crédit photo: Yanick McDonald
corde. raide

corde. raide à ESPACE GO | Justice, malaises et maladresses

Dans un futur imaginé, une femme victime d’un crime violent doit choisir la sentence de son agresseur, quelques années après que le crime ait eu lieu. Deux agents administratifs, qui essaient de la «mettre à l’aise» tant bien que mal, sont présents pour enregistrer sa décision. Voilà le propos de la pièce corde. raide, à l’affiche d’ESPACE GO jusqu’au 15 octobre.

Un décalage entre les personnages

Le malaise des deux agents administratifs, «Un» et «Deux», est palpable tout au long de la représentation. Ce sont deux personnages maladroits, et qui disent rarement les bonnes choses, cela permet d’apporter un côté comique à la pièce, et de rendre l’ambiance de la salle moins pesante. À de nombreuses reprises, le public peut rire des actions ou des conversations des deux individus. Et même si on peut parfois se reconnaître dans la maladresse de ces personnages, ces derniers vont probablement vous agacer. S’ils n’étaient pas si gênés, la situation se déroulerait probablement mieux, ce qui rend le tout assez frustrant.

La pièce parvient parfaitement à montrer le décalage entre les deux agents administratifs et la femme, «Trois».

Notamment avec les accessoires : ils portent des claquettes alors qu’elle n’en a pas. Elle a vécu un drame alors qu’eux non. Ils sont habillés en couleur alors qu’elle est en beige. Ils sont deux et elle est seule face à eux.

On ressent la difficulté qu’ils ont à se comprendre. On ressent la frustration et la gêne de chacun des personnages et on se retrouve à espérer ne jamais se trouver dans la même situation.

Un très bon jeu d’acteur

Que ce soit  Stephie Mazunya dans le rôle de «Trois», Ève Landry dans le rôle de «Un» ou Patrice Dubois dans le rôle de «Deux», chaque acteur incarne son personnage à la perfection.

Mais l’actrice qui m’a le plus impressionné reste Stephie Mazunya, avec sa voix puissante et son visage expressif. Elle occupe et s’approprie l’espace qui lui est donné. L’actrice parvient aisément à faire ressentir les émotions de son personnage au public. Les spectateurs peuvent ressentir la colère, la douleur, les doutes, le traumatisme du personnage. La prestation de Stephie Mazunya m’a laissée sans voix.

* Répétition de corde. raide. Photo par Lorette Dimnet.

Les silences importants

Dans cette pièce, les silences, les phrases qui ne se finissent pas réellement, comme laissées en suspens, les regards et les expressions faciales sont primordiales.

Beaucoup d’informations sont laissées dans des sous-entendus, dans des phrases non finies. Beaucoup des répliques des deux agents administratifs suivent d’ailleurs ce schéma.

Ils n’osent pas, ils savent des choses mais ne peuvent pas ou ne veulent pas les partager. C’est au spectateur de les comprendre par lui-même.

Plusieurs informations se trouvent dans des «non-dits», le public est capable de comprendre aisément ce qu’il se passe, même si les choses ne sont jamais nommées clairement. Le crime n’est jamais décrit, car ce n’est au final pas le plus important et il est facile de supposer ce qui a pu arriver. L’agresseur n’est jamais nommé non plus, l’important ici c’est la victime, la femme, il n’est donc pas utile de s’attarder sur celui qui sera appelé «lui» ou «il» tout au long de la pièce.

Pour ce qui est du personnage principal, beaucoup de ses interactions sont des longs regards fixes ou des silences. Le visage extrêmement expressif de l’actrice permet au public de facilement comprendre et ressentir les émotions du personnage, et ce sans même qu’elle n’ait à ouvrir la bouche.

La luminosité est très importante dans la pièce. Sur scène, le décor est sobre, quatre chaises pliantes et un distributeur d’eau dans une grande pièce blanche. Tout se joue donc avec la lumière et la performance des acteurs. La décision de la metteuse en scène Alexia Bürger de faire de la lumière un point si important de la pièce est, je trouve, très intéressante et bien réalisée. À de nombreuses reprises, la lumière s’éteint, change ou vacille, elle permet au spectateur de ressentir encore mieux les émotions des personnages, en particulier celle de la femme.

La décision que prendra la femme en ce qui concerne la sentence de son agresseur n’est au final pas le plus important. Ce qui est important et que la pièce montre très bien, ce sont les séquelles qu’une telle agression peut causer à une personne et à sa famille. Des séquelles qui sont bien plus profondes que la sentence qui pourrait être donnée à l’agresseur.

corde. raide est à l’affiche d’ESPACE GO jusqu’au 15 octobre 2023. Détails et billets par ici.

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