crédit photo: Fred Hamelin
Dominique Fils-Aimé

Dominique Fils-Aimé à la Salle André-Mathieu | S’enraciner et respirer

En cette journée internationale des droits des femmes, quoi de mieux que de couvrir la performance d’une musicienne profondément talentueuse et hautement pertinente sur cette scène québécoise, du nom de Dominique Fils-Aimé, à la Salle André-Mathieu de Laval? L’artiste donnait vendredi un spectacle reposant et bien rodé, au grand bonheur du public attentif.

Vers 20h, les lumières coupent, les musiciens gagnent les planches. Dominique Fils-Aimé vient s’asseoir en tailleur sur un socle au devant de la scène, et entame Feeling Good Like a Plant, tiré de son dernier album studio, l’excellent Our Roots Run Deep.

L’artiste chante d’abord a capella, puis empile les couches musicales pour arriver à un résultat riche et cohérent. Fils-Aimé est éclairée par derrière seulement pendant la première chanson. On n’aperçoit que son ombre, l’ambiance est brumeuse. La musicienne parvient à charmer la salle après quelques minutes.

Suivant la performance de Feeling Good Like a Plant, Dominique Fils-Aimé prend la parole et présente d’emblée ses musiciens et ses techniciens, un geste plutôt rare, faut-il le souligner. Comme à une fête, on introduit ses amis au début et non l’inverse, explique-t-elle.

« Votre simple présence est le plus grand applaudissement qu’un musicien peut recevoir », poursuit Fils-Aimé. Pourtant, l’artiste montréalaise n’en raffole pas d’une manière générale, des applaudissements. Elle demande à la salle dans sa première intervention de créer une bulle ce soir, de l’acclamer le moins possible et de s’ancrer dans son siège. Certains passages ne laisseront toutefois pas d’autre choix au public que de ne pas l’écouter.

* Photo par Fred Hamelin.

Le jardin d’Eden de Dominique

Les compositions de Dominique Fils-Aimé voguent entre la soul, le jazz et le blues (les éclairages du spectacle s’inspirent des couleurs associées aux dérivés musicaux et aux pochettes d’albums épurées de l’artiste), parfois même le scat ou le R&B. Les compositions de Fils-Aimé viennent nous chercher, au plus profond de soi. Elles dépeignent l’essence humaine et ce qu’on fait de plus beau.

L’artiste a atteint un niveau de quiétude que nous aimerions tous atteindre — en tout cas, elle le laisse entrevoir. Fils-Aimé reste assise sur son socle pendant la majeure partie du spectacle, les yeux fermés la plupart du temps. De la musique comme telle, ça se vit, ça se comprend, ça se reçoit différemment.

La technique vocale de Dominique Fils-Aimé est simplement impeccable : tantôt grave, tantôt aiguë, parfois légère et douce, mais puissante aussi, la chanteuse sait parfaitement adapter sa voix à l’instrumentation de chaque composition. Les mots et les phrases se répètent, comme une sorte d’incantation, histoire de pleinement saisir le message profond derrière ces mots. Dans un monde effréné, stressé et vicieux, une énergie positive comme celle portée et rayonnée par Dominique Fils-Aimé apparaît comme une réelle bouffée d’air frais.

L’artiste interprète des titres de sa première trilogie parue entre 2018 et 2021, Nameless, Stay Tuned! et Three Little Words, mais laisse évidemment surtout la place à son dernier album sorti l’année dernière. Les trois quarts du projet seront joués.

* Photo par Fred Hamelin.

Dans les dernières minutes du spectacle, Dominique Fils-Aimé se lève finalement de son socle et s’adresse une dernière fois au public, lui disant qu’il se doit de gaspiller son amour, créer, créer et encore créer ainsi que de ne pas avoir peur du regard des autres. Une âme pure, Fils-Aimé. Réellement une âme pure et rare dans ce monde.

L’artiste chante Or Let It Burn, les éclairages virent vers l’orange d’une feuille d’automne. Comme quoi il y a bien quelque chose qui bouillonne en elle, une rage de ses ancêtres qu’elle ne peut que laisser sortir en musique. Dominique Fils-Aimé clôture sa performance avec Our Roots Run Deep, introduction de son dernier album. On ne se laisse pas sur le feu et la colère, quand même. Tout détruire pour mieux reconstruire, quel credo. La chanteuse termine comme elle avait commencé, éclairée en contre-jour dans le noir complet.

Une performance qui confirme une nouvelle fois le talent brut de Dominique Fils-Aimé, autant dans la composition que dans l’interprétation de ses morceaux.

* Photo par Fred Hamelin.

Humaine et accueillante

Après le concert, Dominique Fils-Aimé accorde une vingtaine de minutes à des intéressés à travers une séance de questions et réponses animée par le rédacteur en chef du média ami Le Canal Auditif, Louis-Philippe Labrèche. Qu’apprend-on d’emblée? L’artiste avoue qu’elle fausse souvent, mais que le jazz laisse tellement de liberté à ses artisans qu’elle se montre indulgente avec elle-même. Laissez-nous douter du premier propos tout de même.

Fils-Aimé montre encore un visage bienveillant et à l’écoute quand les membres de l’auditoire, souvent plutôt âgés, lui posent des questions et se permettent des commentaires sur son spectacle.

Dominique Fils-Aimé raconte le début de son histoire d’amour avec la musique, comment elle a commencé à s’intéresser à cet art en fouillant dans la collection de CD de sa sœur. Elle poursuit en confirmant à quel point l’héritage de ses ancêtres la touche, à quel point elle puise dans ces racines.

L’artiste termine en confessant, sans surprise, qu’elle prend le temps de créer sa musique, avec beaucoup d’attention et de tact, à la manière des feuilles qui poussent lentement au printemps.

Plus que quelques semaines à tenir, d’ailleurs, ça arrive.

Grille de chansons

  1. Feeling Good Like a Plant
  2. My Mind at Ease
  3. Home
  4. Birds
  5. Fall and All
  6. Old Love
  7. Love Will Grow Back
  8. Love Take Over
  9. Mind Made Up
  10. Big Man Do Cry
  11. Free Dom
  12. Just Let Me Go
  13. To Walk A Way
  14. Give Me a Reason
  15. Cheers to New Beginning
  16. Or Let It Burn
  17. Our Roots Run Deep

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