crédit photo: Jean-Christophe Lessard
Aianishkat

Aianishkat à l’Agora de la danse | Soleil Launière élargit une nouvelle fois le monde de ses possibilités

Déjà détentrice d’une dense et hétéroclite carrière qui pige autant dans le théâtre et le chant que dans la performance et le mouvement, l’artiste pekuakamilnu Soleil Launière pourra ajouter à ses réalisations, dès le 2 octobre prochain, la présence de son bébé d’un an sur scène. Avec les quatre représentations d’Aianishkat à l’Agora de la danse, l’artiste multidisciplinaire se livrera à un doux rituel intergénérationnel qui nécessite une préparation hors du commun.

« À cet âge-là, les bébés changent énormément d’un mois à l’autre! », s’exclame Soleil Launière en entretien avec Sors-tu?. « Pendant la dernière résidence de création, Maé-Nitei était à quatre pattes pour la première fois. On est en constante adaptation [rires]. »

Enceinte de sa fille, l’artiste se visualisait déjà sur scène à ses côtés. Un an et demi plus tard, l’Agora de la danse, en coproduction avec sa propre compagnie Auen, hébergera officiellement l’ambitieux projet. Sa mentore Rasili Botz, « qui a accouché il y a une trentaine d’années », et la contrebassiste Émilou Johnson, dont la musique guidera les actions d’Aianishkat, complètent la distribution de la pièce.

Apprivoiser l’incertitude

L’interprète a en main des lignes directrices pour la performance, des tableaux qu’elle veut voir se déployer, mais le mot d’ordre demeure l’adaptation. « Si je décide de m’installer quelque part sur scène avec Maé-Nitei pour lui chanter une comptine, je ne peux pas garantir qu’elle restera là, détaille Soleil Launière. Le but, c’est qu’elle veuille rester sur scène pour toute l’heure, mais on doit se préparer à plein de scénarios. »

À cette idée, l’artiste se sent en paix. L’inhabituel format d’Aianishkat ne semble pas la bousculer ou l’angoisser. « J’ai un long passé d’art performance. J’ai fait des performances de 24, 19 heures, indique-t-elle. Demain, j’en fais une de cinq heures. »

On ne peut pas tout planifier, mais on peut placer les pierres de notre intention, savoir de façon générale où on mettra les pieds.

Un fil qui traîne et qui crée une chute, un éclairage trop aveuglant, une sortie de scène de l’enfant après cinq minutes, ou simplement une mauvaise journée : il existe autant de possibilités que de minutes à la performance, si ce n’est pas de secondes. Un « chemin performatif » inscrit dans un décor qui peut « rappeler l’intérieur d’un ventre » est cependant censé donner envie à Maé-Nitei d’interagir avec l’environnement.

Il faut dire qu’à seulement 15 mois, elle est déjà bien à l’aise avec les tenants et aboutissants de la scène. « Elle vient à mes tests de son, à mes spectacles. Elle n’est jamais bien loin dans les coulisses, détaille la gagnante des dernières Francouvertes. Elle aime vraiment ça! »

Des segments chantés risquent fort de se glisser dans Aianishkat, nous glisse-t-elle d’ailleurs.

Dévoiler des « chemins racinaires »

La transmission intergénérationnelle est entremêlée à l’œuvre de Soleil Launière depuis des années, et ne revêtira simplement qu’un nouvel habit cette fois-ci. « Mon album [Taueu] est très multigénérationnel. On commence avec la poésie de Joséphine Bacon pour terminer avec le coeur de mon bébé dans mon ventre. »

Je veux voir vivre sur scène ces liens-là. C’est toujours à travers l’art que je suis allée puiser en moi pour créer ma spiritualité, mes rituels. Faire la passation de ma culture à ma fille, c’est donc aussi de l’inclure dans mon art, lui faire connaître ces espaces.

L’interprète mentionne vouloir « du doux ». Après s’être beaucoup concentrée sur les traumatismes intergénérationnels par le biais de son oeuvre, voilà le temps de la guérison intergénérationnelle. Une guérison qui passe par la transmission, d’où la conviction que détient Soleil Launière que « la fin du monde, c’est arrêter de faire des enfants ».

Bien au fait des chocs que cette vision peut créer avec certaines franges des mouvements écologistes, elle poursuit : « Chez les Premières Nations, on ne parle jamais de fin du monde. Comment parler de fin du monde quand on s’est déjà fait détruire de tellement de manières? Là, on est en train de revivre. »

Les billets pour les représentations d’Aianishkat des 2, 3, 4 et 5 octobre sont disponibles ici.


* Cet article a été produit en collaboration avec l’Agora de la danse.

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