Entrevue avec Ariane Moffatt | « L’album le plus polaroïd d’une réalité condensée »
Mardi soir, dans un Stéréo Nightclub bondé, Ariane Moffatt lançait son 5e album studio. Intitulé 22h22, ce nouvel opus électro-pop teinté de claviers, est un tableau d’une courte période de la vie de l’artiste. Rencontre.
22h22 : le rêve commence
Après avoir accueilli des jumeaux dans la maison à l’été 2013, et avoir passé quelques mois à s’en occuper, Ariane Moffatt s’est remis vers le chemin de l’écriture. Un chemin difficile au départ, face à toute la nouveauté qui venait d’arriver dans son foyer. Mais l’inspiration est finalement revenue.
En effet, l’histoire du titre de ce 5e album d’Ariane Moffatt est déjà connue : chaque soir, après que les enfants se soient endormis, elle se mettait à écrire et composer pour ce nouvel album. Et le hasard faisait que c’était à 22h22 que le monde de la création s’ouvrait pour l’artiste. « Je pense qu’à chaque fois qu’on commence un projet de création, on se compose un peu un concept autour de certains signes qui peuvent arriver dans notre vie. Là c’était autour de cette heure-là, que je voyais à répétition, mais qui me faisait penser aussi à des réflexions dans les premiers mois de vie de mes enfants, de voir la nuit différemment, d’être en éveil, d’inverser le jour, la nuit. »
À partir de cette coïncidence, Ariane Moffatt a décidé d’orienter son album vers le monde du rêve. Les arrangements et les textures, quasiment uniquement composés de claviers et de synthétiseurs, emmènent les auditeurs dans un univers chimérique, toutefois rattrapé par les textes plutôt réalistes. « Ca a été les fondations ces 22h22, dans lesquelles je plongeais pour m’évader de l’hyper-routine de ma nouvelle vie »
Polaroïd
Après une année de travail, d’abord seule en studio, puis ensuite accompagnée de Jean-Phi Goncalves, Ariane Moffatt offre un album-tableau d’une courte période de sa vie. « C’est l’album le plus polaroïd d’une réalité condensée. Ce n’est pas un album juste de mère, c’est un album de femme, d’amoureuse, de femme dans un monde, mais un peu transformée. »
Il est certain que l’arrivée des jumeaux dans la famille a ouvert quelque chose de nouveau pour l’artiste, qui toutefois ne raconte pas cet évènement durant tout l’album. Celui-ci a plutôt permis à la musicienne d’avoir un nouvel angle de vue, dans un monde nouveau et fragile. « C’est un peu par le filtre de cette fragilité-là, cette vérité-là, que la naissance peut nous amener à vivre. La lunette de cette fragilité est venue par la lunette de la naissance des enfants mais ça ne parle pas de mes enfants et du fait que je suis mère. »
Au final, le polaroïd que propose Ariane Moffatt est marqué par cette période de transition et de changement, qui peut également se ressentir au fil de l’écoute de 22h22. Alors que le premier morceau fait constat du présent, l’artiste revient ensuite sur son passé dans Rêve ou Nostalgie des jours qui tombent, pour évoquer son présent, par exemple par l’intermédiaire des voix de ses enfants sur Matelots & Frères, et parler ensuite du futur, quand elle emmènera les jumeaux voir Les deux cheminées.
Dualités et création
Le titre du cinquième opus contient déjà beaucoup de chiffres 2, mais lorsqu’on l’écoute, on se rend compte que les dualités sont nombreuses dans 22h22. Un aspect voulu ? « Au fur et à mesure où je créais, je retrouvais la vie, la mort, les rêves, l’éveil… Je n’ai pas expérimenté les drogues, à jeun, mais il y avait une envie de confronter des états de conscience différents : dans l’éveil, dans le sommeil, dans la vie, dans la mort. C’était conscient que j’avais envie de frayer là-dedans. À posteriori, on regarde un travail et on en ressort des thématiques. Et tout ça, c’est fou comment c’est instinctif aussi. »
Pas nécessairement voulu donc, et peut-être un des aspects les plus intéressants dans la création selon l’artiste. « Je pense que c’est ça qui est aussi grisant dans le fait d’avoir la chance de créer. Il y a des choses qui nous sont révélées alors qu’on ne s’en rend pas compte dans la vie. »
Au final, l’art est pour Ariane Moffatt une façon de s’évader de tous les carcans qui nous entourent. « La création est une source, ou en tout cas une destination, où le temps n’existe pas. On n’est pas dans ces enjeux de ride, de vieillissement. On peut se réfugier, puis avoir un sentiment où il n’y a pas de temporalité. »
* Ariane Moffatt sera en tournée un peu partout au Québec, dont le 22 mai au Métropolis à Montréal, ainsi que le 16 avril au CNA, à Ottawa, avec Milk & Bone en première partie. Billets par ici.
Photos du lancement
- Artiste(s)
- Ariane Moffatt
- Ville(s)
- Montréal, Ottawa
- Salle(s)
- Centre national des Arts, Métropolis - MTELUS, Stéréo
- Catégorie(s)
- Electro, Pop,
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