crédit photo: Marc-Olivier Huard
Arctic Monkeys

Arctic Monkeys au Centre Bell | La preuve est faite, le rock moderne n’est pas mort.

Ils n’avaient pas mis les pieds au Centre Bell depuis 2012 et n’avaient pas foulé le sol montréalais depuis leur passage au festival à Osheaga en 2018. Enfin de retour, Arctic Monkeys a confirmé hier sa place au Panthéon des groupes rock britanniques les plus influents, et Alex Turner celle parmi les interprètes les plus talentueux de sa génération.

Pourtant, avant que la soirée débute, on se demandait à quoi peut bien ressembler, en 2023, un spectacle des Arctic Monkeys. C’est qu’au cours de plus de deux décennies et sept albums studio, les vifs riffs de guitare à 160 bpm ont tranquillement cédé leurs places aux mélodies de crooner et à une orchestration plus sophistiquée.

Une partie de la réponse a été donnée avant même d’entrer au Centre Bell. On y croisait des petits groupes de têtes grises, des bandes de jeunes adultes dont certains en étaient à leur premier concert et beaucoup de parents venus partagés la soirée avec leur rejeton. Une fille plaisante en disant à son père qu’elle sort son boomer (il ne l’a pas trouvé drôle), une autre regarde avec compulsion des vidéos de Harry Styles sur son téléphone. Rien pour rassurer que toustes allaient y trouver leur compte. Les apparences étant souvent trompeuses, c’est une véritable messe rock auquel on a eu le droit hier. Une messe où deux générations étaient rassemblées, debout du début à la fin, autour de l’album fédérateur AM paru en 2013. On y reviendra. Commençons par le début.

Du post-punk dublinois, bouillonnant et anxiogène

Il est huit heures tapantes. La lumière se tamise. On entend Avalanche de Leonard Cohen. La bande de Fontaines D.C. prend tranquillement place sur scène. Prendre tranquillement place, ce n’est pas du tout ce que fait Grian Chatten par ailleurs. Vêtu d’espadrilles blanches, d’un pantalon sport bleu et d’un ample chandail noir de Metallica, le chanteur ne peut s’empêcher de sautiller d’un bout à l’autre de la scène.

Tantôt il secoue les mains, tantôt il prend son pied de micro par le bas et le brandi bien haut. Il a une gueule de trouble-fêtes, celle des habitués des pubs qui, bourrés, finissent leur soirée à se bagarrer. Faut-il le rappeler, tout en contraste, Cohen nous berce toujours de sa poésie. Ils n’ont pas encore vraiment commencé, et déjà on trouve ces Irlandais bien attachants.

Fontaines D.C. redonne un élan au post-punk en le modernisant. Leur son flirte parfois avec le garage rock, mais se déplace fréquemment en zone maussade et mélodique. Le titre Roman Holiday, joué en milieu de spectacle, en est un bon exemple.

Revenons-en à leur présence sur scène. Dire que Fontaines D.C. a réchauffé la salle hier soir est un euphémisme. C’est une chose de réchauffer la salle, s’en est une autre de l’embraser! Ils ont assuré à un point où l’on doutait que Arctic Monkeys pourrait rivaliser avec ce rock bouillonnant et anxiogène. Tom Coll a percuté sa batterie comme s’il n’y avait pas de lendemain, Conor Deegan y est allé d’enivrantes lignes de basse rappelant celles de la new wave des années 80, et les guitares de Carlos O’Connell et Conor Curley ont alourdi l’atmosphère de leurs tonalités souvent sursaturées. Chatten, qui n’a pratiquement cessé de gigoter, a chanté avec aplomb de sa voix distinctive, celle des oiseaux de nuits qui chantent le charme à celle qu’ils veulent ramener.

C’est à se demander si l’assistance était conquise d’avance. Dès les premières minutes, des centaines de personnes ont spontanément appuyé le tempo de Coll sur Televised Mind en tapant des mains. Quelques minutes plus tard, l’intensité montait d’un autre cran alors que le parterre se décoinçait dès les premiers riffs de Boys in the Better Land, pièce phare de leur premier album Dogrel. Lors de Jackie Down the Line, le premier simple de leur troisième et plus récent album Skinty Fia, des milliers de cellulaires se sont allumés comme autant d’étoiles annonçant à Fontaines D.C. une destinée des plus prometteuses.

Parions que ce sera le cas. Relativement peu connus de ce côté de l’Atlantique, ils ont l’occasion de faire la tournée des amphithéâtres de 21 villes d’Amérique du Nord. S’ils se donnent comme ils se sont donnés hier, nul ne doute qu’ils feront le plein de fans.

La confiance des rockers qui n’ont plus rien à prouver

Comme si confier la première partie à des confrères qui risquent de vous voler la vedette n’était pas assez, c’est un enregistrement de The Streets qui a servi d’introduction à la bande de Sheffield. Arctic Monkeys n’a définitivement pas peur de se mettre en danger. Il fallait voir la jeune vingtaine s’émoustiller sur Who’s Got the Bag, un titre à mi-chemin entre l’électro et le hip hop, pour se demander comment allait être reçues leurs propositions.

Ajouter à cela que Arctic Monkeys a pris, depuis Tranquility Base Hotel & Casino, une tangente crooner et orchestrale, qui n’est pas sans rappeler le son de The Last Shadow Puppets qu’anime également Alex Turner. C’était à se demander si on allait nous servir du rock, et si l’audience en voulait.

La réponse est oui, assurément. On a assisté à un concert rock de musiciens  qui n’ont plus rien à prouver. En parfaite possession de leurs moyens, c’est du rock bien lourd et décomplexé qu’ils nous ont  servi à toutes les sauces. De lourds riffs de guitares, une batterie incisive, des solos de guitares agrémentant les bridge, tout ce qu’il faut pour donner un son bien lourd même aux morceaux des deux derniers albums, qui en sont essentiellement dépouillés. Arctic Monkeys est, sur scène du moins, encore bel et bien un band de rock, un band de guitares.

Les codes du rock changent – une chorale tant improvisée que spontanée

Debout dès les premières notes de Sculpture of Anything Goes, le public ne se rassit jamais au cours des quelque 90 minutes qu’a duré la présence sur scène de Alex Turner, Jamie Cook, Matt Helders et Nick O’Malley. Les plus vieux montraient aux plus jeunes comment hocher de la tête sur From the Ritz to the Rubble et I Bet You Look Good on the Dancefloor, les plus jeunes leur ont prouvé aux plus vieux que chorale et spectacles rock peuvent cohabiter.

La jeune foule s’est à maintes reprises improvisée choriste, chantant comme on récite des textes écoutés en boucle pendant des après-midi durant, sur les titres Snap Out of It, Fireside, Why’d You Only Call Me When You’re High?, Arabella, et évidemment Do I Wanna Know et R U Mine?. Vous l’aurez deviné, l’album AM paru en 2013 aura été la pierre angulaire d’une communion musicale intergénérationnelle. Plusieurs des spectateurs devaient tout juste entrer au primaire lorsque cet album est sorti, alors que les autre attendaient une autre brique suite à celle de Whatever People Say I Am, That’s What I’m Not paru en 2006. Il n’est pas pas étonnant que l’ambiance fût aussi électrisante… elle était alimentée par l’énergie de ceuxes qui rêvent de ce moment depuis leur plus tendre enfance, et de ceuxes des nostalgiques de leurs belles années de jeunesse.

Signe que les codes du rock changent, une boule disco géante est descendue du toit tout juste après There’d Better Be a Mirrorball joué en début de rappel.  Si c’est pour le faire vivre le rock plus longtemps, et bien tant mieux. C’est en se renouvelant qu’on reste pertinent, et ça Arctic Monkeys le sait plus que quiconque. Deux autres titres de leur album AM on complété avec le fougue le rappel jusqu’à ce que Turner termine R U Mine? a capela pour calmer les esprits de ceuxes qui on passé une sapristi de belle soirée.

Arctic Monkeys été le premier groupe majeur de l’ère Internet et ont su rester pertinents à travers le temps. Alex Turner chante sur Star Treatment qu’il veut être « one of The Strokes », parions qu’ils sont plusieurs maintenant à voir être un des Arctic Monkeys. C’était définitivement une soirée à ne pas manquer.

Grilles de chansons (Arctic Monkeys)

  1. Sculptures of Anything Goes
  2. Brianstorm
  3. Snap Out of It
  4. Don’t Sit Down ‘Cause I’ve Moved Your Chair
  5. Crying Lightning
  6. Fireside
  7. One Point Perspective
  8. Why’d You Only Call Me When You’re High?
  9. Arabella
  10. From the Ritz to the Rubble
  11. Do Me a Favour
  12. Pretty Visitors
  13. Fluorescent Adolescent
  14. Suck It and See
  15. Knee Socks
  16. Do I Wanna Know?
  17. I Bet You Look Good on the Dancefloor
  18. Body Paint
  19. There’d Better Be a Mirrorball
  20. 505
  21. R U Mine?

Grilles de chansons (Fontaines D.C.)

  1. A Lucid Dream
  2. Televised Mind
  3. Nabokov
  4. Big Shot
  5. Roman Holiday
  6. Boys in the Better Land
  7. Jackie Down the Line
  8. I Love You

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