Joseph Edgar

En attendant le déconfinement #9 | On ne choisit pas ses pauses avec Joseph Edgar

On poursuit notre série hebdomadaire visant à donner la parole à des acteurs du milieu culturel qui ont été durement touchés par la pandémie et à mettre en mots les actions concrètes qu’ont dû poser les intervenants pour s’adapter à la crise. On se penche sur ce qui les occupe, ce qu’ils font (souvent dans l’ombre) en attendant le déconfinement culturel et comment ils permettent à la culture de survivre et de continuer à exister. Cette semaine, on prend des nouvelles de l’artiste Joseph Edgar, qui donnera un spectacle virtuel demain (jeudi) soir sur Facebook Live.

Photo en entête:  Marc-Olivier Horth Beaulieu

Le chalet sur le bord de la mer

Rejoint par vidéoconférence, Joseph Edgar est tout sourire, assis quelque part à son chalet au Nouveau-Brunswick. L’artiste a sorti son mini-album Peut-être un rêve en octobre, s’apprête à faire son premier concert virtuel jeudi soir et « gratte la guitare et pianote par plaisir. » Si son quotidien au bord de la mer semble plutôt paisible, il vaut la peine de revenir quelques mois en arrière pour voir le chemin parcouru pour se rendre là.

Il y a quelques années, l’auteur-compositeur-interprète acadien Joseph Edgar annonçait une pause de la musique pour deux ans, un exercice plus dangereux qu’il ne le pensait à l’époque. « C’est vrai que j’étais tanné de la pression de devoir sortir un album à tous les deux ans, mais j’ai surtout dit ça parce que mon calendrier était rempli avec d’autres projets pendant deux ans, dit le guitariste. J’étais sensé incarner Jack Kerouac dans une pièce de théâtre opératique, ce qui allait prendre 2020 au complet en plus d’une partie de 2021. »

De plus, l’artiste et sa compagne de vie étaient en discussion pour produire des spectacles extérieurs estivaux à Montréal. À ce rythme, deux années professionnelles sont vite passées.

Puis, une pandémie…

La tournée pour la pièce de théâtre est annulée, tout comme le sont ses démarches pour des spectacles extérieurs. L’artiste est tombé dans un vide créatif pendant quelques mois. « Ça a été une coupure extrême pour tout le monde. Tu te mets à t’ennuyer de tout ce que tu haïssais du métier: la pression, la boule dans le ventre avant de monter sur scène et les heures de route. C’est un peu ta raison d’être comme artiste.

« Ça a été une longue période de questionnement à me demander what is this all about? Finalement, tu trouves une certaine paix en parlant avec tes voisins. Tu te rends compte que tout le monde est dans la même situation. »

C’est à ce moment, après plusieurs mois à laisser sa guitare prendre la poussière, que l’artiste a finalement repris du service.

« La nuit est ma femme », théâtre opératique mené par Mathilde Côté

Retrouver le plaisir

Sans les forcer, des chansons sont venues à Joseph Edgar, qui s’est précipité en studio pour les enregistrer, ne désirant pas laisser tomber « ce buzz créatif » qui faisait du bien autant au musicien qu’à son entourage. Même s’il a recommencé à composer, Joseph Edgar reste fidèle à ce qu’il disait lorsqu’il annonçait une pause. « Je ne suis plus du genre à m’asseoir et à me mettre la pression d’écrire une chanson avant la fin de la journée. Maintenant, je les laisse venir et je le fais par plaisir », affirme l’artiste qui célébrait l’an passé ses quinze années de carrière solo.

Outre l’enregistrement de nouvelle musique, le Monctonnais a aussi profité des derniers mois pour renouer avec certaines de ses passions qu’il avait laissées de côté. Ceux qui suivent Joseph Edgar connaissent ses talents de dessinateur (c’est lui qu’on voit dessiner dans le clip d’Espionne russe), talent qu’il a commencé à mettre à profit en travaillant sur un projet de bande dessinée.

Puis, ce spectacle virtuel qui sera diffusé demain soir en direct de notre page Facebook. Conscient que trop de spectacles virtuels n’apportent rien de nouveau, l’artiste trouvait important d’un produire un qui se démarquerait à sa façon. Depuis son jeune âge, Joseph Edgar est fan des concert movies. « Je me suis souvenu de tous ces moments quand j’étais jeune à Moncton et que la seule façon de voir mes artistes préférés était d’aller voir leur concert movie. » Comme influences, il cite Stop making sense des Talking Heads réalisé par Jonathan Demme, Year of the horse de Neil Young réalisé par Jim Jarmusch, The Last Waltz de The Band réalisé par Martin Scorsese ou bien Rattle and Hum de U2, un spectacle qu’il est allé voir trois fois à l’âge de douze ans.

« J’aime l’approche de demander à un réalisateur de cinéma de prendre un spectacle musical et d’en faire quelque chose de cinématographique avec des prises de vues calculées. C’est pour cela que j’ai demandé à Renaud Gauthier de réaliser mon spectacle virtuel. »

En plus d’apprécier sa réalisation caractérisée par un humour pince-sans-rire et des prises de vues singulières, Joseph Edgar est confiant que Renaud Gauthier, lui-même un excellent musicien, saura capter l’âme du spectacle.

 

L’entonnoir et la relève 

Son spectacle virtuel, l’artiste le voit aussi comme une vitrine pour la possible tournée de Peut-être un rêve, une façon de penser à l’avenir sans pouvoir contourner le présent. Car quand les salles de spectacles rouvriront, nul ne sait quel artiste sera assez privilégié pour se faire une place dans cet « entonnoir plein à craquer. » Toutefois, Joseph Edgar admet qu’il trouve assez encourageant de voir tous les partenaires de diffusion que son label est allé chercher, une certaine confirmation que le public a encore envie d’entendre du Joseph Edgar.

Cet entonnoir dont parle le musicien est aussi une des raisons qui l’a poussé à vouloir organiser des spectacles extérieurs avec sa conjointe: « on voulait faire quelque chose de familial et extérieur au Parc du Pélican, une série de spectacles à raison d’un spectacle par semaine pour mettre en lumière des artistes qu’on trouve qui manque de visibilité en ce moment. »

Bien que la Santé publique n’ait pas donnée son autorisation au projet à l’été 2020, Joseph Edgar nous assure que l’idée n’est pas morte. « Les discussions avec les partenaires allaient bien et la ville était super intéressée aussi. Cet été, c’était permis que les gens se rassemblent dans les parcs. On se dit qu’on peut sûrement faire quelque chose et montrer que c’est possible de le faire dans le respect des mesures sanitaires », conclut l’artiste.

D’ici à ce que ces projets prennent vie, vous pouvez voir Joseph Edgar en spectacle virtuel gratuit demain soir à 20h en direct de notre page Facebook.


En rappel

Les articles précédents de la série En attendant le déconfinement:

Vos commentaires