crédit photo: Marc-André Mongrain

Bluesfest d’Ottawa 2024 – Jour 9 | Mötley Crüe et l’inélégante nostalgie du glam

Tout ce qui est immensément populaire et qui devient out redeviendra un jour populaire. Ainsi fonctionne l’inébranlable force de la nostalgie. On en avait la preuve sur les Plaines Lebreton samedi soir, alors que Mötley Crüe et The Tea Party nous ont respectivement offert des leçons de nostalgie rock’n’roll des années 1980 et 1990.

Lorsque Nirvana et leurs contemporains du grunge ont pulvérisé le glam et le hair metal au début des années 1990, qui aurait cru que plus de 30 ans plus tard, les gars de Mötley Crüe joueraient devant plus de 20 000 personnes enthousiastes, soir après soir, en étant aussi fidèles à eux-mêmes que possible.

Parce que la mouture de Mötley Crüe qu’on nous présente ces jours-ci sur scène est pas mal proche de ce que c’était dans les années 1980. Les deux membres fondateurs, le bassiste Nikki Sixx — qui ressemble de plus en plus au personnage de Johnny Depp dans Pirates of the Carribean – et le célèbre batteur Tommy Lee — qui a connu un regain de popularité à la suite de l’hilarante série Pam and Tommy sur Netflix en 2022 — sont toujours là, en bonne forme pour leur âge. Une section rythmique qui tient la route.

Le guitariste original Mick Mars, lui, a quitté le navire en 2022, et se trouve remplacé par John 5, qui a fait ses armes au sein des groupes de David Lee Roth, Marilyn Manson et Rob Zombie, alors que Vince Neil a été remplacé par 15%-de-ce-qu’était-Vince-Neil-jadis.

S’il existe du Cialis pour les cordes vocales, prière d’en informer Neil. Le pauvre homme de 63 ans n’a ni la vigueur, ni la justesse pour faire honneur à son chant caractéristique des belles années et satisfaire son public.

Mais personne ne s’en formalisera. Parce qu’un show de Mötley Crüe en 2024, c’est une opération nostalgie pure et dure, avec le public qui chante aussi fort que Neil et qui s’exprime à coup de signes du diable avec les doigts entre chaque chanson.

Le spectacle débute étrangement sur une mise en scène de type « le monde s’écroule, voici un bulletin de nouvelles d’un broadcast pirate », à la manière d’une parodie de CNN. Le jour même où Trump est passé à un lobe d’oreille de se faire zigouiller, c’est un drôle de timing.

La bande lance les hostilités avec Primal Scream, Too Fast for Love, Wild Side et Shout at the Devil, au grand plaisir de la foule.

Rendu à On With the Show, ça semble de plus en plus évident que ce sera laborieux toute la soirée pour Neil au chant, qui peine à atteindre 50% de ses notes.

Vient ensuite Dogs of War, toute nouvelle chanson qui débute sur un riff heavy à la Rage Against the Machine pour ensuite devenir une chanson hard rock peu inspirée. Tel un trou normand, John 5 va devoir effacer cette mauvaise impression avec un long solo de guitare raccoleur de 5 minutes pour faire oublier ce qu’on venait de vivre.

Au cas où le solo de John 5 ne fonctionne pas, on a tout prévu : le groupe va enchaîner avec Looks That Kill, qui brille par la présence d’un duo de danseuses sexy nommé Nasty Habits. Elles se nomment Hannah Sutton et Ariana Rosado. C’est important de le souligner parce que ce sont les deux seules femmes qui ont pu monter sur la grosse scène du Bluesfest d’Ottawa passé 21h cette année, à part Molly Guldemond et Jasmin Parkin de Mother Mother, lors de la soirée d’ouverture il y a plus d’une semaine.

Question de rester dans le racoleur, Mötley Crüe y va d’un medley de reprises de chansons qui ont marqué l’histoire du rock et du punk : le classique d’arénas de hockey Rock and Roll, Part 2,  leur propre chanson Smokin’ in the Boys Room, puis Helter Skelter des Beatles, Anarchy in the U.K. des Sex Pistols, Blitzkrieg Bop des Ramones et Fight for Your Right des Beastie Boys. On ne sait trop quels liens les gars du groupe tissent entre ces chansons, mais ça pogne sur le parterre, qui entonne rapidement un chant « Motte-lé-crou! Motte-lé-crou! »

Question de nous rappeler qu’on est dans un show de nostalgie du hard rock de la génération X, Tommy Lee prend ensuite la parole, comme s’il s’aventurait dans un one-man show, et déplore qu’Ottawa ne lui ait pas encore montré ses boules. Les caméras vont repérer une bonne quinzaine de dames volontaires pour se faire aérer les lolos en public, et c’est reparti pour du gros rock avec le slow Home Sweet Home — le « toniiIIIIiiIIIiiIiight » de Vince Neil est particulièrement dans le champ! — puis l’hymne Dr. Feelgood et Same Ol’ Situation (S.O.S.). 

Autre drôle de moment déplacé, avant Girls Girls Girls, on peut entendre en boucle l’infâme citation de Trump, « Grab her by the pussy ». Bin coudonc. À ce même moment, deux immenses silhouettes de femmes gonflables envahissent la scène, et les femmes de Nasty Habits se font particulièrement sulfureuses.

Le party se conclut avec Kickstart My Heart pour conclure une heure et demie de nostalgie hard rock plutôt efficace, si on fait abstraction du décalage total avec notre époque et de l’épouvantable prestation de Vince Neil, qui semble au moins heureux d’être là.

The Tea Party

En ouverture de la soirée, The Tea Party offraient eux aussi une bonne dose de nostalgie un peu moins anachronique, tirée du rock alternatif des années 1990.

Contrairement à leur présence il y a 2 ans, cette fois-ci, Jeff Martin semblait moins aviné et s’est permis un peu moins de tergiversation, ce qui était parfait comme ça.

La grille de chansons était remplie mur à mur de chansons mémorables, de The River à Sister Awake, en passant par Psychopomp, The Messenger et Temptation notamment.

Bien que les trois membres n’aient pas toujours été au diapason durant les deux premières décennies des années 2000, la paix semble bien restaurée, et ils semblent heureux de jouer ensemble leur féroce incarnation de ce qu’ils étaient jadis.

À l’instar de Motley Crue et leur medley, The Tea Party ont aussi voulu souligner quelques chansons classiques du rock, mais en les intégrant à leurs propres chansons. Ainsi, The River intégrait une partie de Sober de Tool, The Messenger se transformait en With or Without You d’U2, et Paint it Black des Stones se retrouvait au coeur de l’interprétation de Sister Awake.

Plus convaincant, mais moins spectaculaire que The Crue.

Photos en vrac

Mötley Crüe

The Tea Party

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