crédit photo: Lucie Parmentier
Heavy Trip

Entrevue avec Michaël Bardier de Heavy Trip | Un passionné, au service de passionnés

L’agence de booking Heavy Trip fête ce mois-ci ses 10 ans d’existence. Pour marquer le coup, l’association, en collaboration avec M pour Montréal, organisera ce samedi 18 novembre un concert au Théâtre Fairmount. Des artistes de Heavy Trip tels que Marie Davidson, Nadah El Shazy, Ouri et Pelada se chargeront d’animer la soirée. Sors-tu? s’est entretenu avec Michaël Bardier, président, agent et créateur de la compagnie.

Je me suis dit : « dans le fond,  je vais essayer de partir à mon compte ». Puis c’est ça : là, ça va faire 10 ans.

Pas forcément un métier mis en lumière chez le grand public, le président de Heavy Trip compare sa profession à celle d’un agent immobilier, « vendant ses artistes pour des particuliers ».

Dès le début de l’entrevue, Michaël Bardier pose les bases : il faut absolument que les musiciens pour qui il travaille collent à son univers niché.

D’abord employé chez Dare To Care (maintenant Bravo Musique), Bardier ne se sentait pas réellement à sa place à l’époque.

« À un moment donné, j’étais un peu tanné de représenter des projets qui ne me correspondaient pas trop. Je développais des relations avec les programmateurs de festivals, les programmateurs de salles, pis je me sentais un peu… phony, tu sais, un peu imposteur de les appeler pour leur proposer des projets qui me touchaient pas vraiment », explique l’agent.

Représentant d’abord une poignée de musiciens après avoir lancé sa propre agence il y a de cela 10 ans, entre autres Alaclair Ensemble ou Duchess Says, Michaël Bardier compte maintenant plus de 40 artistes dans les rangs de Heavy Trip.

« Les qualités d’un bon booker? D’être passionné, je pense, avant tout. Passionné par les projets que tu représentes, c’est aussi d’avoir un bon réseau de contacts, faire des suivis, énumère Michaël Bardier. Et d’être organisé! », renchérit-il.

 

En retard

Si 90% des spectacles organisés par Heavy Trip — selon les statistiques estimées par Bardier lui-même — sont aux États-Unis, ce n’est pas par pur hasard.

« Je trouve qu’il n’y a pas assez de programmateurs qui supportent les nouvelles musiques au Québec. On est un petit peu, pas mal en arrière, déplore l’agent de booking. C’est fou comment tous les festivals sont pareils, c’est rare que je sois surpris en voyant une programmation sortir. »

Moi j’ai envie d’être challengé, je trouve que c’est le rôle d’un programmateur, de surprendre les gens et de leur offrir une bonne expérience. Je trouve qu’on flatte trop le public québécois dans le sens du poil.

Sors-tu? demande à Michaël Bardier de commenter la direction prise par des festivals comme les Francos de Montréal ou le Festival d’été de Québec, l’interviewé décide de se limiter pour rester politiquement correct dans sa réponse.

« Ce ne sont pas nécessairement des types de programmation qui me font vibrer. Je comprends leur rôle dans l’industrie. Je ne juge pas ça. C’est juste que des fois, je trouve qu’il y aurait place à un peu plus d’audace », dit Michaël Bardier.

 

Grandir

Ayant débuté en 2013 dans son sous-sol, Michaël Bardier compte dorénavant deux employés chez Heavy Trip, ainsi que des bureaux dans le quartier de Verdun.

L’agent n’a jamais eu froid aux yeux, sachant qu’il pouvait rebondir comme il le voulait. « J’y ai cru dès le début, et ce qui est le fun avec ce milieu-là, c’est qu’il te faut pas beaucoup d’argent. Pour partir une agence de spectacles, ça te prend rien : seulement des contacts », dévoile Bardier.

Son plus grand accomplissement? Le président de Heavy Trip ne cache pas sa fierté de programmer une dizaine de ses artistes au prochain festival Big Ears au Tennessee, « l’un des meilleurs festivals de musique aventureuse », de ses propres mots.

 

Se limiter au nécessaire

À l’aube de sa vingtaine, Michaël Bardier tenait un projet musical nommé Royaume Des Morts, en plus de débuter dans l’industrie du booking. Est venu le temps de poser un choix, empli d’une introspection dure, mais nécessaire.

« J’ai fait beaucoup de chansons en solo pendant un moment, j’étais dans une bonne passe créative. Après ça, on a décidé de les monter en band, on les a présentées en show, se rappelle Michaël Bardier. Mais à un moment donné, je me suis rendu compte que dans le fond, mon projet, c’était de la marde. Je me suis un peu rendu compte que le monde n’avait pas besoin de [mon groupe], lance l’agent de Heavy Trip, profondément critique envers lui-même. Il faut faire la distinction des fois entre un projet musical thérapeutique, disons, [et un projet qui apporte au public]. »

Bardier continue dans sa lancée, et applique cette logique à l’industrie de l’événementiel en entier.

« On voit tellement de shows moyens dans une année. Je sais pas, je vois 75 shows, mettons, 100 shows [par année]. Il y en a peut-être cinq là-dedans qui valent, je trouve, vraiment la peine. Je voulais pas être l’un de ces shows un peu average que tu vois et qui ne te fait rien ressentir. »

 

En communauté

En novembre 2013, au tout début de Heavy Trip, des artistes de la boîte se produisaient au Cabaret Underworld dans le cadre de M pour Montréal. Il était donc logique de répéter l’exercice dans le même contexte (mais au Théâtre Fairmount) dix ans plus tard, aux yeux de Michaël Bardier.

« Je pense qu’on voulait juste faire ça en famille, idéalement avec des gens locaux, parce qu’on représente beaucoup d’artistes étrangers », précise-t-il.

Pour vous procurer des billets pour l’événement, c’est en cliquant ici.

Et les 20 ans de Heavy Trip, on les fêtera où?

« Chaque jour est un combat ça m’arrive souvent d’être épuisé. Je peux pas prédire si je vais être là dans 10 ans. J’espère être à une place qui me représentera encore, et ce sera pas nécessairement en faisant du booking, laisse tomber Michaël Bardier. J’aime beaucoup faire de la direction artistique. J’ai un petit festival qui s’appelle Ok Là!, qu’on fait dans Verdun. Ça fait 7 ans que ça existe. On fait comme quatre shows et on booke 16 artistes par année. C’est très fun! », poursuit-t-il.

Le site du festival se situe sur le toit du stationnement Éthel et la programmation propose à la fois de la musique expérimentale comme du cinéma performatif.

« Si je pouvais un jour vivre de la direction artistique, juste programmer des spectacles sans avoir à en programmer 300 pour vivre de ça, je serais bien content. Je sais pas ce que je vais faire demain. »

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