Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ)

Concert Kafka par la SMCQ à la Chapelle du Bon-Pasteur | Hommage au compositeur José Evangelista

La Chapelle historique du Bon-Pasteur, dont on sait que l’acoustique est exceptionnelle, présentait samedi soir un concert intitulé La Porte, se voulant un hommage au long parcours du compositeur québécois d’origine espagnole, José Evangelista. Placé sous l’égide de la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ), qui était à sa fondation en 1966 la toute première institution au pays à se consacrer à la diffusion de la musique dite contemporaine, le concert s’est avéré unique à tous points de vue.

Catégorisé en tant que « monodrame » pour voix et percussions, sur un livret original d’Alexis Nouss, l’œuvre s’inspire de six contes de traditions diverses que l’on retrouve dans Devant la loi, le non moins célèbre récit de Franz Kafka.

Tout repose sur les deux solistes, la soprano Virginie Mongeau et le percussionniste Joao Catalao, à qui incombe le fragile équilibre de cette pièce de bravoure exigeant la maîtrise totale du compositeur dans la mise en musique du texte.

Depuis longtemps, José Evangelista s’intéresse de près aux genres narratifs en musique. Que ce soit d’aussi loin que le Cantique des Cantiques, ou de textes existants de Max Jacob, Samuel Beckett, Henri Michaux ou Eugène Ionesco, le catalogue d’Evangelista regorge de trésors musicaux.

Crédit photo Jérôme Bertrand.

La porte a été créée en 1987 par la soprano Pauline Vaillancourt et le percussionniste Julien Grégoire. Ici, l’exécution de l’œuvre fait appel non seulement à la narration de l’interprète entre deux airs, mais aussi à une sorte de théâtre d’objets qu’elle manipule derrière une petite table à nappe rouge, sorte de boîte à malices d’où, par exemple, elle extirpera un rouleau à pâte utilisé en préfigurant le boulanger rêveur du 2ième conte dans son petit village des Carpathes.

Toute sa vie, José Evangelista s’est employé à créer une musique qui soit basée sur la mélodie, jusqu’à engendrer une illusion de polyphonie, alors que le manque de ligne mélodique et d’harmonie est souvent reproché en musique contemporaine. Lui qui détient une licence en physique et qui a même travaillé en informatique, s’est Installé à Montréal en 1970. Le musicien de 75 ans, docteur en composition de McGill, a étudié auprès d’André Prévost et Bruce Mather.

Intéressé notamment par les cultures d’Indonésie, de l’Inde et du monde arabe, c’est lui qui a fondé en 1987 le premier Atelier de gamelan balinais de l’Université de Montréal, là où il a enseigné pendant 30 ans.

Les six contes de Kafka sont éminemment poétiques, gorgés de personnages surnaturels aux penchants énigmatiques et à portée philosophique. Virginie Moreau, qui détient une maîtrise en interprétation du chant classique à l’Université de Montréal, démontre admirablement toute la versatilité que requiert l’œuvre. Elle joue, elle chante, elle raconte, avec un égal bonheur.

Alors que le percussionniste Joao Catalao, derrière un aéropage hétéroclite d’instruments qui va jusqu’au porte-voix, synchronise avec brio les sons et les textes, qu’ils soient dits ou chantés. Attiré par le violon à l’âge de 7 ans, pour ensuite se passionner à l’adolescence par la musique hardcore et la batterie, Catalao n’aura pas résisté longtemps à vouloir se perfectionner en percussion avec des maîtres comme Ney Rosauro au Brésil et Emmanuel Séjourné à Strasbourg.

Membre de l’ensemble à percussion Sixtrum, ainsi que du groupe de musique électroacoustique improvisée IKS, fort de son doctorat avec Robert Leroux à l’Université de Montréal, il n’a pas hésité une seconde à devenir le joueur de marimba du chanteur Pierre Lapointe pour la tournée de promotion du disque La Science du Cœur. Ce multi-instrumentiste, qui transforme en musique les bruits et les sons de toute provenance, est aussi compositeur.

Crédit photo Jérôme Bertrand.

En première partie du concert à Bon-Pasteur, Joao Catalao s’est joint au jeune compositeur à la tuque beige, Dominic Thibault, avec une toute nouvelle création pour percussions augmentées intitulée HanDVerb. Le duo se démarque par son instrumentation, consistant en un ensemble de bols et de plaques métalliques amplifiées entourant le public, comme pour mieux explorer les résonances et les qualités à timbales des métaux. L’effet est saisissant.

Dominic Thibault est membre du duo Tout Croche, et codirecteur du label The Silent Howl. Dans le programme de la soirée, le directeur artistique de la SMCQ, Walter Boudreau, parle de lui en écrivant : « Thibault se décrit comme étant un musicien électronique, un geek de studio, passionné du synthé modulaire, un programmeur musical et un improvisateur intéressé aux possibilités de jeu qu’offre la technologie en studio et en concert ».

Le prochain rendez-vous d’importance pour pouvoir profiter ou découvrir les talents musicaux de José Evangelista est le 7 juin au Studio-Théâtre Alfred-Laliberté de l’UQÀM. L’ensemble de la SMCQ présentera Manuscrit trouvé à Saragosse, son célèbre opéra créé en 2000 sous la direction de l’homme de théâtre Wajdi Mouawad. Cette fois-ci, une autre grande figure du théâtre, Lorraine Pintal, mettra en scène une version concert de cette œuvre éclatée, sur un livret du même Alexis Nouss. Les 35 personnages de l’opéra seront interprétés par 9 chanteurs, dont la lumineuse Suzie LeBlanc, dans un cadre résolument contemporain.

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