crédit photo: Marie-Claire Denis
Will Butler

Will Butler au Théâtre Fairmount | Le sens du show et du refrain accrocheur : la recette d’un concert jouissif

Will Butler arrive sur scène, habillé en mode hipster (pantalon trop court, chaussures pas de bas, frange…) et visiblement heureux de retrouver son ancien quartier et ses amis. Il part enfin en tournée après la pandémie à la suite de la sortie de son dernier album Generations en 2020 et avec deux nouveaux titres sous le bras.

L’héritage Arcade Fire

Will Butler est un ancien membre permanent du collectif aux origines montréalaises Arcade Fire, pour ceux qui ne le sauraient pas, et qu’il a quitté il y a quelques mois après près de 20 ans de service. Il est aussi le petit frère de Win Butler, le leader d’Arcade Fire.

Avec un héritage aussi lourd et présent, il est inévitable de faire des parallèles avec son ancien groupe tout au long de cet article mais je vais essayer de mettre de détacher sa propre personnalité de son illustre passé.

Le solide groupe qui l’accompagne est composé de Julie Shore (femme de Will) aux claviers et à la guitare, Julie Shore (sœur de Julie) aux claviers, Sara Dobbs également aux claviers et de Miles Francis à la batterie et à la boîte à rythmes. Et tout ce beau monde chante de très belle façon, avec entrain et plaisir, pour nous livrer des chœurs de fort belle tenue et ajouter de la profondeur aux chansons. Oui, Will a aussi sa femme sur scène mais celle-ci chante juste au moins…

Will Butler chante et joue de tout. Il est particulièrement présent à la guitare ce soir avec ses riffs efficaces, mais son jeu de basse nous est aussi présenté, diablement efficace et groovy à souhait.

Croyez-le ou non, mais après avoir vu des centaines de concerts à Montréal, c’est la première fois que je mets les pieds dans le Théâtre Fairmount ! Une configuration toute particulière pour cette salle toute en longueur avec un petit plancher de danse devant la scène et des tables sur le côté, comme si c’était une ancienne salle de bowling. Après vérification, le Duke y est absent.

Surprenamment, ce n’est pas la foule des grands soirs, surtout pour un vendredi, mais au moins, les personnes présentes se sont massées devant le stage pour danser.

J’avais découvert le travail solo de Will Butler avec le titre accrocheur Anna tiré de son premier effort solo Policy paru en 2015 par l’excellent et regretté balado montréalais anglophone Midnight Poutine – d’ailleurs, si vous avez conservé des fichiers de Midnight Poutine, je serais heureux de les écouter à nouveau.

Bête de scène

Après quelques morceaux, notre homme est déjà couvert de sueur. Avec ses déhanchements et ces manières aux micros, il a toute une présence et les centaines de concerts qu’il a donnés avec sa précédente assignation font ressortir toute son aisance et sa prestance, basculant avec facilité entre les divers instruments et toujours avec le riff accrocheur.

Revers de la médaille, les fantômes d’Arcade Fire sont bel et bien présents. Après 20 ans de scène avec eux, ça se comprend. Mais avec une carrière en solo au son bien personnel et distinct, je m’attendais à y retrouver plus de sa personnalité sur scène, mais vu qu’il livre la marchandise sur scène au-delà des attentes, on ne se plaindra pas.

Avec un set d’une heure dix minutes et une quinzaine de titres plus un rappel, c’est un concert court mais intense, avec des morceaux qui s’enchaînent rapidement. Will Butler est aussi un musicien de son temps avec des titres aux influences bien digérées, très 80’s comme la New Wave, le groupe Television, les Talking Heads, le disco…

Ses trois claviéristes s’échangent les différents synthés et sont toujours efficaces et solides même si les arrangements sont relativement dépouillés. La maitrise des voix des trois femmes et le fun noir qu’elles ont, fait passer le concert à la catégorie supérieure, ceux dont on se sent privilégié d’y assister.

Pour écouter le nouveau titre de Will Butler, A Stranger’s House :

 

Les chansons de Will Butler ne sont pas les compositions les plus sophistiquées que l’on aura entendu et on n’évite pas certains clichés de son ancien groupe (les refrains à reprendre tous ensemble dans un stade à base de ouuuuh et autres lalalas, les crescendos pour finir un titre très fort et en puissance…).

Mais il faut l’admettre et le redire : Will Butler est un compositeur terriblement efficace avec un sens de la mélodie pop et du refrain accrocheur capable de nous pondre des vers d’oreille à la tonne. Avec un sens de la scène et du spectacle, il nous livre un concert jouissif et parfaitement réussi. La prochaine fois, soyez-en!

En ouverture de la soirée : River L. Ramirez

Arrivée sur scène devant la trentaine de personnes présentes et dans une indifférence glaciale, River demande quelques traductions en français pour nous refaire une entrée bien plus chaleureuse et en français, s’il vous plaît ! River L. Ramirez est une artiste américaine pluridisciplinaire, comédienne, écrivaine, dessinatrice et musicienne. C’est son expérience de comédienne qui lui permet de réchauffer la salle par des interludes, drôles et décousues, là où bien des premières parties se seraient effondrées.

Elle nous présente ce soir trois morceaux joués sur une petite guitare acoustique au son noyé de reverb et de vibrato – j’ai hâte que cette mode passe rapidement à d’autres choses… Ce sont des morceaux plutôt naïfs et intimistes qui décrivent des rencontres ambiguës. La deuxième partie du show est une longue performance plus techno minimaliste avec sa voix mise en boucles sur des pistes préenregistrées, une performance réussie mais moins riches que ses titres acoustiques.

J’avoue avoir été touché par la fragilité du propos qui contraste avec la personnalité bulldozer de Ramirez. Avec un peu de maturité et d’arrangement, je pense qu’elle a matière à nous livrer un album vraiment intéressant dans les prochaines années.

 

 

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