crédit photo: Jesse Di Meo
Tom Jones

Tom Jones au Théâtre St-Denis | Quoi de neuf, mon minou?

Il ne reste plus beaucoup d’artistes des années 1960 que l’on peut encore voir à l’oeuvre en 2022. Le temps presse, il faut les attraper quand on peut, si on veut éviter une situation à la James Brown…

Dans mes premières années de journaliste culturel, pour le quotidien Le Droit à Ottawa, on m’avait donné une affectation particulièrement imposante mais stimulante : interviewer James Brown ! Le Godfather of soul devait venir jouer au CNA au début janvier, et une entrevue téléphonique était prévue avec lui le 26 décembre, en plein durant les vacances des Fêtes des journalistes syndiqués. Le petit nouveau surnuméraire, qui est de garde durant les vacances des plus expérimentés du journal, se voit donc confier ce mandat spectaculaire ! Le rêve !

Or, à mon arrivée au bureau le 26 décembre en matinée, lors de mes petites retouches de recherche à la dernière minute quelques heures avant l’entrevue, j’apprends la nouvelle : James Brown est mort le 25 décembre.

Vous avez bien lu : James Brown est mort la veille de mon entrevue avec James Brown…

Cet amer souvenir me rappelle, de temps à autres, qu’il faut profiter des occasions de voir à l’oeuvre (ou d’interviewer) les artistes vétérans avant qu’il ne soit trop tard. C’est dans cet esprit que je me suis laissé tenter par l’invitation d’aller couvrir le spectacle de Tom Jones au Théâtre St-Denis mercredi soir.

Bien entendu, j’aurais préféré voir Tom Jones en spectacle dans les années 1960, à son plus fringant.

Ou dans les années 1990, quand Les Simpsons et Mars Attack! l’ont remis sur la carte.

Ou au début des années 2000 dans la foulée de Sex Bomb.

Mais j’étais soit pas encore vivant, ou pas encore en âge de payer le gros prix pour voir un artiste plus ou moins actuel.

Et puis, Tom Jones n’était pas venu à Montréal depuis des lunes. Dix-huit ans, selon Setlist.fm.

À ce rythme-là, s’il revient un jour à Montréal, ce sera pour sa tournée entourant son 100e anniversaire…

Parce que oui, Tom Jones a 82 ans. C’est pas jeune.

Et ça paraissait lorsqu’il est arrivé sur scène à l’aide d’une canne, et s’est immédiatement assis sur un petit tabouret, pendant que les gens dans la salle, eux, se levaient tous debout pour l’acclamer.

Il a besoin d’une nouvelle hanche, le beau crooner britannique. C’est ce que lui a dit un médecin allemand, mais l’artiste a préféré repousser l’inévitable chirurgie, puisqu’il avait d’abord dune tournée nord-américaine à faire.

Alors il donne des spectacles aux quatre coins de l’Amérique, à 82 ans, assis sur un tabouret.

Mais il a ce qu’il faut pour compenser : du charisme à revendre, une vivacité d’esprit étonnante pour son âge, et surtout, une voix impeccable.

C’est pour ça que je suis là, un mercredi soir, 22 ans après Sex Bomb et 58 ans après It’s Not Unusual. Je voulais entendre sa voix en personne, son timbre si singulier résonner dans l’enceinte du Théâtre St-Denis. Et on a été servis !

Je n’avais pas porté attention à son plus récent album, Surrounded By Time, même si celui-ci a atteint le sommet des palmarès en Europe, ce qui en fait l’artiste le plus âgé à atteindre la position #1 des ventes de l’histoire du Royaume-Uni ! Tout ça pour dire que je ne l’ai quand même pas écouté au préalable, mais force est d’admettre qu’au point où il en est dans sa vie, des chansons comme I’m Growing Old et Not Dark Yet, qui évoquent la vieillesse avec sérénité, lui vont comme un gant.

Mais ce n’était qu’une mise en bouche avant la grosse gomme : une version acoustique (congas, guitare acoustique et accordéon) de It’s Not Unusual dès la troisième chanson, suivie de l’amusante valse What’s New Pussycat?, et pas longtemps après, d’un Sex Bomb bien cochon !

À peine trente minutes sont passées, et on a déjà servi les trois plus gros hits ?  Jouera-t-il moins d’une heure ?  Sinon, que nous sortira-t-il de son chapeau pour faire lever la foule à ce niveau par la suite ?

Pas de souci. Tom Jones est un vieux pussycat aguerri, et il sait très bien comment mener un spectacle. Ça se poursuit donc avec plusieurs reprises, bien choisies, dont One More Cup of Coffee de Bob Dylan, et un Tower of Song de Cohen que la foule a semblé ne pas reconnaître…

Mais voyons, Montréal, ça va pas ?  Une réaction aussi timide pour la magnifique voix de Tom Jones qui nous chante le « I was born like this, I had no choice / I was born with the gift of a golden voice » de notre regrettée fierté locale ?  C’était sans doute la seule déception de la soirée. Honte à toi, foule inculte !

Ce même public quasi-indifférent pour un grand moment à saveur local, s’est toutefois soulevé d’enthousiasme pour la suivante : Delilah. C’est là qu’on se rappelle qu’il ne manque pas de succès au répertoire de Tom Jones !

La finale sera tout de même toute en reprises, pigeant dans le rock’n’roll des années 1950, comme un voyage dans le temps où, croyez-le ou non, notre chanteur était un adolescent devenu père de manière précoce !  Il nous servira, en souvenir de ce bon vieux temps, Strange Things Happening Every Day de Sister Rosetta Tharpe, Johnny B. Goode de Chuck Berry, et Great Balls of Fire de Jerry Lee Lewis.

Il nous a quitté, après près de deux heures de spectacle, en promettant de revenir nous voir. Avec une hanche neuve. On verra bien.

Une chose est sûre, quoi qu’il arrive, j’aurai eu l’occasion d’entendre la magnifique voix dorée de Tom Jones en personne, à défaut d’avoir pu entendre celle de James Brown au bout du fil il y a 16 ans.

 

Grille de chansons

I’m Growing Old
Not Dark Yet
It’s Not Unusual
What’s New Pussycat?
The Windmills of Your Mind
Sex Bomb
Popstar
Green, Green Grass of Home
One More Cup of Coffee (Valley Below) (reprise de Bob Dylan)
Talking Reality Television Blues
I Won’t Crumble with You If You Fall
Tower of Song (reprise de Leonard Cohen)
Delilah
Lazarus Man
You Can Leave Your Hat On (reprise de Joe Cocker)
If I Only Knew
Kiss (reprise de Prince)
One Hell of a Life
Lawdy, Miss Clawdy
Strange Things Happening Every Day
Johnny B. Goode (reprise de Chuck Berry)
Great Balls of Fire (reprise de Jerry Lee Lewis)

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