Critique spectacle: Cabaret Gainsbourg à la Place des Arts
Jeudi 1er décembre 2011 – Cinquième Salle de la Place des Arts (Montréal)
Le Cabaret Gainsbourg du Théâtre Pupulus Mordicus frappe dans le mille en évoquant la période jazz-rock-cabaret de l’illustre Serge Gainsbourg en faisant usage d’une variété de formes d’art. De la musique aux marionnettes en passant par la peinture en direct, l’esprit de la bande d’artistes incarne à merveille celui de la défunte légende et leur imaginaire se déploie sous diverses formes qui rendraient Gainsbarre bien fier.
Quatre musiciens (Matthieu Girard, Stéphane Caron, Mathieu Doyon et Patrick Ouellet), un marionnettiste/dessinateur (Pierre Robitaille) et une femme fatale (Valérie Laroche): il n’en faut pas plus à la troupe de Québec pour donner vie à une foule d’ingénieux flashs de mise en scène de toutes sortes.
Après avoir charmé chez eux (au Théâtre Périscope, en mai 2010), les six artistes et leur production s’installent à la Cinquième Salle de la Place des Arts jusqu’au 10 décembre 2011.
Affabulation gainsbourgesque
La présentation, qui dure tout juste 60 minutes bien tassées, n’a aucune intention biographique. La bande s’amuse ferme en se servant du mythe Gainsbarre (période Jazz dans le ravin) comme matière première pour construire un univers fantaisiste et débridée qui suscite tour à tour l’émoi, la pâmoison, le rire et l’émerveillement.
Bien que les pantins soient au coeur de cette aventure séparée en une quinzaine de tableaux, ce n’est pas là le seul charme de ce spectacle pensé et mis en scène par Martin Genest.
Le Cabaret débute sur une musique à l’emporte-pièce, pendant que Pierre Robitaille peint en direct, sur une toile semi-transparente, ce qui deviendra la représentation du visage de Gainsbourg de profil, ainsi qu’une dame nue formée par la boucane de son inséparable gitane. Pendant ce temps, l’un des musiciens inscrit au milieu de la toile, de l’envers à l’endroit: « La laideur est supérieure à la beauté ». Le tout connote à la fois sa vocation ratée d’artiste visuel et sa propension à proclamer sa laideur pour en faire un atout. Le ton est donné.
Champignons, phallus et « ballet de méduses » à la lumière noire!
La scène la plus surréaliste de l’ensemble survient lors d’un numéro sur Les Sucettes (que Gainsbourg s’amusait à faire chanter à une jeune France Gall à peine majeure, en 1966). Chanson au double sens pervers évident, Les Sucettes donne lieu ici à une scène de marionnettes aussi trash qu’absurde, avec Annie (représentée en un genre de petit chaperon rouge) qui consomme des champignons hallucinogènes, s’envole à dos de papillon et sautille sur les têtes phalliques de deux plantes dansantes absolument tordantes.
69 Année érotique engendre également un tableau saisissant. La salle est plongée dans une obscurité totale, à l’exception de lumières noires. Des poissons et des méduses, manipulés par les artistes qui se fondent dans la noirceur, entrent alors en scène et envahissent l’espace, comme s’ils flottaient au-dessus de nos têtes. L’idée était bonne et l’exécution lui rend justice.
D’autres moments sont plus près de l’oeuvre musicale de Gainsbourg: un sulfureux duo homme-femme sur Conjugué au féminin plus-que-parfait, une claquette de fantoche sur touches de piano pour Les femmes c’est du chinois.
L’interprétation des chansons n’empruntera pas la voie de l’imitation non plus; pas question de tomber dans ce piège bête. On décerne, bien sur, les traits principaux du chant de Gainsbourg et des voix féminines qu’il a fait chantées, mais les vocalistes trouvent leur propre voix.
Petit pépin de sono le soir de la première: l’équilibre des voix n’était pas à son meilleur. L’une des voix plus graves semblait suramplifiée, alors que celle de Valérie Laroche devait se frayer un chemin sans apport amplifiant ou presque. Ce désagencement sonore paraissait plus particulièrement lors du numéro de fermeture: une jolie harmonie à 6 voix sur Le Poinçonneur des lilas.
Rien de bien majeur toutefois, surtout que la perfection et l’exactitude maniaque n’est pas le mot d’ordre de ce sympathique bazar d’idées. Les mouvements de pantins sont parfois embrouillés aussi par moments, mais rien de tout ça ne fait ombrage au plaisir transmis par cette production impressionniste bourrée de bonnes idées, que l’on soit connaisseur de l’artiste français ou non.
Difficile à croire, mais le Théâtre Pupulus Mordicus parvient à se démarquer et à faire preuve d’originalité avec un ixième spectacle consacré à ou inspiré par l’oeuvre de Gainsbourg.
* Le Cabaret Gainsbourg est présenté jusqu’au 10 décembre 2011 à la Cinquième Salle de la Place des Arts, à Montréal. (voir liens ci-bas pour vous procurer des billets)
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