Orchestre Symphonique de Montréal

Soirée russe éclatante à l’OSM

Petit voyage en Russie ce soir avec l’Orchestre Symphonique de Montréal, James Conlon et Denis Matsuev. Au programme : la Première Symphonie de Dmitri Chostakovitch, le 2ème Concerto pour piano de Serguei Prokofiev et des extraits de l’opéra La Khovanchtchina de Modest Moussorgsky.

Denis Matsuev, dont la venue était très attendue, a triomphé dans un concerto réputé comme l’un des plus difficiles techniquement du répertoire. Aucun doute : le pianiste maîtrise parfaitement son sujet et réussit à projeter un son « à la russe » mais jamais trop direct à l’autre bout de la salle. Composé pour un ami de Prokofiev qui s’était suicidé peu avant, l’oeuvre alterne des passages douloureux à l’extrême à d’autres plus fous ou d’autres encore, d’un intense lyrisme. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Matsuev s’amuse dans son interprétation dont la difficulté technique ne semble pas être un quelconque souci.

Au galot

Impressionnant d’un bout à l’autre, on peut cependant lui reprocher d’être un peu tombé dans l’autre extrême : celui de ne pas laisser le temps à l’oeuvre de respirer. Bien souvent en avance sur l’orchestre (par ailleurs dirigé de manière admirable par James Conlon) et le tirant toujours plus vite, on a quelques fois manqué de temps afin de diriger la richesse de la partition et par le même coup, on a assisté à des décalages regrettables. Matsuev a privilégié une version avant tout puissante, dramatique et implacable ce qui se justifie tout à fait mais qui, particulièrement avec l’OSM, aurait mérité un peu plus d’étirements à certains endroits. Une interprétation russe et endiablée donc mais peut-être légèrement excessive en ce sens.

En bis, le soliste nous a d’abord rendu une version complètement folle du final de la 7ème sonate pour piano de Prokofiev qui a fini par sombrer dans un désordre harmonique sur la fin, malgré une vélocité impressionnante. Il a ensuite proposé une improvisation non moins prodigieuse sur un thème d’Oscar Peterson, démontrant encore une fois à qu’il peut aussi être un show-man du piano.

Palette de couleurs

En première partie, on entendait la première symphonie de Chostakovitch qui, bien qu’elle soit une oeuvre de jeunesse, fait déjà entendre des sonorités audacieuses et des couleurs propres au compositeur. Utilisant le procédé cyclique, c’est une pièce variée, proposant des contrastes parfois violents. L’OSM s’en est très bien sorti, alerte aux demandes du chef d’orchestre dont on voit qu’il est un habitué de la musique russe. On a pu regretter quelques lourdeurs dans le premier mouvement et un troisième mouvement un peu trop lent par moment, ce qui lui faisait manquer de direction et de souffle. De manière générale cependant, l’ensemble a été solide et la qualité des solistes plus que satisfaisante.

Mais c’est véritablement dans les extraits de l’opéra de Modest Moussorgsky, orchestré par Chostakovitch à la suite du décès du compositeur, que Conlon a pu faire ressortir tout le panel des couleurs de l’orchestre. En effet, c’est un OSM transfiguré, éclatant et investi que l’on a pu entendre dans ces remarquables pièces qui ont clôturé un concert de grande qualité. La polyphonie et la richesse des timbres fut une belle surprise, la qualité des solos des différents instruments le fut encore plus.

L’orchestre a résonné, s’appropriant véritablement ces quatre extraits dont les sonorités sont typiquement russes et ne vont pas sans rappeler les Tableaux d’une Exposition, signé Moussorgsky également (et dont la version orchestrale est de Maurice Ravel). On espère pouvoir retrouver rapidement James Conlon à la tête de l’OSM car ses facultés de coloriste ne sont plus à prouver et ne risquent pas d’être oubliées de sitôt par le public montréalais.

Le concert se donne encore jeudi 17 et vendredi 18 novembre.

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