le krautrock et le new (cold?) wave, tout en restant toujours ultra dansant. Si vous aimez Devo, Kraftwerk, Front 242, Giorgio Moroder et le courant synthwave (Kavinsky, Carpenter Brut), vous serez servis.

Or, si en plus vous adorer Joy Division et Public Image Limited, vous allez vous délecter, car le (post) punk n’est jamais trop loin avec Annie-Claude. La performeuse multipliait les bains de foule, proposant avec un fun contagieux d’absurdes et déstabilisantes mises en scène, dont certaines assez hilarantes merci, comme celle mettant en vedette de la crème fouettée en spray!

Bref, dès la première note jouée, c’était impossible de ne pas s’amuser comme des cinglé.es. Quel plaisir de voir et entendre s’éclater cette artiste totale, qui s’exprime sous toutes sortes de formes, tant aux niveaux audio que visuel, et en faisant fi des normes. On a le goût de lui dire d’aller là où on ne l’attend pas et d’explorer d’autres avenues et styles insolites… comme le metal crossover à la Dirty Rotten Imbeciles, qu’elle ne détestait apparemment pas jadis!

Deux petits tours et puis s’en vont

Rendu au jour 3, on n’avait presque plus faim, se disant que c’était quasiment impossible d’accoter les inoubliables performances auxquelles on avait assisté. De plus, la programmation du samedi nous semblait un peu moins alléchante que le buffet varié et tout garni de la veille. Ça n’a pas empêché votre scribe d’aller voir cette bibitte qu’est Baby Volcano, qui jouait sur la Scène Hydro-Québec. On était pas mal intrigué, depuis qu’une amie nous l’avait conseillée après être tombée dessus par hasard quelques jours auparavant en extérieur au Festival International de Jazz de Montréal.

Après être arrivée sur scène masquée avec l’intention de faire peur ou, du moins, d’inquiéter quiconque n’en ayant jamais entendu parler, la jeune artiste aux origines suisses et guatémaltèques y est allée de de sa sombre mixture de chanson française et de rap trap (souvent en espagnol), mêlé à des accents tropicaux en mode dub-step électro (ça se peut, ça?), rappelant par moment le Die Antwoord de Yolandi avec son débit de dure à cuire. Bien qu’on ait trouvé au final un peu redondante la prestation de Baby Volcano (qui tentait de choquer sans trop s’assumer), on gardera tout de même l’oreille ouverte pour voir ce que nous pondra dans le futur ce drôle d’oiseau.

Avant d’accrocher notre passe média de La Noce de Chypre, on est retourné sur la grande scène pour le concert du seul et unique Philippe Brach, également co-fondateur (et longtemps porte-parole) du festival. Avec ses poils en bataille, son chapeau rigolo et une robe de chambre du dimanche qu’il semblait avoir empruntée au grand Lebowski, le Saguenéen d’origine était de retour chez lui, après avoir inauguré le festival en 2017 et y avoir aussi joué en 2019. Il retrouvait autant ses vieux que ses nouveaux amis, leur livrant une fois de plus sa belle poésie et ses fraîches mélodies, le soleil se couchant dans le ciel de Chicoutimi.

La Noce, c’est un maudit bel événement qu’on aime d’amour, auquel on est clairement marié pour toujours. À l’été prochain!

Nos photos en vrac

Population II

Grimskunk

Elisapie

Annie-Claude Deschênes

Baby Volcano

Philippe Brach

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