
The One Love Project au Centre d’art La Chapelle | Un hommage à Bob Marley qui se perd en chemin
Le spectacle hommage à Bob Marley and the Wailers présenté par The One Love Project, collectif de musiciens montréalais mené par Dano Peace, promettait une immersion dans l’univers du roi du reggae. Mais ce qui aurait pu être un moment vibrant d’amour et de communion musicale s’est transformé en une expérience étrange, confuse, presque déroutante.
Sous les projecteurs, les musiciens font leur entrée, tous vêtus de blanc. L’intention est belle : la pureté, la paix, l’unité. Sur scène, un saxophone attend d’être caressé, les musiciens s’installent doucement, et Dano Peace s’avance, prêt à porter l’esprit de Marley. Mais dès les premières minutes, quelque chose cloche. Le ton n’est pas incertain, il est trop. Trop théâtral, trop chargé, trop appuyé. La posture se veut habitée, mais devient presque une caricature. L’homme au centre semble possédé par une énergie qu’on ne comprend pas. Son corps se tord, ses cheveux, si long qu’il doit les ranger dans sa poche, deviennent presque des entraves à ses propres mouvements.
Sa voix est belle, indéniablement. Mais ce n’est pas une voix de reggae. Elle manque de ce grain, de cette chaleur brute, de ce relâchement naturel qui fait vibrer la musique de Marley dans les tripes. Et pourtant, Dano Peace s’y accroche, modifie, reformule, transforme. Il reprend les grands classiques, Jamming, Get Up Stand Up, Is This Love, Buffalo Soldier, mais les dénature, les arrache de leurs racines jamaïcaines pour les tremper dans une sauce aux accents étranges. Parfois, il traduit certains vers en français, brisant le rythme, affaiblissant le message.
« Why I don’t know » devient « pourquoi, je ne le sais pas ». Et tout s’effondre.
Le public, lui, reste tranquille. Plusieurs têtes se balancent, des lèvres murmurent des refrains familiers, mais la flamme ne prend pas. On s’attendait à sentir le sol vibrer, à respirer cette liberté propre au reggae, à voir des jeunes, des rêveurs, des amoureux de la vie, danser au son des tambours et des guitares. À la place, c’est un public plus âgé, posé, presque nostalgique, qui assiste poliment à la scène. Les sourires sont timides, les regards parfois perdus. Ce n’est pas la transe joyeuse de One Love, c’est une observation tranquille, sans feu.
Sur scène, le collectif manque d’unité. Les musiciens semblent chacun dans leur bulle, concentrés, mais sans réelle synergie. À la guitare, à la basse, à la batterie, tout est juste, mais sans passion partagée. Le seul qui semble vraiment vivre la musique, c’est le claviériste. Ses gestes, sa tête qui balance, son regard fermé sur un monde intérieur : lui, il y est. Lui, il ressent. Lui, il fait corps avec les notes, avec l’instant.
Quant à Dano Peace, il parle peu entre les chansons, enchaîne des phrases qui semblent récitées par automatisme, comme des formules qu’il répète sans ne plus y croire. Son débit est saccadé, son ton trop appuyé. On ne sait plus s’il cherche à rendre hommage ou à mettre en scène. Par moments, il personnifie Marley, reproduisant ses pas, ses mouvements de bras, sa transe… mais sans la sincérité qui habitait le maître. On a plutôt l’impression de voir un acteur qui rejoue un rôle qu’il n’a jamais vraiment compris.
Et pourtant, il y croit. À la fin, il remercie le public, dit que cela fait dix ans qu’ils rendent hommage à Bob Marley, qu’il est heureux, fier, ému. Puis, il implore presque qu’on le laisse chanter encore, comme s’il refusait de quitter la scène, refusait de lâcher son moment de lumière.
Ce spectacle n’était pas un désastre. Mais il n’était pas non plus un hommage. Il ressemblait davantage à une recherche de reconnaissance qu’à une offrande sincère à un géant de la musique. Bob Marley, lui, chantait la liberté, la révolte douce, l’amour universel. Ici, il ne restait que des échos, des gestes, des tentatives.
Et quand les lumières se sont rallumées, le public est resté un instant figé. Pas de liesse, pas d’appel à danser, pas de vibration commune. Juste quelques applaudissements polis, et ce sentiment diffus d’avoir assisté à quelque chose de bizarrement triste, un hommage qui, au lieu de rallumer la flamme de One Love, a laissé flotter un léger malaise dans l’air.
- Artiste(s)
- Hommage Bob Marley - One Love Project
- Ville(s)
- Québec
- Salle(s)
- Centre d'art La Chapelle
- Catégorie(s)
- Hommage, Reggae,
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