Kinkead

Entrevue avec les frères Kinkead | Sortir la pop queer de l’underground

À l’occasion de la sortie de leur album Migration le 23 octobre prochain, nous nous sommes entretenu avec les jumeaux Henri et Simon du groupe Kinkead pour discuter de culture queer, de radio commerciale et de leur démarche créative.

À quel endroit a été enregistré l’album Migration?

Henri: On l’a enregistré à l’Île d’Orléans de l’automne 2019 à l’hiver 2020 avec Simon Kearney. Il loue une maison là-bas depuis une couple d’années pis il s’est fait un studio maison vraiment bien. Pouvoir faire ça sur le bord du fleuve avec un chum à la réalisation, c’était parfait. C’était un espace de création stimulant.

 

À quoi ressemble votre processus de création? Pensez-vous que c’est différent pour deux jumeaux?

Henri: On a toujours écrit nos chansons chacun de notre côté, puis on les travaille ensemble. Quand Sim me présente une toune, elle est pas mal avancée. Je pense que la principale raison pour laquelle on procède comme ça, c’est qu’on est tout le temps ensemble. On partage plein de trucs et on est exposé aux mêmes choses. C’est le fun d’avoir son espace de création chacun notre bord où on peut s’exprimer individuellement. Puis étant donné qu’on est jumeaux, on crée des affaires séparément, mais qui fonctionnent quand on les met ensemble sur un album (rires).

 

Si on regarde l’identité visuelle de Kinkead d’il y a un an et celle d’aujourd’hui, on voit une grande évolution. Avez-vous ressenti un besoin plus clair de vous affirmer?

Simon :  Oui et en fait l’affirmation musicale et l’affirmation identitaire sont vraiment venues de pair. Au moment de faire cet album-là, les thèmes n’étaient pas coulés dans le béton, mais comme on écrit des trucs assez personnels et collés sur notre réalité, le fait de vivre des processus de questionnement d’orientation sexuelle et d’identité a fait en sorte que c’est des tounes comme ça qui ont émergé. Ça fait en sorte que l’album a une dimension un peu « coup d’éclat. »

 

Est-ce que la musique vous a aidé à assumer votre identité?

Henri: Vraiment. Je pense que quand tu peux step sur un stage et t’habiller dans du linge glam puis chanter des tounes d’empowerment, c’est sûr que ça donne confiance. Ça donne une tribune que très peu de gens ont dans l’affirmation de leur sexualité. Après ça, je pense que ça se nourrit l’un l’autre.

 

On allait à la même école secondaire (lire ici : école privée de tradition religieuse) assez conservatrice. Quelle a été votre rapport au culte de la masculinité, la réussite sportive et la performance qu’on sentait là-bas?

Henri: Je pense que ça a été un processus. Moi, j’ai vraiment l’impression que j’ai fait deux coming out dans ma vie. Le premier était mon coming out en tant qu’artiste, parce que quand tu viens d’un milieu plus conservateur, annoncer à tes parents que tu veux pas de job traditionnelle, c’est confrontant. Pour revenir à la masculinité toxique et tout ça, je pense que ça a été vraiment un struggle. Moi, personnellement, ça m’a beaucoup affecté parce que j’ai longtemps essayé d’appartenir à ça avant de me rendre compte que ça ne collait pas à moi.

Probablement que ça a été une des raisons qui nous a poussés à faire de quoi d’aussi franc, affirmé et libérateur. Le plus cool là-dedans, c’est que quand on a sorti l’article sur Fugues avec la photo crissement glam, il y a nos anciens coachs de foot qui nous ont écrit pour nous dire qu’ils nous supportaient. Ça montre comment en étant affirmé à propos de qui tu es, ça enlève le malaise et ça ouvre la discussion.

* Crédit photo: Villedepluie

Vous avez un son pop assumé qui plaît aux radios commerciales. Comment percevez-vous la dualité entre ce qu’on connaît de la radio commerciale et votre image qui en déroge?

Simon: Cette dualité-là existe, mais je pense qu’elle est conciliable. Si on peut bénéficier de l’exposure et de l’avantage financier de jouer à la radio tout en faisant quelque chose qui nous ressemble tant mieux.

Henri: Je pense que c’est important que la culture queer ne reste pas dans l’underground. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai envie de faire de la pop en affirmant mon identité sexuelle. On est rendu là. La culture queer au Québec est présente, mais je pense qu’on a besoin de l’entendre encore plus. On aspire pas à être les porte-étendards de quoi que ce soit, mais vraiment juste de participer à cette discussion-là.

Je pense que c’est important que la culture queer ne reste pas dans l’underground. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai envie de faire de la pop en affirmant mon identité sexuelle. On est rendu là.

Les gens pourraient rester accrochés à ce qui vous différencie vous et votre projet musical. Avez-vous peur de devenir des porte-étendards?

Simon: Je sais pas. Est-ce que les gens vont s’arrêter à ça et nous étiqueter comme le bi pis le queer qui font de la pop? Je penserais pas. Je le vois de façon positive. Si on peut avoir la chance de porter ce message-là, on ferait une bonne job.

Henri: Ouais, moi j’suis down en fait. Y’a pas de raison d’avoir peur. Si ça nous donne des entrevues parce qu’on en parle, let’s go.

 

On parle de culture queer et de l’importance qu’elle ne reste pas dans l’undergound. Je lisais quelque part que vous aimiez travailler avec des artistes de drag. Est-ce qu’un show de Kinkead pourrait ressembler à un show de Narcisse où on intègre messages sociaux et drag à la performance?

Henri: C’est sûr qu’on a travaillé avec des collaborateurs qui font de la musique d’abord et avant tout, mais je pense qu’au fil du temps et des rencontres, on allume de plus en plus sur le côté extramusical. C’est quelque chose sur quoi on aimerait travailler. Le show qu’on a filmé le soir du lancement de l’album représente un peu ça. Je ne pense malheureusement pas que ça puisse se comparer à ce que Narcisse fait, par contre (rire). Quand j’ai vu son show au District durant St-Roch XP, j’étais sur le cul. Je me suis dit qu’il fallait repenser notre façon de faire un show de musique.

 

Parlons-en du lancement le 23 octobre. À quoi va ressembler l’événement?

Simon: En fait, on va diffuser un show qu’on a enregistré au Presbytère de Lavaltrie sur trois jours. Deux jours et demi de répétitions puis tournage du spectacle le samedi soir. On a eu la chance de le faire devant un peu de public. Ce qu’on va présenter aux gens c’est une version filmée et montée du spectacle avec plusieurs prises de vue. Ça va être entre une session live et un spectacle en direct.

Un peu comme un DVD de U2 Live? (rires)

Henri: Exactement. Sauf que nous c’est dans une église avec une bonne acoustique!

 

En finissant, qu’est-ce qu’on vous souhaite?

Simon: On souhaite que notre voix se fasse entendre

Henri: …et de continuer à boire beaucoup d’eau!


Le lancement de l’album Migration se fera sous forme d’un spectacle virtuel diffusé gratuitement sur les pages de Rozaire et Artifice le 23 octobre à 20h. L’album sera disponible le jour même.

 

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