Bernard Werber

Bernard Werber au Palais Montcalm | Un voyage expérimental intérieur qui transforme

Il y a des soirs où une salle comble devient bien plus qu’un lieu de spectacle. Jeudi soir, le Palais Montcalm, en collaboration avec La Maison de la musique, accueillait l’écrivain-philosophe Bernard Werber pour une expérience singulière : un voyage intérieur à la croisée de la méditation, de la réflexion et de la performance artistique. Dans un écrin architectural splendide, à pleine capacité, le public s’apprêtait à vivre un moment hors du commun, guidé par l’un des auteurs contemporains les plus influents.

Avant même que Bernard Werber ne monte sur scène, Didier Morissonneau, producteur de la soirée, prend la parole. Il rappelle que l’auteur lui a partagé une vérité essentielle : ce spectacle ne s’explique pas, il se vit. Puis, Geoffrey Secco, complice musical de Werber, s’installe. Saxophone en main, il fait résonner ses notes tandis qu’à l’écran défile une vidéo de l’univers, baigné de teintes de bleu et de mauve.

Une entrée en douceur

L’arrivée de Bernard Werber surprend par sa simplicité. En pieds de bas, démarche tranquille, il s’ancre dans l’instant avec une simplicité touchante. Un « Bonsoir Québec » souffle d’emblée une atmosphère intime. Sa voix douce, son débit posé, ses mots appuyés invitent à l’écoute et rappellent sa réflexion sur la difficulté de communiquer : il démontre qu’il en maitrise chaque nuance.

Dès les premiers instants, l’auteur installe un équilibre subtil entre profondeur et légèreté. Il lance une réflexion approfondie, puis la ponctue d’une remarque drôle. Ici, on ne rit pas à gorge déployée ; on sourit, complices, devant la logique déconcertante et la lucidité limpide de ses propos. Sur l’écran, apparaissent les neuf étapes de la soirée, comme un plan de vol. Le voyage intérieur sera aussi structuré qu’un déplacement extérieur, avec ses passagers, son rafraîchissement, son atterrissage.

Werber propose de commencer par l’identification des passagers. Il constate, amusé, qu’il n’a jamais eu devant lui autant de « passagers » dispersés dans une salle. Calmement, il invite chacun à s’installer: retirer ses chaussures, décroiser les jambes, fermer les yeux. Lse souffles se synchronisent, les coeurs se calment. Il conduit doucement l’auditoire vers la méditation, attentif au silence, aux sons de la ville, de la nature.

bernard werber grand

Un moment fort survient lorsque le public est divisé en trois groupes vocaux. Sur un simple « ahhhhhhhh » chanté en mi, en sol ou en si, la salle entière devient chorale. Les harmonies s’entrelacent et révèlent une évidence : l’union fait la force, même dans la différence des diapasons. L’instant est grandiose, presque sacré.

Plus tard, à l’étape du « rafraichissement », chacun se surprend à saliver davantage après un exercice comportant un citron. Une démonstration aussi ludique que troublante de l’emprise de l’esprit sur le corps. Werber glisse des notions scientifiques : l’aphantasie, cette incapacité d’imaginer, ou encore le rôle distinct des deux hémisphères cérébraux. La transmission est claire, jamais professorale, toujours accessible.

L’auteur confie s’être remis en question après la réception mitigée de son troisième livre, Les thanatologues. Une rencontre avec une médium, d’abord abordée avec scepticisme, a bouleversé sa trajectoire. Depuis, il explore sans détour le « tourisme spirituel », persuadé que l’on a tous traversé plusieurs vies avant celle-ci. Dans la salle, il guide les spectateurs vers l’une de leurs vies passées, les amenant à quitter leur corps pour se rapprocher de leur essence.

Ce tissage constant entre science, philosophie et spiritualité constitue l’ADN de la soirée. Rien n’est imposé, tout est proposé. Chacun est libre d’accueillir ce qui résonne, et de laisser de côté ce qui échappe. Mais l’expérience agit: les visages détendus et les silences habités témoignent de l’effet puissant de ces invitations intérieures.

Surprise en finale… 🎂

Le lien entre l’auteur et le public ne cesse de se renforcer. Alors que le soirée tire à sa fin, en pieds de bas, son musicien le rejoint à l’avant-scène, comme pour marquer une égalité dans la simplicité. Werber photographie la salle, filme l’instant, se prend en selfie avec ses « passagers ». Chaque spectateur sent qu’il compte, que l’expérience se vit ensemble.

Puis, soudain, des voix lancent: « Bonne fête Bernard! ». La salle entière enchaine, entonnant Gens du pays de Vigneault adapté ici pour les anniversaires. Ému, l’artiste confie que c’est la première fois qu’il célèbre son anniversaire loin de chez lui. Un gâteau apparait, porté par l’équipe, et les bougies sont soufflées sous l’acclamation. Ce moment imprévu, teinté de chaleur québécoise, parachève une soirée déjà exceptionnelle.

La rencontre se poursuit après le spectacle, lors d’une séance de signatures. Livres en main, sourires sincères, spectateurs et producteur partagent une fierté commune: avoir contribué à la réussite d’une expérience rare.

Plus qu’une conférence, plus qu’un voyage méditatif, la prestation de Bernard Werber au Palais Montcalm s’inscrit dans une démarche qui touche à l’essentiel: mieux se connaître, se recentrer, grandir. C’est une proposition audacieuse, universelle, qui devrait être vécue par le plus grand nombre.

Et si je me permets un mot au « je »… Cette soirée restera, pour moi, l’une des plus grandes rencontres de ma vie. Bernard Werber est un génie. La lecture de ses ouvrages a déjà bouleversé mon existence, mais vivre ce voyage intérieur en sa présence a décuplé cet impact. Ce qu’il a évoqué, que l’un de ses exercices laisserait une chaleur au coeur pour la prochaine semaine, dans mon cas s’étirera sur des années. J’en ressors changée, habitée d’une gratitude immense, convaincue que ceux qui ne le connaissent pas encore doivent absolument le lire, le voir, l’écouter.

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