
Pixies au MTELUS | Bossanova et Trompe le monde sans flafla mais avec mordant
Tout juste un an après avoir foulé les planches de la Place Bell à Laval (avec Modest Mouse), Pixies sont de retour à Montréal pour deux spectacles cette semaine, dans l’environnement plus propice du MTELUS. Mardi soir, le mythique groupe alt-rock bostonnais jouait deux de ses albums en intégral, Bossanova (1990) puis Trompe le Monde (1991), avant de contenter le public avec une petite poignée d’autres titres marquants. Ce soir, mercredi, les fans auront plutôt droit à un habituel melting pot des meilleurs pièces, tous albums confondus.
C’est la stratégie choisie par le groupe pour les spectacles en salles en 2025 : ils jouent deux soirs dans chaque ville visitée, et chaque première soirée dans un lieu suit ce modèle où la formation interprète ses troisième et quatrième albums au complet.
Pour ceux qui se demandent : les spectacles au Festival d’été de Québec vendredi et au Bluesfest d’Ottawa samedi (nous y serons!) seront davantage en mode best of. Rassurez-vous.
Toujours est-il qu’on est habitué aux tournées où les artistes interprètent des albums en intégral. Ce qui rend ce pari risqué, ce sont les albums choisis…
En 2011, on avait eu droit à une tournée au cours de laquelle Pixies interprétaient plutôt dans l’ordre de l’album les titres de Doolittle, leur chef d’oeuvre de 1989 (qui contient notamment les hits Here Comes Your Man, Monkey Gone to Heaven, Debaser, Hey, Gouge Away, bref tous les titres les plus connus du groupe sauf Where is My Mind? qui était tout de même jouée au rappel), virée qui s’était notamment arrêtée au Métropolis… et à la Salle Albert-Rousseau de Québec. On y était
Mais là, en 2025, on parle de Bossanova et Trompe le monde, que très peu de gens considèrent parmi les albums les plus marquants.
Ça reste ce qu’ils proposent, le public en est averti, et il faut respecter le processus. Tout comme on respecte les codes et les contraintes qui viennent avec un show des Pixies en général : pas de flafla, pas de blabla. Aucune mise en scène, de très rares interventions laconiques entre les chansons, juste quatre musiciens pas palpitants à regarder, qui dégainent toutefois un rock toujours brut et mordant, devant un décor essentiellement constitué du logo en P, et de quatre globes terrestres à l’image de la pochette de Bossanova, qui se transformeront en globes oculaires pour faire un clin d’oeil – jeu de mot intentionnel – à la pochette de Trompe le monde.
Mettre en relief deux albums sous-estimés
Le principal défaut de Bossanova et Trompe le monde, c’est qu’ils ne sont pas Surfer Rosa et Doolittle. N’importe quel groupe qui sortirait ces deux albums aujourd’hui se ferait encenser : la plupart des chansons sont de qualité, les arrangements de guitare sont mordants, le songwriting est encore à point. C’est du très bon rock. Mais c’est pas Doolittle ou Surfer Rosa : on a pas affaire au matériel encensé par Bowie et plusieurs autres, qui a préparé la démolition en règle des sacro-saints synthés des années 1980 et inspiré Cobain à tout péter.
Dès les premières notes, avec l’intro surf‑rock de Cecilia Ann (savoureuse reprise des Surftones) ouvrant Bossanova, le groupe plonge le public dans une ambiance à la fois planante et tendue, oscillant entre espace et énergie brute. Les morceaux s’enchaînent avec une cohérence évidente : Velouria, Is She Weird, Dig for Fire… toute la palette de Bossanova défile avec une précision rythmique et une intensité qui donne une nouvelle vie à chaque piste.
Au fil des chansons, ça ne s’essouffle pas vraiment, mais on sent que le public est attentif, sans plus. Les quarantenaires encore en manque de guitares rugissantes apprécient la voix toujours éraillée de Black Francis et le jeu tonitruant de ses comparses, mais le matériel n’est pas celui qui ferait éclater le baril de poudre.
Le groupe aborde ensuite Trompe le Monde, album plus lourd, plus incisif, voire brut, parfois qualifié de « presque heavy metal » à l’époque. Des morceaux comme Planet of Sound, U‑Mass et Alec Eiffel sont exécutés avec l’énergie d’un combo rock massif : riffs lourds, structures martelées, ambiance psychédélique. On se rappelle avec un sourire en coin que leur version de Head On (reprise de The Jesus And Mary Chain) fait bon effet, encore plus en live.
Mais une fois passé la très bonne Space (I Believe In), 24e chanson de la soirée, on sent que ça commence à traîner de la patte…
Même les tempos semblent osciller rendu à Distance Equals Rate Times Time et Lovely Day, deux titres qui auraient mérité d’être relégués au rang de B side.
Mais on tient bon, et une fois The Navajo Know interprétée, avec 1h45 de show dans le corps, on sent que le nanane s’en vient.
La bassiste Emma Richardson, qui remplace Paz Lenchantin depuis l’an passé, qui elle-même a remplacé durant dix ans la bassiste originale Kim Deal, entonne le classique de concert In Heaven (Lady in the Radiator Song), reprise d’un air mystérieux chanté par « une jeune femme dans radiateur » (littéralement) dans le film Eraserhead de David Lynch, puis la foule explose lorsqu’elle reconnaît l’air iconique de la mélodie de Here Comes Your Man.
C’est là qu’on constate que l’énergie de la foule sera très différente ce soir. Il y avait hier une tension tout au long de la soirée, une appréciation à demi-réservée de ce qu’on nous proposait sur scène tout en espérant entendre les gros canons. Ce soir, ce sera des coups de canon à volonté.
Le groupe ajoute un petit Vamos pour maintenir l’énergie au summum avant de se livrer au climax : Where Is My Mind?, le classique absolu. L’émotion collective est alors palpable, notamment durant l’intro lente et subtilement amplifiée sur scène.
Into the White, B side de Here Comes Your Man, est choisi comme un ultime baiser musical : presque confidentiel, mais puissant, il agit comme une superbe finale. Ce choix rappelle des concerts précédents où ce morceau précédait ces classiques. Pas de blabla, pas de flafla, disait-on? Pas de rappel non plus. Les deux heures et quelques de shows se terminent ainsi, alors que la foule est visiblement encore gonflée à bloc.
Dur de définir le niveau de satisfaction ressenti par les fans au final. D’un côté, on apprécie que le groupe, qui ne change pas de scénographie d’une tournée à l’autre, propose autre chose qu’un ixième best of tel qu’on aurait pu le voir l’an passé à la Place Bell, ou en 2019 avec Weezer, ou avant ça. Ça fait différent, et c’est une belle manière de souligner à quel point tout le répertoire 1980-1990 des Pixies est excellent et mérite d’être revisité.
Mais pour les fans plus sporadiques, c’est ce soir que le party va pogner. Et vendredi au FEQ. Et samedi au Bluesfest. On vous en redonne des nouvelles!
Grille de chansons
Bossanova – Partie 1
- Cecilia Ann
- Rock Music
- Velouria
- Allison
- Is She Weird
- Ana
- All Over the World
- Dig for Fire
- Down to the Well
- The Happening
- Blown Away
- Hang Wire
- Stormy Weather
- Havalina
Trompe Le Monde – Partie 2
- Trompe le monde
- Planet of Sound
- Alec Eiffel
- The Sad Punk
- Head On
- U-Mass
- Palace of the Brine
- Letter to Memphis
- Bird Dream of the Olympus Mons
- Space (I Believe In)
- Subbacultcha
- Distance Equals Rate Times Time
- Lovely Day
- Motorway to Roswell
- The Navajo Know
En vrac – Partie 3
- In Heaven (Lady in the Radiator Song)
- Here Comes Your Man
- Vamos
- Where Is My Mind?
- Into the White
Photos en vrac
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- Catégorie(s)
- Indie Rock,
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samedi
Jour 3 | TURNSTILE, Pixies, Kurt Vile & the Violators, Men I Trust
Lieu : Plaines LeBreton
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