Another Brick In The Wall – L’Opéra | Stéphane Roy : le scénographe jet set derrière le mur

De tous les scénographes québécois, Stéphane Roy est devenu, avec bientôt 30 ans de carrière, une sorte de rock star dans son domaine. Au Cirque du Soleil seulement, il a signé pas moins de six spectacles, depuis Dralion en 1999, et il est actuellement en pré-production pour deux autres, coup sur coup. C’est lui qui réalise les décors, donc le fameux mur de Another Brick in the Wall – L’Opéra, dont la création mondiale par l’Opéra de Montréal est attendue samedi prochain, le 11 mars, à la Place des Arts.

« Je n’ai jamais eu autant de boulot de toute ma vie », dit Stéphane Roy en entrevue sur un ton posé, ajoutant que vient à peine d’être lancée à Paris une production française de Saturday Night Fever, avec le Québécois Nico Archambault dans le rôle principal, et dont il signe les imposants décors.

La proposition scénographique qu’il a développée pour The Wall est le fruit de deux ans de travail acharné. Il aura fallu au départ présenter sa maquette et convaincre Roger Waters, détenteur de l’œuvre qu’il a chantée aux plus beaux jours du groupe Pink Floyd.

The Wall, c’est Roger Waters, affirme Stéphane Roy, c’est sa vie, c’est son œuvre, c’est sa réflexion devant le pouvoir d’une pop star sur une foule, avec les millions de dollars qui tombent du ciel. C’est une œuvre biographique, son père est réellement mort à la guerre, où on retrouve sa relation avec sa mère, avec les femmes en général, et avec les groupies en particulier. C’est dans l’introspection d’un burn-out que Waters a écrit The Wall, et c’est ce qu’il fallait transposer sur scène

Le metteur en scène Dominic Champagne, avec qui Stéphane Roy a travaillé entre autres sur Varekai et Zumanity au Cirque, et un mémorable L’Odyssée d’après Homère au théâtre, lui a laissé beaucoup de latitude. « L’idée de départ que j’ai amenée à Dominic était claire, dit Stéphane Roy, et il a embarqué à pieds joints. Mon concept était de reconstituer les deux murs de la clinique où Pink, le personnage du chanteur, se retrouve en proie au délire. Je travaille toujours à partir d’un premier espace, pour aller ensuite vers de seconds lieux.

roy_stephane-300dpi« On entre dans la tête de Pink, poursuit-il, les deux murs de la clinique se mettent à respirer, comme en accordéon, et deviennent ses cauchemars, ses réalités, ses fantasmes, ses souvenirs, tout ça en boucle. Il hallucine, et on décolle dans une esthétique à la Stanley Kubrick. »

Ce mur mobile

Les murs en question, qui finiront par en constituer un seul, sont deux blocs métalliques carrés, de 21 pieds par 21, et 7 pieds de profondeur. Chaque portion de mur est constituée de 9 carreaux qui en dissimulent l’intérieur avec ses escaliers et ses mécaniques complexes.

Les deux volumes, très lourds, sont montés sur des dizaines de roulettes, « comme un mille pattes qui se déplace sans faire de bruit, explique le scénographe. Face au public, continue-t-il, la surface en acrylique a été lissée, sablée, patinée, pour devenir une pellicule semi-translucide traitée au fusil avec des microfibres de verre brillant. Mais du verre noir aussi, pour permettre aux projections d’exploser comme sur un écran, avec une bonne qualité d’images. Ou bien encore, les deux structures sont éclairées par derrière pour créer des ombres chinoises. Ce sont deux grosses boîtes très lumineuses. »

Même si la production de l’Opéra de Montréal veut garder l’œuvre intemporelle, difficile de parler d’un mur sans évoquer celui de Donald Trump à la frontière du Mexique. « On fait juste sourire en se disant : My God, ce n’est pas possible!

Mais, ce mur représente tous les murs de la société actuelle. C’est aussi un mur métaphorique, un mur intérieur devenant comme un étau qui se resserre, ou encore un mur de la honte devant le totalitarisme. On n’est jamais anecdotique, tout vient du délire.

En danse, il a travaillé avec Édouard Lock, Gilles Maheu et Marie Chouinard. Au théâtre, aussi bien Yves Desgagnés que Robert Lepage. En y ajoutant le cirque et le music-hall, il ne lui restait qu’à l’opéra où faire montre de son immense talent de scénographe ouvert à la folie des autres créateurs comme à la sienne, face au monde.

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