Rencontre avec Rymz | Poésie solaire
À la veille de la sortie de son nouvel album Mille Soleils, Sors-tu.ca a eu l’occasion de rencontrer le rappeur Rymz, un artiste authentique et talentueux qui parvient à garder les pieds sur terre malgré une notoriété qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Poète avant d’être rappeur, il nous parle de sa vision du rap québécois, de la réflexion qui a accompagné Mille Soleils et de ses projets pour l’avenir.
On ne peut être qu’impressionnés face au processus de création de Rymz : Mille Soleils, qui sera disponible dès demain, représente son 4ème album en moins de trois ans, après la sortie de ses albums Indélébile (2014), Petit Prince (2016) et Amsterdam (réalisé en duo avec le rappeur Souldia en 2016). En octobre, il décrochait le prix du public au Gala de l’ADISQ, une récompense hautement symbolique pour l’artiste. « Si j’avais à choisir un prix, c’était celui-là, parce que c’est le public qui choisit et pas les membres de l’industrie », nous confie-t-il lors de notre rencontre avec lui, au Café Parvis près du quartier des spectacles.
Si les médias ne semblaient pas l’avoir remarqué jusqu’à l’année dernière, la sortie de Petit Prince a permis à Rymz d’accéder à une visibilité et à une reconnaissance qu’il avait largement méritées. « C’était cool d’être enfin pris au sérieux. Ce que ça a changé, c’est qu’on a pu se donner les moyens de nos ambitions ». C’était alors l’occasion pour le rappeur et son équipe de ne plus se limiter à de petits budgets mais d’aller au bout de leurs envies, en réalisant par exemple de très beaux clips comme Nouvelle Drogue, la première chanson de l’album révélée la semaine dernière :
Esthétique très élaborée et identité visuelle singulière : aucun détail n’est négligé par l’artiste, qui choisit une nouvelle fois Patrick Antoniewicz pour représenter ses titres. Le seul regret de Rymz pour cette vidéo ? Qu’il soit « trop hétérosexuel » : il nous confie qu’il aurait vraiment souhaité prendre position en représentant un couple homosexuel, ce que peu de rappeurs osent faire. On fait confiance à Rymz pour garder cette idée à l’esprit et la réaliser prochainement.
Rythme et poésie
Ce qui est captivant dans les titres de Rymz, c’est son approche bien spécifique du rap. « Pour moi, le rap à la base c’est rythme et poésie, et ça on a comme tendance à l’oublier ». Il fonde alors chacune de ses créations sur ces deux éléments, nous offrant une diversité de styles exceptionnelle : d’un rap incisif posé sur des beats furieux à des textes réflexifs articulés autour de rimes, d’allitérations et de touches R&B. Il nous explique qu’il veut « aller où les autres rappeurs ne vont pas, tant au niveau du style que des textes ». Il veut aussi participer à changer l’image du rap dans l’inconscient collectif :
Le rap, ça reste pour les gens une musique un peu marginale, dont ils ont peur de s’approcher. Mais là c’est en train de changer avec des groupes comme Alaclair Ensemble, ou Koriass… On montre que c’est pas juste de la drogue, des « bitchs », pis… des mauvais mots, de la vulgarité.
Rymz est un artiste qui fonctionne par « boosts », il peut ne pas écrire pendant plusieurs semaines puis s’enfermer au studio sur une impulsion et y rester jusqu’à ce que le titre soit enregistré. Ce sont les artistes qui l’entourent qui l’inspirent pour ses chansons : quand NeoWide ou Shash’U lui proposent une bande-son, Rymz va se concentrer sur l’émotion qu’elle lui transmet et baser son texte là-dessus. « C’est toujours émotionnel, ça part vraiment de comment je me sens quand j’entends la musique ».
Trop-plein de lumière
On s’interroge alors sur les émotions qui l’ont traversé lorsqu’il créait Mille Soleils, un album au titre particulièrement énigmatique. « Ça représente qu’on veut vivre de façon lumineuse, comme mille soleils, passionnément » nous explique le rappeur. Il s’agit néanmoins d’une expression à double tranchant : « il y a le côté festif, parce qu’on veut briller mais aussi tout le côté caché, parce que mille soleils c’est trop de lumière, ça finit par nous brûler ». Il ne pose jamais de jugement dans ses morceaux, n’impose jamais de réponses claires mais pose des questions : pourquoi consommer autant alors qu’on pourrait s’amuser autrement ? Pourquoi porter un masque au lieu d’être nous-mêmes, tout simplement ?
Grâce à une observation fine et à une plume acérée, il analyse ce qui l’entoure tout en invitant à un certain lâcher-prise. Un homme de contradictions donc, capable d’adopter une attitude assez agressive envers la gente féminine dans certains titres, tout en abordant fréquemment le thème de l’amour, n’hésitant pas à flatter les femmes (« J’ai une femme de rêve, elle a une âme de reine » dans Nouvelle Drogue) et à se présenter dans une position plus vulnérable (« L’amour est un mystère et j’suis si bien dans son labyrinthe / Admirez-moi sombrer dans les abysses de nouveaux flirts / tout ça pour m’éloigner du mot suicide ou du mot meurtre » dans Mille Soleils).
Lexique sexiste ?
Il a néanmoins réalisé avec cet album qu’il utilisait souvent des « termes péjoratifs » qui, au premier abord, semblent clairement désigner les femmes. Il tient alors à justifier l’emploi de termes comme « bitch » ou « salope ». Pour lui, « ça fait partie de notre vocabulaire, il ne faut juste pas l’employer en parlant d’une femme en fonction de son comportement ». D’ailleurs, il l’utilise principalement pour parler des hommes, ça définit donc pour lui un comportement en général, pas une critique réservée aux femmes.
Mais je pense que ça va être de moins en moins présent dans mes textes, parce que j’ai comme réalisé que je l’employais beaucoup, et ça me dérange un peu pour être franc.
On devine alors que l’artiste a déjà une idée assez précise de la manière dont il souhaite évoluer après cet album. D’abord, il veut absolument continuer son travail d’éducateur dans un foyer pour enfants, un engagement prioritaire à ses yeux. Ensuite, il souhaite « faire une musique qui reach [ses] aspirations artistiques, ce qui représente un gros travail d’écriture, de temps consacré ». Enfin, il souhaite poursuivre ses tournées, et les étendre à toute la francophonie pour rencontrer de nouveaux publics, partager de nouvelles émotions.
Celui qui se fait appeler « le Renard » a encore réussi à se surpasser avec ce nouvel album. Son lancement se tiendra au Club Soda ce samedi 18 novembre, dans le cadre de M pour Montréal, avec David Lee en première partie. Billets par ici.
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