Theatre of Dreams à la Place des Arts | Hofesh Shechter fait danser les rêves
Avec Theatre of Dreams, présenté du 4 au 8 novembre au Théâtre Maisonneuve présenté par Danse Danse, Hofesh Shechter fait basculer la scène dans un rêve éveillé. Cette création monumentale, née pour les Jeux olympiques de Paris 2024, offre une expérience viscérale où la danse devient à la fois célébration, exutoire et vertige collectif.
Ce mardi 4 novembre, malgré la grève paralysant le réseau de la STM, le public s’est déplacé en nombre pour assister à Theatre of Dreams. Dans la salle, les lumières restent allumées. Les conversations continuent, les chuchotements emplissent l’espace. Un fond sonore discret s’installe sous le brouhaha. Sans prévenir, un homme apparaît parmi le public et monte sur scène. Il faut quelques secondes pour que l’assemblée comprenne, se taise, puis que les lumières s’éteignent enfin. Le spectacle peut commencer.
Une transe collective
Dès lors, le Théâtre Maisonneuve devient un espace flottant où la conscience vacille. Entre fête et fin du monde, Shechter orchestre une plongée sensorielle dans un rêve échappant à toute logique mais jamais à l’intensité.
Le mouvement se propage comme une onde. Les onze interprètes alternent crispation et abandon. Une gestuelle viscérale, presque animale, envahit la scène. Chaque geste semble répondre à une pulsion, comme si les corps cherchaient à libérer une énergie enfouie depuis toujours. Cette tension collective confère à la pièce sa force hypnotique.
La structure échappe à toute narration classique : une succession de fragments, de visions éclatées, mêlant processions frénétiques, scènes lascives, élans grotesques ou tragiques. Des images de l’évolution humaine surgissent, comme une arche de Noé hallucinée. Le corps devient symbole, traversé par l’histoire de l’humanité.
Une brève scène de nudité évoque le mythe originel, entre honte et liberté. Le corps nu se fait miroir de l’âme, fragile et universel.
Le rythme comme moteur vital
La musique, jouée en direct par trois musiciens vêtus de rouge, agit comme un second souffle. Percussions puissantes, guitare, saxophone et flûte composent une trame sonore en tension constante entre violence et douceur. Shechter signe lui-même cette partition mouvante, où chaque rupture semble résonner avec celle des corps.
Une parenthèse de bossa nova, inattendue, suspend le chaos avant que la tempête ne reprenne. Ces contrastes renforcent la sensation d’un rêve en mutation perpétuelle, entre apaisement trompeur et explosion sensorielle.
Un espace en métamorphose
Sur scène, les rideaux deviennent matière vivante. Noirs, lourds, mouvants, ils s’ouvrent et se referment sans cesse, sculptant l’espace en une succession de visions. Tantôt murs, tantôt voiles, ils abritent, révèlent ou effacent les interprètes, comme si la scène respirait au rythme du spectacle.
La lumière, signée Tom Visser, accentue cette dimension hallucinée. par des halos brumeux, des faisceaux tremblés, des éclats rouges ou dorés. Le public flotte entre confusion et clarté, pris dans un rêve qui se recompose à chaque instant.
Les costumes, simples mais festifs, accompagnent cette dérive vers l’imaginaire. Jeans, chemises, robes ou paillettes : le banal se fissure pour laisser place à la démesure. L’ordinaire se mue en fête. Le vêtement reflète la vitalité d’un groupe en pleine transe. Car Theatre of Dreams n’est pas qu’un voyage dans le subconscient : c’est aussi une fête, un cri de vie dans tout ce qu’elle a de beau et de laid.
Quand le rêve déborde
Dans un basculement progressif, la salle est invitée à entrer dans la danse. Les lumières se rallument et la frontière entre scène et public s’efface. La salle toute entière se fond dans la même énergie.
Tout palpite dans Theatre of Dreams : le chaos, la peur, la fatigue du monde, l’espoir de recommencer, la joie. Déroutant par sa fragmentation, le spectacle impressionne par sa cohérence intérieure: celle d’un rêve qu’on ne comprend pas toujours, mais qu’on ressent pleinement.
Lorsque le dernier jeu de rideau apparaît et que la dernière note s’éteint, la salle se lève d’un seul élan. Standing ovation nourrie, applaudissements prolongés, saluant les interprètes et le chorégraphe présent. Theatre of Dreams agit comme un miroir : celui de nos dérives, de nos désirs, et de ce besoin de mouvement qui, même dans le chaos, nous maintient vivant.
À voir au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts jusqu’au samedi 8 novembre. Billets et détails par ici.
- Artiste(s)
- Hofesh Shechter Company - Danse Danse, Theatre of Dreams
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Théâtre Maisonneuve
- Catégorie(s)
- Danse,
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