L’OSM et la Passion selon saint Matthieu | Divin en diable!
La religiosité, en tant que pierre d’assise d’une œuvre comme la Passion selon saint Matthieu de Bach, pourrait pour les non-croyants que nous sommes devenus sembler obsolète et rebutante. Mais, il n’en fut rien à la Maison symphonique mercredi soir, de par le génie de la musique de Bach et la virtuosité de l’OSM dirigé par Kent Nagano.
La première Passion de Bach, celle selon saint Jean, avait répondu aux critères d’œuvres chorales basées sur des thèmes sacrés que l’on attendait de lui à cette époque où, comme en peinture, la religion dominait l’expression artistique. En 1725 ensuite, Bach allait remettre la Passion en musique, cette fois sur un livret de Christisan Friedrich Henrici, sous le pseudonyme de Picander, mais l’œuvre est perdue. Une Passion selon saint Marc verra le jour en 1731, mais l’œuvre est également perdue.
Avec un orchestre symphonique réduit (le piano n’existait pas encore), avec le chœur de l’OSM doublé à celui de 25 membres des Petits Chanteurs du Mont-Royal, et de grandes voix lyriques, Kent Nagano réussit le pari de faire renaître l’œuvre sous nos yeux, sans connotation religieuse autre que folklorique.
Ce qui retient l’attention au départ, c’est ce dispositif en forme de croix blanche qui sépare le chœur de l’orchestre. Comme une passerelle protégée du monde extérieur où se feront entendre les grandes voix du baryton Gordon Bintner en Jésus, et du ténor Julian Prégardien en Évangéliste. Ils seront sept chanteurs en tout, incluant la soprano Sarah Wegener et la basse Geoffroy Salvas en Ponce Pilate.
Fait intéressant à noter : le baryton canadien Gordon Bintner, formé à McGill, a déjà été vainqueur du convoité Grand Prix du Concours OSM. Sa voix riche et puissante lui a amené le rôle-titre du tout récent Don Giovanni de l’Opéra de Montréal. Promis à une longue et fructueuse carrière, Bintner se joindra la saison prochaine à l’Opéra de Francfort.
Geoffroy Salvas, lui, fait partie des artistes en résidence de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal, après des études au Conservatoire de musique de Montréal jusqu’en 2012, ce qui dans les deux cas est une excellente rampe de lancement. Quant à Prégardien, il fera partie de la folle aventure des « Schubertiades » qui consistent à offrir en concert l’intégrale des lieder de Schubert, ce qui le mènera jusqu’au Wigmore Hall de Londres.
Sans oublier Andrew Gray, nouvellement nommé Directeur musical et artistique des Petits Chanteurs du Mont-Royal, qui détient un bac ès arts spécialisé en musique et en art dramatique de l’Université de Birmingham. Lui-même chanteur et arrangeur, il a fait le tour de monde au cours des cinq dernières années avec l’ensemble a capella The Swingle Singers. Il a préparé les chœurs pour de nombreux chefs réputés, de Zubin Mehta à Jean-Pascal Hamelin.
Mais, bien de son temps, Andrew Gray a également dirigé des ensembles vocaux pour des artistes populaires, comme Cœur de Pirate, Les Trois Accords, The Beach Boys, Nikki Yanofsky, Marie-Mai, Malajube, Radio Radio, Sarah McLachlan, et même Roger Waters des Pink Floyd. Qui a dit que la musique a un âge?
Kent Nagano, dont le mandat de directeur musical de l’OSM vient d’être renouvelé jusqu’en 2020, a tout donné entre l’humain et le divin dans cette surprenante Passion de près de trois heures de bonheur. Mercredi soir, sa musique était si enveloppante et si délicieusement en harmonie avec les mélomanes que le concert aurait pu se prolonger à l’infini. À certains moments, on s’est sentis bercés par cette musique apaisante du Maestro Nagano, qu’on la veuille profane ou biblique, et le Sauveur, c’était lui entouré du meilleur de ses chanteurs et musiciens, avec la sonorité exceptionnelle de la Maison symphonique.
- Artiste(s)
- Orchestre Symphonique de Montréal
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Maison Symphonique de Montréal
- Catégorie(s)
- Classique,
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