Antigone au printemps | Léane Labrèche-Dor et les hommes de Créon

Juste après que Caligula se soit déployé avec un énorme succès sur la scène du TNM, et en même temps que Hamlet se joue à guichets fermés au Théâtre La Chapelle, c’est au tour d’Antigone d’inspirer une relecture moderne d’un grand classique à la Salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier.

Dans la mythologie grecque, Antigone est la fille incestueuse d’Œdipe, roi de Thèbes, et de la reine Jocaste qui est en même temps sa grand-mère. Sophocle en a tiré une première mouture dramatique il y a près de 2 500 ans, bien avant que l’écrivain français Jean Anouilh en eut créé une variante plus contemporaine, soit en 1944 à Paris alors sous l’Occupation allemande.

Crédit photo: Francis Sercia

Crédit photo: Francis Sercia

L’Antigone du très beau texte de Nathalie Boisvert, est au plus près de nous. Le personnage de la jeune fille qui se rebelle contre toute autorité, en particulier celle de son oncle Créon, frère de Jocaste, trouve ici son écho à Rivière-Éternité. Impossible de ne pas faire de lien avec le Printemps érable de 2012, et le soulèvement étudiant qui est passé à l’Histoire.

En maître du monde, Créon, et ceux que l’auteure appelle « les hommes de Créon », répriment toute forme de contestation du pouvoir établi. Antigone et son frère Polynice s’opposeront alors à leur frère Étéocle et à son rapport dominant. Dommage que la lutte fratricide qui se soldera par la mort de Polynice, ne soit pas développée avec plus de corps à corps violent par le metteur en scène Frédéric Sasseville-Painchaud. Car l’enjeu en sera le sort réservé au corps de Polynice, livré à la vue de tous en exemple punitif par Créon, alors qu’Antigone voudra pour lui une sépulture digne.

Léane Labrèche-Dor livre avec force une Antigone dont le ton cependant n’est pas toujours juste et nuancé. Il y a là un manque de direction d’acteurs avisée. Surtout que Fred-Barry est une petite salle, alors, pas besoin de projeter le texte comme dans une grande salle. Mais la comédienne a du talent, et l’intensité de son regard perçant sauve la mise. Elle n’est déjà plus seulement la fille de Marc Labrèche et la petite-fille de Michelle Labrèche-Larouche, s’étant acharnée par le travail à se faire un nom.

En Polynice et Étéocle, Frédéric Millaire-Zouvi et Xavier Huard respectivement, sont de force égale. Chacune de leurs interventions est tranchante comme une épée, celle du pouvoir versus celle de la répression du pouvoir corrompu qui s’apparente à tous les régimes totalitaires du monde actuel, laissant le spectateur avec le désespérant constat que la condition humaine n’a pas beaucoup changé depuis l’Antiquité.

La musique originale de Mykalle Bielinski rend bien le climat de confrontation, comme le réussissent tout autant les éclairages latéraux de Chantal Labonté. Et la scénographie de Xavier Mary, en un sol couvert de gravier sec et poussiéreux, aussi simple soit-elle, n’en ait pas moins efficace.

Antigone au printemps, ça se sent dans la salle, rejoint avant tout un public d’ados. La pièce est la toute première production de la compagnie Le Dôme créations théâtrales, qui assurément est à surveiller.

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