crédit photo: Yanick Macdonald
Un coeur habité de mille voix

Un coeur habité de mille voix à l’Espace GO | La génération passée se bat pour les générations à venir

La pièce Un cœur habité de mille voix est tirée du livre éponyme écrit par Marie-Claire Blais, publié en 2021. Kevin Lambert en signe l’adaptation, dans une mise en scène de Stéphanie Jasmin et Denis Marleau. Le récit engagé est présenté à l’affiche d’Espace Go jusqu’à la fin du mois d’avril.

Dans ce récit, René (joué par Jean Marchand), un homme transgenre de 93 ans, approche la fin de sa vie. Il se remémore, avec son amie Louise, leurs années de jeunesse, leurs relations, leurs combats pour la liberté et contre l’homophobie. Alors que René se fait vieux, il compte revoir une dernière fois son ancienne «bande» de filles, avec lesquelles il s’est battu contre les inégalités.

* Photo par Antoine Raymond.

Le combat sans relâche des activistes pour un monde meilleur

Un cœur habité de mille voix montre l’importance du militantisme pour l’avancée des droits des minorités et l’espoir d’un monde où tout le monde serait traité de façon égale peu importe leur genre, orientation sexuelle ou origines…

Louise (Christiane Pasquier), l’amie de René, fait voyager René et le public dans le temps, pour retourner à l’époque où René et son groupe d’amies étaient jeunes, l’homophobie était courante, et le petit groupe militait et se mobilisait pour défendre les droits des personnes queers.

Les inégalités étaient encore plus flagrantes à l’époque, l’homophobie était loin d’être cachée et le monde n’était pas un endroit où les membres de la communauté LGBTQ+ pouvaient vivre librement et sans tabou en sécurité, la plupart choisissaient de cacher leur vraie identité pour se protéger.

Grâce au combat de René, de ses amies, et de nombreuses autres militantes et militants féministes et défenseurs des droits LGBT, le monde est un endroit un peu plus sûr pour ces minoritaires. L’homophobie est tout de même toujours présente, pour René il est clair que ce n’est pas le moment d’arrêter de manifester et de combattre ces injustices.

La pièce souligne l’importance des actions des anciens pour les générations futures. Il faut qu’ils continuent à se battre et à manifester, même en étant âgés, pour passer le flambeau aux plus jeunes générations et pour que le militantisme ne s’arrête pas.

* Photo par Antoine Raymond.

La place de la transidentité

Bien que le personnage principal de la pièce soit une personne transgenre, son parcours et les difficultés qu’il a pu affronter ne sont que très peu mentionnés. Le récit se concentre majoritairement sur les amies de René, des femmes lesbiennes qui ont dû se battre pour avoir le droit de s’aimer. Et bien qu’il soit important de parler de ce sujet, il est dommage que cela prenne le dessus et «efface» le parcours de René.

Il aurait été intéressant de savoir comment René s’est rendu compte de sa transidentité, alors que cela peut être un sujet tabou, en particulier à l’époque où René a grandi. Connaitre le parcours et les défis auxquels René a dû faire face au cours de sa vie en tant qu’homme transgenre aurait été intéressant. Alors que de plus en plus de gens sont sensibilisés aux enjeux que les personnes homosexuelles ont pu rencontrer dans le passé et rencontre toujours, les enjeux des personnes transgenres restent moins connus du grand public.

Quelques difficultés sont quand même mentionnées : un séjour dans un hopital où l’homme se faisait traiter comme une femme, une infirmière à domicile qui commet des maladresses en parlant du corps de son patient, les difficultés à s’accepter, etc.

Mais toutes ces informations restent en surface ; ce sont des phrases, des mots que le public entend, sans que les personnages ne rentrent dans les détails.

Une mise en scène intrigante

Quand le public entre dans la salle, deux personnages sont déjà présents sur scène, René, allongé sur son lit, on peut deviner qu’il est mourant, et un jeune homme, le caméraman (Victor Cuellar), assis sur le rebord du lit. Tout est blanc et paisible dans l’appartement de René.

* Photo par Yanick Macdonald.

Lorsque les personnages parlent, on entend par moment les didascalies, les pensées et souvenirs des personnages, ils disent à voix haute comment ils se sentent et regardent les choses. Cela donne un aspect très écrit, peu naturel et pourtant cela fonctionne, le public peut avoir l’impression de lire le livre en regardant la pièce.

Au-delà du côté roman et de la pièce, le public a parfois l’impression d’assister au tournage d’un reportage. Un caméraman se déplace sur la scène et filme certains des personnages, leur visage projeté sur le mur au fond de la salle. Cela montre qu’il est important de se souvenir de ce que les anciennes générations ont fait pour la génération actuelle et pour celles qui suivront. Sans leurs combats, les droits des personnes queers et des femmes seraient bien moins avancés aujourd’hui.

La pièce démontre qu’il était important de se battre à l’époque où les droits des personnes queers étaient presque inexistants, mais qu’il faut encore se battre aujourd’hui pour garder ces droits et améliorer les conditions de vies des personnes de la communauté LGBTQIA+. La lutte pour un monde plus juste et plus tolérant est un combat intergénérationnel qu’il ne faut pas abandonner tant qu’il y a des personnes menacées ou qui ne peuvent pas vivre librement à cause de leur genre, leur orientation sexuelle, etc.

Un coeur habité de mille voix est à l’affiche d’ESPACE GO du 2 au 28 avril 2024. Détails et billets par ici.

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