Alex Roy

Alex Roy à la salle Albert-Rousseau | Quand le ridicule révèle ce qui tient le monde debout

L’humour devient parfois une façon douce de relire ce qui nous échappe. Hier, à la salle Albert-Rousseau, Alex Roy a offert un spectacle où les images du quotidien se renversent, se déploient et se transforment en petites vérités qu’on reconnaît trop bien. Dans une salle pleine qui réagissait à chaque dérapage contrôlé, l’humoriste a partagé des histoires qui parlent de famille, de fatigue, de maladresses humaines et de ces moments où l’on rit de travers, comme pour arriver à garder son équilibre.

D’entrée de jeu, il questionne la salle : « est-ce qu’il y en a, ici, qui ont déjà dû utiliser une carte en papier pour trouver leur chemin? » La manière qu’il mime le geste, une carte immense qu’il plie et replie à grandes enjambées, déclenche déjà les premiers éclats. Pour lui, ce n’est plus une carte, mais un drap contour de la route. Et dans cet univers où tout devient un peu plus grand que nature, même Waze en prend pour son rhume. « Y’a-tu un nid de poule? » Et sa propre voix, incrédule : « Yé là ou yé pas là? » Une seconde trop tard, il a déjà foncé dans le gars d’en avant. L’auto-dérision comme vecteur.

Puis vient le moment des bruits de bouche. C’est du beatbox, mais lui appelle ça des bruits de bouche. Des sons qu’il superpose avec une machine à loop jusqu’à inventer une chanson. Il danse, il s’éparpille, il s’amuse, il se donne en entier. Et cette phrase qui scelle le tout : « Esti que j’danse bien quand même. »

Plus tard, il prend un chemin inattendu, à pas feutrés. Il raconte ce père qui lui avait dit, adolescent : tant qu’à faire rire de toi, prends des cours d’humour. Comme une porte ouverte sans poignée. Un drôle de partage qui a pris racine. Entre deux tranches lumineuses, il mentionne aussi ses jumelles. Des fragments de vie qu’il dépose sans qu’on s’y attende, juste assez pour que le rythme continue sa lancée.

La soirée se poursuit avec une série d’histoires où l’absurde se suffit à lui-même. Un prof d’éduc qui répétait « les couilles pleines, les couilles remplies de haine ». Une entorse lombaire qui déclenche une chute spectaculaire avec une pinte de lait : le liquide partout, le chien qui lui lèche la face, cette scène figée pendant de longues minutes. Une semaine sans pouvoir se torcher, heureusement qu’il a un bidet. Et cette phrase qui se grave : « Once you go in the crack, you won’t go back ». Comme si l’humour savait capturer ce qui n’a pas de langage.

Les chansons surgissent entre les récits. « Café, mon beau café, si j’en bois pas, j’ai l’goût d’tuer. » Plus tard : « pas d’sacoche, pas d’sacoche, c’est su’a coche. » Des refrains absurdes qui deviennent complices, presque attendus pour retomber sur terre. Certaines confidences frappent autrement. Les souvenirs d’intimidation, ce « grosse graine, grosse graine » chanté par d’autres au secondaire. L’espoir que ses filles, à lui, n’aient jamais à traverser ça. La curiosité enfantine de sa fille transformée en scène irrévérencieuse, jusqu’au moment où, au restaurant, elle annonce à la serveuse que son papa « tenait sa crotte ». Premier pourboire donné pour acheter un silence. Presque en fin de parcours, on apprend qu’il dort maintenant avec une plaque occlusive, « pour ne plus ressembler à Guylaine Gagnon ». Le corps comme terrain d’humour et de fragilité.

Le spectacle se termine par un remerciement sincère : son amoureuse et ses jumelles montent le rejoindre sur scène. Un moment doux, malaisant, touchant. Toujours cette zone grise où l’émotion veut prendre la place, mais où le spectateur se demande encore ce que cette irruption du réel fait là. Après tout, qui amène sa conjointe et ses enfants au travail pour souligner un succès?

Il reste de cette soirée un mélange unique : des images absurdes, des aveux qui coulent comme des confidences, des maladresses qui deviennent anecdotes. Une façon différente de dire que, derrière chaque rire, il y a toujours un peu de vérité qui cherche son chemin.

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