Paul Cargnello

Entrevue avec Paul Cargnello | La promesse de toujours surprendre

Ce vendredi, Paul Cargnello lancera au Ministère « Promises », un album qu’il considère comme son plus abouti en carrière. Avide de nouvelles sonorités et de collaborations enrichissantes, l’artiste, qui fête cette année son quarantième anniversaire, s’attelle depuis 20 ans à renouveler son art pour surprendre toujours plus. Au détour de confidences sur sa longue et prolifique carrière, entrevue avec un artiste engagé, passionné et passionnant qui ne cherche pas la gloire mais plutôt à « faire danser le monde ». 


 

D’où t’es venue l’inspiration pour Promises, ton 15ème en carrière ?

C’est un album qui parle, tristement, de la mort. C’est inspiré de 2016, avec David Bowie, Prince et Phife Dawg (A Tribe Called Quest) qui sont tous trois décédés la même année. Je fais souvent du punk ou de la folk, des genres différents de la pop et du hip-hop, et là je me suis dis que c’était le moment de faire un hommage à ces grands artistes-là.

Comment as-tu appréhendé ce thème difficile à aborder ?

Pendant que j’étais en train de travailler sur cet album, mon beau-père est décédé aussi. C’est un homme que j’aimais beaucoup et qui a eu une grande influence sur ma musique. Je pense que c’est important de ne pas être mélancolique en parlant de choses comme ça parce que la mort vient avec la vie, on n’a pas le choix.

Les artistes les plus intéressants sont ceux qui sont capables de chercher un public dans la musique qui n’est pas nécessairement leur style.

Sur ce nouvel album, tu fait appel à Aiza, Shash’U ou encore Narcy. Que t’ont apporté ces collaborations ?

Je suis convaincu qu’on ne s’améliore pas en tant qu’artiste sans collaborations. J’aime être dans des spectacles, aller chercher des artistes et des voix plus jeunes que moi. Je suis chanceux d’avoir la possibilité de travailler avec eux et de leur donner mes connaissances. Mais le cas, souvent, c’est que ce sont eux qui m’aident beaucoup. Pour moi, les artistes les plus intéressants sont ceux qui sont capables de chercher un public dans la musique qui n’est pas nécessairement leur style.

Tu évoquais Prince un peu plus tôt. Comment le Kid de Minneapolis a-t-il influencé ta carrière ?

Prince voulait tout le temps enlever les intermédiaires, confronter l’industrie de la musique, confronter aussi les radios commerciales et labels.

Prince à Montréal en 2011, photo par Victor Diaz Lamich

J’ai finalement eu une carrière très similaire en signant plusieurs contrats, un à la fois. J’ai toujours été un électron libre dans l’industrie. C’était une faiblesse mais maintenant, avec le recul, c’est devenu ma force. Et aucun regret… Je connais beaucoup d’artistes qui n’ont pas survécu.

Est-ce que tu crées de la musique pour toi-même ou pour les autres ?

Je fais de la musique pour moi-même, et en même temps, cela a été une énorme critique dans ma carrière. D’un album à l’autre, il n’y a pas nécessairement un fil conducteur. Mais David Bowie, par exemple, était toujours entrain de challenger son propre public, de dire que son prochain album ne sera pas comme le dernier. Tu le forces à avoir une ouverture d’esprit, mais ce n’est pas toujours facile.

Pourquoi ?

Comme je saute entre le français et l’anglais, ça m’arrive souvent que je développe une énorme audience québécoise et francophone. Puis là, les deux prochains albums sont en anglais et on m’accuse de lâcher les racines québécoises. En même temps, je suis un artiste très prolifique et on ne sait jamais, je vais peut-être retourner à un album en français.

D’ailleurs, dans quelle langue préfères-tu composer ?

Ça dépend du sujet. En anglais je suis capable d’être plus macabre et mystérieux, mon vocabulaire étant plus fort. En français, je cherche davantage la simplicité. Je joue dans mes limites puisque c’est ma deuxième langue, mais c’est très cool de travailler dans les limites. Je ne suis pas un excellent claviériste mais j’aime composer avec ça, parce que ça me force à penser différemment.

Je suis convaincu que les artistes ne sont pas capables de convertir du monde. On est juste là pour renforcer des idées, ou donner force et voix à des gens qui n’en ont pas.

En tant qu’artiste engagé en faveur du multiculturalisme et de plusieurs causes sociales, quel est ton regard sur le fait que les artistes aujourd’hui s’exposent moins politiquement qu’auparavant  ?

Les artistes ont peur de la critique, et c’est très dangereux d’être politisé. L’année dernière, j’ai organisé un spectacle qui s’appelait MTL VS Racisme. Il y avait plusieurs artistes connus qui ne voulaient pas s’associer avec ce mouvement parce qu’ils avaient peur du backlash, car ils ne voulaient pas être associés à Montréal et le mot « multiculturalisme ». C’est ça que je représente. J’ai travaillé pour beaucoup de causes et je ne vais jamais arrêter. Je suis pas là pour convertir, et je suis convaincu que les artistes ne sont pas capables de convertir du monde. On est juste là pour renforcer des idées, ou donner force et voix à des gens qui n’en ont pas.

Au Fringe 2017, photo par Cindy Lopez

 

Revenons à « Promises » et son lancement le 3 mai prochain au Ministère. À quoi peut-on s’attendre comme spectacle ?

Je ne suis jamais capable de refaire exactement ce qu’il y a en studio, et dans n’importe quel album j’étais forcé à faire un petit changement.

Je connais beaucoup d’artistes qui vont engager des musiciens pour travailler exactement comme ça sonne dans leur tête mais moi, je laisse ce qui est dans ma tête comme quelque chose de vraiment ouvert et je vais engager des artistes intéressants qui amèneront leur propre couleur. Essentiellement, le spectacle va être mieux que l’album, parce que ce n’est pas juste moi mais plusieurs autres artistes qui collaborent.

En terme de collaboration, il y a eu celle avec Vincent Vallières qui fête également ses vingt années d’activité!

C’est drôle, quand on a travaillé ensemble sur Brûler le jour en 2007, il était quand même jeune dans sa carrière! Je suis toujours fier de voir un autre artiste qui a réussi, content de voir que des artistes n’ont pas lâché et ont trouvé une façon de gagner leur vie. Et sa chanson, On va s’aimer encore, est comme un miroir de ma propre relation avec ma femme avec qui je suis depuis 25 ans. C’est devenu son plus grand succès, mais c’est mérité.

Parlant de famille, il y a aussi eu cet album en 2017, « Something Dimferent », où tu chantes du punk-rock avec ton fils…

Quand tu as des enfants, la musique devient de la merde avec des voix condescendantes. Je suis là, fuck that : les enfants ont besoin de la bonne musique d’adultes aussi! Mon but était juste de créer quelque chose qui sonne assez cool pour des adultes, et assez fun pour des enfants. Évidemment, j’ai combiné deux choses que j’aime le plus, la musique et ma vie de famille. C’était génial de travailler avec mon fils.

Cet album est une fierté. Il y en a-t-il eu d’autres durant ta carrière?

Quand j’ai commencé à chanter en français au Québec, il n’y avait pas beaucoup d’anglophones qui faisaient ça. Maintenant, il y a une vague de franglais ou même, d’une culture montréalaise qui influence le territoire québécois, mais surtout canadien. C’était la controverse à l’époque, mais je me considère comme un précurseur de cela et je suis très fier d’y avoir contribué.

 


Paul Cargnello donnera un concert gratuit ce vendredi 3 mai prochain au Ministère à l’occasion du lancement de son nouvel album Promises, également disponible dès vendredi. Événement Facebook par ici.

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