Carrefour International de Théâtre 2016 | Québec est théâtre !

Marie Gignac, directrice artistique, et Dominique Violette, directrice générale, ont annoncé hier à Québec la programmation du prochain Carrefour international de théâtre, le 17e, qui se tiendra du 24 mai au 11 juin 2016.

Des dates qui coïncident avec celles du Festival TransAmériques (FTA) qui se déroulera à Montréal du 26 mai au 8 juin. Impossible donc de fréquenter les deux festivals, ce qui est dommage. Par contre, le Carrefour bénéficiera de trois spectacles présentés au FTA qui feront le voyage jusqu’à Québec, soit les deux Italiens Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni et Reality, ainsi que la production du Français Jérôme Bel, Gala.

Le chorégraphe de réputation internationale a voulu pour Gala un mélange équivoque de danseurs professionnels et de parfaits amateurs. La pièce sera donnée toutefois avec une distribution de Québec, soit locale, comme c’est le cas dans chaque ville visitée par ce spectacle qui paraît tenir davantage du divertissement que du théâtre ou de la danse. Ce sera au Théâtre de la Bordée.

Ce ne andiamo. Source : site officiel du Carrefour (aucune source photographe mentionnée)

À l’autre bout du spectre, Ce ne andiamo…, qui se traduit par « Nous partons pour ne plus vous donner de soucis », tire son titre noir d’une lettre d’adieu laissée par quatre retraitées grecques qui, après avoir tout perdu pendant la crise où la Grèce s’est trouvée acculée à la faillite, se sont enlevé la vie. Du même tandem d’auteurs romains, Reality, pour sa part, s’inspire d’un reportage sur une Polonaise qui a noté méticuleusement pendant 50 ans les moindres détails factuels, plus souvent banals que graves, qui ont ponctué la réalité de sa vie. Après sa mort, sa fille aurait découvert des centaines de carnets où sa mère consignait le moindre détail de sa réalité au quotidien. «Une ode à la fragilité humaine», peut-on lire dans le résumé. Les deux  pièces, présentées au Théâtre Périscope, liées par les paradoxes du destin, mais traitées sur un ton ludique, seront jouées en italien, avec des surtitres en français. «Hautement recommandable», a écrit Brigitte Salino dans Le Monde.

Préalablement, au Théâtre de la Bordée, le Carrefour aura présenté en ouverture Cendrillon, un spectacle venu de Bruxelles, par le Théâtre National de la Communauté française de Belgique. C’est Joël Pommerat, auteur et metteur en scène contemporain en vue, qui réinvente le célèbre mythe en se permettant toutes libertés. Depuis sa création à Bruxelles en 2011, ce spectacle avec sa distribution d’acteurs belges, a été joué près de 400 fois, récoltant invariablement les éloges du public et de la critique. Il sera présenté à Québec trois soirs seulement.

L’un des spectacles les plus attendus est certainement Les Affinités électives, de David Adjmi, traduit par Joëlle Bond et mis en scène par Michel Nadeau avec son Théâtre Niveau Parking. Cette création en français, présentée en exclusivité au Carrefour, demandait un lieu inhabituel, et ce sera le Domaine Cataraqui. Il fallait un cadre enchanteur qui corresponde au personnage de riche aristocrate d’Alice, et de son mari John, amateurs d’art qui argumentent sur la pertinence de l’acquisition récente d’une sculpture contemporaine franchement laide, devisant en même temps sur la civilité de la nature humaine, entre bonté et sauvagerie. Le rôle d’Alice a été confié à Paule Savard, Prix Paul-Hébert 2014. Un univers particulièrement intrigant donc, que le spectateur pourra découvrir en dégustant thé et biscuits.

Le Théâtre Périscope accueillera en première mondiale Straight Jacquet Winter, l’histoire vraie d’Esther Duquette et de Gilles Poulin-Denis qui, après avoir vécu dix ans à Montréal, ont décidé de tout quitter pour traverser, avec leurs sept petites boites, le vaste Canada jusqu’à Vancouver. Ils seront vite confrontés aux difficultés d’intégration, à commencer par ce premier long hiver gris et pluvieux, en écho au roman L’Hiver de force de Réjean Ducharme. Le périple aura changé leur identité propre, mais aussi leur relation de couple et leur rapport au monde.

Ils étaient quatre sera présenté au Théâtre Les Gros Becs par la compagnie montréalaise Orange Noyée. Faisant suite à Trois, une trilogie sur la quête identitaire menée précédemment par Mani Soleymanlou, il est question maintenant du premier volet à un nouveau triplé intitulé Cocktail, cosigné par Mathieu Gosselin, et qui s’attarde à la condition d’homme chez les trentenaires d’aujourd’hui. Dans une ambiance survoltée par l’alcool, la dope et la musique forte, Mani, Éric, Guillaume et Jean-Moïse, avec un humour dévastateur, triturent leur vie. Éric Bruneau fait partie de la distribution, alors qu’on nous promet «une finale renversante».

Dix ans après la création de Peepshow, Marie Brassard a ressassé son touchant solo, en en confiant l’interprétation à Monia Chokri au Grand Théâtre. Marie Brassard est une artiste singulière, avec une démarche artistique très personnelle, et à la fine pointe de la technologie. Elle a travaillé déjà sous la direction de Robert Lepage, et en réclame la même liberté créatrice. Quant à son interprète, elle a joué pour Denis Arcand et Xavier Dolan, tout en étant elle-même scénariste et réalisatrice. Peepshow est une courtepointe onirique de brèves histoires à partir d’un désir, d’une pulsion qui flirte avec le danger, qui évoque l’érotisme ou transgresse un tabou. Le spectacle, bien que sans contenu obscène, est pourtant «déconseillé aux moins de 16 ans».

De Buenos Aires, Federico Leon présentera à la Caserne Dalhousie, en espagnol surtitré en français, Las Ideas. Comment naissent les idées, et comment évoluent-elles? Leon, qui est un chef de fil du théâtre argentin indépendant, et son collaborateur Julien Tello, s’amusent à se renvoyer la balle de ping-pong de chaque côté d’une table où trône un ordinateur portable. Pourquoi ceci plutôt que cela, ils s’attardent à ce qui est réel par rapport à ce qui est truqué dans la vie et jusque sur la scène même. Il s’agit donc d’un brainstorming collectif, qui selon le public du moment, deviendra un spectacle différent chaque soir.

L’adaptation par Philippe Ducros, avec la compagnie montréalaise Hôtel-Motel, du roman autobiographique Samantha à Kinshasa, écrit par Marie-Louise Bibish Mumbu, deviendra la pièce Bibish à Kinshasa au Théâtre Périscope. C’est Philippe Ducros qui mettra en scène la comédienne qu’on dit «formidable», Gisèle Kayembe, au cœur du récit commenté en simultané par l’auteure et le metteur en scène s’affairant à cuisiner sur scène un plat congolais qui sera offert à la dégustation du public après le spectacle. Du théâtre en formule atypique, de toute évidence.

Au Théâtre de la Bordée, une auteure de Paris, Victoria Thierrée-Chaplin présentera Murmures des murs, où le personnage central, joué par Aurélia Thierrée, déménage et fait parler les murs. Elle est à la fois mime, danseuse, acrobate, marionnettiste et illusionniste. Les récits, ainsi livrés, aux prises avec des créatures étranges, sont sans paroles. Il s’agit d’un retour, à la demande générale, pour ce spectacle qui avait dû être annulé l’année dernière à cause d’une blessure au beau milieu de la première représentation.

Enfin, comme ce fut le cas l’année dernière, la création collective Où tu vas quand tu dors en marchant…?, toujours sous la coordination artistique de Frédéric Dubois, proposera aux participants que l’on souhaite par milliers, un parcours déambulatoire festif dans des lieux inusités du Vieux-Québec. Cinq tableaux d’environ 15 minutes chacun se dérouleront en boucle de 21h à 23h dans les secteurs du Parc-de-l’Artillerie, de la Côte du Palais, de la rue des Glacis et de l’Ilot des Palais. Les concepteurs sont Doyon-Rivest, les Écornifleuses, Alexandre Fecteau, Pierre Robitaille, le Théâtre Rude Ingénierie et l’Orchestre d’hommes orchestres. Un événement qui pourrait, en se renouvelant, devenir une signature de Québec avec une présentation annuelle.

Le Carrefour international de théâtre est en même temps une ruche de talents consacrés à des œuvres naissantes, qui en compte cette année une bonne douzaine, coiffée de la dénomination Ateliers. S’ajoutent les rencontres avec les artistes tout au long du festival, et une gamme variée d’activités satellites faisant en sorte que pendant ces 19 jours Québec est théâtre!

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