crédit photo: Charles-Antoine Marcotte
Etienne Coppée

Étienne Coppée au Gesù | Se rappeler ce qu’est Noël

Étienne Coppée et d’autres talentueux musiciens réchauffaient les cœurs déjà froids des auditeurs attentifs du Gesù, ce mardi 19 décembre. Présentant une version montréalaise de leur spectacle Un petit show de Noël, d’abord produit à Lac-Mégantic, les artistes ont su varier avec brio entre un répertoire mielleux et une ambiance intime.

Les Québécois ont déjà ressenti un esprit de Noël plus présent que ces temps-ci. Voyez les milliers de morts de l’autre côté de l’Atlantique, voyez ces professeurs se battant pour des conditions de travail correctes dans la province, ajoutez la pincée de sel d’un climat rappelant les contrées les plus pluvieuses et mornes d’Angleterre. C’est comme si le mois de novembre et sa morosité s’étaient étalés sur son prochain d’habituel si lumineux. L’avenir est flou, flou comme la vision d’un astigmate, flou comme les photos d’un vieil iPhone.

Mais ce Petit show-là, il vient contrer la donne. L’avenir est incertain, il est laid. Mais autant vivre la fin du monde ensemble. Autant se rappeler ce qu’est Noël ensemble.

 

En communion

Vers 19h15, Étienne Coppée et ses amis musiciens foulent les planches du Gesù, pour interpréter une sublime reprise d’Ave Maria, de Franz Schubert, épurée en des harmonies et une guitare. Le spectacle ne démarre pourtant pas sur les chapeaux de roues. Avant d’entamer l’introduction, mais déjà sur scène, les musiciens prennent une solide trentaine de secondes pour accorder leur guitare, sous les rires du public. Et ce ne sera pas le seul événement de ce type à noter.

Raphaël Pépin-Tanguay sort un « criss » bien senti alors que sa guitare se débranche pendant Noël Blanc, pendant qu’Étienne Coppée arrête sa belle reprise de Ça va pas changer le monde, de Joe Dassin, interrompu par la notification d’un téléphone posé sur son piano. « Il y a Ced St-Onge qui dit bonjour », plaisante le gagnant des Francouvertes 2021.

Cet aspect « manqué », quelque peu brouillon par moments, ajoute un charme à la performance des musiciens. Loin des superproductions américaines millimétrées, Étienne Coppée, Bruno St-Laurent, Flavie Melançon, Marie-Pierre Arthur et Raphaël Pépin-Tanguay offrent cette chaleur conviviale, à rappeler une soirée du réveillon avec ses proches, cherchant la perfection dans l’imperfection.

« Imaginez-vous qu’on est à un party de famille, et qu’on est les cousins, cousines bons en musique », lance Étienne Coppée, renchérissant sur l’image.

Les musiciens n’utilisent pas une grande partie de la scène, et sont disposés à un mètre à peine l’un de l’autre. Continuant dans cette lignée, Salomé Leclerc gagne la scène pour un duo avec Étienne Coppée sur Le sentier de neige, alors que l’auteure-compositrice-interprète était autrefois sa mentore.

 

Varié

Plusieurs fois durant la soirée, Elkahna Talbi, aussi connue sous le nom de Queen Ka, prend le micro et énonce des textes dans un format spoken word. L’idée permet de faire respirer le spectacle, et évidemment de varier de la proposition, majoritairement composée d’un répertoire de Noël, ne surprenant pas toujours. Et ce logiquement.

Des classiques du temps des Fêtes ne sont pas surnommés comme tel sans raison. On les a entendus à profusion et on les entendra encore dans 50 ans. Saluons tout de même l’initiative d’avoir interprété la quasi-intégralité de ces standards en français, dans un monde pourtant ponctué par l’écoute de morceaux en anglais. Sleigh Ride devient Promenade en traîneau, The Christmas Song (Merry Christmas To You) s’entend Joyeux Noël, etc.

Le Devoir mettait le doigt sur une statistique affolante en novembre dernier : au Québec, aucune chanson en français ne s’était glissé dans le top 100 des morceaux les plus écoutés dans l’année.

Les prochains jours, autant écouter les classiques de Noël interprétés par Ginette Reno ou Les Classels, autant troquer son disque de Mariah Carey ou de « Michaël Bublé chante Noël » pour du local. Ces deux-là vont s’en remettre.

À chanter en français, l’occasion arrive à point pour mettre pleinement à l’honneur le Québec. Les musiciens sur scène interprètent 23 décembre, classique de Beau Dommage, avant d’inviter des adolescents du camp de jour d’Étienne Coppée chanter L’amour a pris son temps, tiré du film que l’on ne présente plus. Cheesy, oui, mais une fois de temps en temps, ça fait du bien.

L’atmosphère intime pousse Étienne Coppée à se livrer sans gêne devant le Gesù. Avouant que de l’anxiété l’a contraint à prendre une pause d’une année, le musicien envoie un message à tous ceux dans la même situation, empathique. Certains artistes décident de se morfondre dans les méandres sombres de leur esprit pour livrer des chansons noires, Coppée préfère se concentrer sur le lumineux et écrire des chansons optimistes. Un choix respectable, mais d’autant plus difficile.

Suivant un poème d’Elkahna Talbi, Étienne Coppée et le reste des musiciens enchaînent sur Demain il fera beau, aux magnifiques harmonies, et Minuit chrétien. Le rappel ne tarde pas, les artistes regagnent la scène, jouent Le vent se lève et À partir de maintenant, avant de « se laisser sur une dernière ».

Un peu à l’opposé du reste de l’esprit du spectacle, les musiciens clôturent le concert, après presque deux heures de performance, sur une reprise effrénée de All I Want for Christmas is You. Les expressions faciales des artistes sont parfois exagérées, le public rit à entendre ce morceau beaucoup trop joué, et l’on comprend que cette clôture tire presque de l’ironie, mais surtout, de la légèreté présente depuis les débuts de la soirée.

Sous une énième acclamation, les amis, cette bande d’amis, quittent la scène du Gesù, ces guirlandes, le vitrail et les couvertures douillettes, laissent suspendre dans l’air l’énergie des grelots, de la neige qui tombe doucement et des modestes chorales pastorales.

Il est temps de se préparer aux réunions du temps des fêtes, et à manger et boire jusqu’à plus soif. Il est temps de revoir sa famille autour de la table pour prendre des nouvelles de l’autre.

Il est temps de dire à Mamy qu’on l’aime. Et d’entendre la dernière blague salace du mononc’ cochon. On se reverra le sept janvier.

Grille de chansons

  1. Ave Maria
  2. Noël blanc
  3. Promenade en traîneau
  4. Ça va pas changer le monde
  5. Trois anges sont venus ce soir
  6. Joyeux Noël
  7. Marie-Noël
  8. Le sentier de neige
  9. All Right
  10. 23 décembre
  11. L’amour a pris son temps
  12. Demain il fera beau
  13. Minuit chrétien

Rappel

  1. Le vent se lève
  2. À partir de maintenant
  3. All I Want for Christmas is You

Vos commentaires