Yuja Wang

Yuja Wang à la Maison Symphonique | Entre prouesses techniques et simplicité musicale

Hier soir s’est tenu le très attendu récital de Yuja Wang, superstar du piano classique depuis une dizaine d’années, lorsqu’elle remplaça Martha Argerich dans le Concerto pour piano n°1 de Tchaikovski avec le Boston Symphony Orchestra sous la direction de Charles Dutoit. La pianiste est notamment connue pour sa technique d’une exceptionnelle vélocité et souplesse alliée à un sens musical moderne.

Habituée à sillonner les plus grandes salles du monde, dans des tenues anti-conformistes, la jeune femme a signé en 2009 un contrat d’exclusivité chez Deutsche Grammophon, prestigieuse maison de disques.

C’est donc avec des compositeurs russes (Rachmaninov, Scriabin, Prokofiev) et un invité surprise (Ligeti) que la pianiste a fait ses débuts à Montréal. L’entame du concert — 7 pièces de Rachmaninov (Préludes et Études-Tableaux) — fut un peu fébrile mais surtout gâchée par les applaudissements agaçants du public entre chaque pièce, brisant l’ambiance passionnée et enflammée de la pianiste. Capable de moments très poétiques comme dans le Prélude en si mineur, Yuja Wang n’hésite pas à exposer la technique impressionnante qui la caractérise, sans aucune arrogance et avec une gestion de la détente saisissante. La pianiste interprète avec beaucoup d’assurance tout son programme, maîtrisant chaque geste, mais on regrette le peu de place laissé à la surprise et à la prise de risques.

Sa sonate de Scriabin (n°10 op.70) apporte cependant quelques étonnantes couleurs complètement planantes et étranges qui correspondent très bien à la partition. De ces curieuses harmonies émergent des trilles et motifs thématiques qui scintillent sous les doigts de la pianiste. Puis suivent trois épineuses études de Ligeti, un compositeur de nationalités roumaine et hongroise qui a expérimenté de nombreuses superpositions rythmiques dans son travail. Le jeu de Yuja Wang se fait plus clair et compréhensible que dans Rachmaninov. Le tout est exécuté avec grande précision et dans une atmosphère plutôt glaciale voire grinçante qui convient bien à ce genre de musique, mais manque encore une fois des occasions de créer des ambiances tout à fait magiques.

Nous en donner toujours plus

En seconde partie, Yuja Wang a choisi d’interpréter la sonate pour piano n°8 de Prokofiev, issue du cycle des Sonates de guerre. Encore une fois, l’utilisation de la technique est réfléchie et dynamique, sans pour autant forcer le son. Yuja Wang comprend facilement Prokofiev, un compositeur qu’elle interprète avec beaucoup d’audace et d’aisance. Quelques regrets cependant dans le traitement du médium du piano, souvent éteint et qui aurait mérité un peu plus d’attention et d’écoute. La pensée musicale de l’interprète mise surtout sur la simplicité et non l’effervescence, qui vient naturellement avec ses exploits virtuoses.

Et c’est pas moins de quatre fois que la pianiste, après cet énorme récital, est venu se rasseoir au piano pour offrir toujours un peu plus de spectaculaire. Tout d’abord avec la Romance sans paroles op.67 n°2 de Mendelssohn, un petit moment de douceur et de répit après l’immense Prokofiev. Puis les Variations sur un thème de Carmen dans un arrangement d’Horowtiz et la célèbre Marche Turque de Mozart, revue par Yuja Wang elle-même. Et pour clore le tout sur une note plus apaisée, la mélodie d’Orphée et Eurydice, arrangée par Sgambati.

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