Les Hardings

Saison 2019-2020 de la compagnie Duceppe | Broadway P.Q.

David Laurin et Jean-Simon Traversy, le nouveau tandem à la direction artistique de la compagnie DUCEPPE, ont pensé à une présentation originale de leur prochaine saison en assoyant les abonnés et les médias directement sur la grande scène du Théâtre Jean-Duceppe, faisant face aux 747 sièges vides qui seront occupés par eux pour la 47e saison de la compagnie, la première concoctée en entier sous leur signature depuis le départ de Michel Dumont. Mais, pourrait-on dire, le profil de la programmation à venir est resté tout autant orienté vers le meilleur de ce qui est d’abord passé par Broadway.

Ainsi, la saison s’ouvrira avec Héritage, une traduction de Mishka Lavigne de la pièce A Raisin in the Sun, de l’auteure américaine Lorraine Hansberry, créée à New York en 1959. Ce fut d’ailleurs la première œuvre d’une dramaturge afro-américaine à être produite à Broadway. Mike Payette, metteur en scène et acteur montréalais à la tête du Geordie Theatre, après être passé par le Black Theatre Workshop, dirigera une distribution presque entièrement Noire, ce qui représente une première chez DUCEPPE.

La pièce, qui mettra en vedette le comédien bien connu Frédéric Pierre, est inspirée de l’enfance de l’auteure dans un quartier pauvre du Chicago des années 50, majoritairement occupé par des Blancs qui feront tout pour en chasser sa famille. Son père, qui a fondé l’une des toutes premières banques à Chicago accueillant des Noirs, portera son enjeu d’évacuation forcée jusqu’en Cour suprême des États-Unis où il finira par avoir gain de cause. La pièce de Lorraine Hansberry sur le sujet est devenue un classique du théâtre afro-américain.

* Le comédien Frédéric Pierre, lors de la conférence de presse de chez DUCEPPE.

Suivra Disparu.e.s, une traduction par Frédéric Blanchette de la pièce August : Osage County de l’auteur dramatique et acteur originaire de l’Oklahoma, Tracy Letts, qui marquera un retour chez DUCEPPE après une dizaine d’années pour René Richard Cyr à la mise en scène et à l’adaptation du texte. Une autre histoire familiale où cette fois la disparition mystérieuse du père poète provoque la réunion de ses trois filles auprès de leur mère au comportement problématique.

Cyr pourra compter sur une imposante distribution de 13 acteurs, parmi lesquels Sophie Cadieux, Antoine Durand, Renaud Lacelle-Bourdon, Christiane Pasquier, Évelyne Rompré et Marie-Hélène Thibault. « Je joue la mère, Violet, précise Christiane Pasquier. Elle souffre d’un cancer et a une forte dépendance aux médicaments, ce qui fait qu’elle n’est pas bien fine, envers tout le monde et envers elle-même. Mais ce n’est pas de sa faute, elle livre un dur combat intérieur qui lui donne un caractère de chien dans cette famille lourdement dysfonctionnelle. C’est la première fois que je travaille avec René Richard Cyr, et je suis très heureuse de ça. »

En 18 ans de carrière, c’est aussi une première chez DUCEPPE pour Sophie Cadieux, et une première avec RRC, après quelques rendez-vous manqués. « Elles devront crever beaucoup d’abcès et se livrer à des règlements de comptes féroces, ajoute la comédienne qui fait la une du programme de saison. Les trois filles cherchent à savoir ce qui va disparaître de leur vie, ou ce qui est déjà disparu, et comment se reconstruire après tout ça. C’est une comédie noire, avec beaucoup de confusion et d’amour mal géré. En fait, je me demande encore si c’est une comédie ou un drame ou un thriller psychologique », disait Sophie Cadieux avec un sourire radieux.

La partition scénique de Tracy Letts, pleine de rancœurs remontées à la surface et de l’apparition de nouveaux conflits sans issue, a valu à son auteur le prix Pulitzer en 2008, et cinq prix Tony, dont celui du meilleur texte, avec pas moins de 648 représentations à Broadway. Ajoutons qu’en 2013, c’est lui qui a scénarisé la version cinéma de August : Osage County, mettant en vedette Meryl Streep et Julia Roberts.

L’équipe de Disparu.e.s (August : Osage County). Photo tirée de la page Facebook de DUCEPPE.

 

Les collaborations d’Alexia Bürger

Il faudra attendre à janvier 2020 pour qu’un auteur québécois soit joué chez DUCEPPE. Alexia Bürger, qui est aussi metteure en scène et comédienne, proposera une reprise de sa pièce Les Hardings, créée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui l’année dernière, avec sa collaboratrice fidèle à la dramaturgie, Fanny Britt. Les trois Thomas Harding seront interprétés par Bruno Marcil, Martin Drainville et Patrice Dubois, pour cette histoire du déraillement en pleine nuit d’un train chargé de 10 000 tonnes de pétrole brut, une docu-fiction qui n’est pas sans rappeler la tragédie de Lac Mégantic.

À titre de conseillère dramaturgique elle-même, Alexia Bürger travaillera aussi sur une autre importation théâtrale, cette fois à La Licorne, pour L’origine de mes espèces, présentée hors-série par l’auteur-compositeur-interprète Michel Rivard dont on dit que c’est son œuvre la plus personnelle. « Je suis né sans mon consentement » commencera par dire le grand artiste, sous cette forme d’autofiction racontant ses origines en y greffant 11 chansons originales, dans le mise en scène de Claude Poissant. Michel Rivard n’a pas manqué de parler de la « joie intense de me retrouver sur les mêmes planches que mon père », le comédien Robert Rivard.

Michel Rivard. Photo tirée de la page Facebook de DUCEPPE.

La jeune dramaturge britannique Lucy Kirkwood présentera fin février Les enfants, traduction par Maryse Warda de The Children, créée à Londres en 2016 et à Broadway l’année suivante. Dans un climat apocalyptique de menace nucléaire confronté à un lourd  dilemme moral, néanmoins ponctuée d’humour acéré, la pièce sera jouée avec le prérequis de trois comédiens dans la soixantaine, soit Danielle Proulx, Micheline Bernard et Germain Houde. Originaire de Québec comme les trois acteurs, c’est Marie-Hélène Gendreau qui signera la mise en scène.

Le codirecteur artistique Jean-Simon Traversy montera en avril 2020 la traduction par son homologue David Laurin de Fun Home – Album de famille, une pièce de Lisa Kron, installée à New York depuis 1984, mais ayant grandi dans le Michigan. Sur une musique originale de la compositrice, pianiste et chef d’orchestre américaine, Jeanine Tesori, cette pièce de théâtre musical, avec cinq musiciens sur scène, a été créée à Broadway en 2015, puis à Londres en 2018.

Basée sur le best-seller d’Alison Bechdel, un roman graphique et autobiographique consacré Livre de l’année en 2006 par le Time Magazine, la pièce aura le grand mérite de nous amener sur la scène du Théâtre Jean-Duceppe la comédienne hors pair Ève Landry, que tous connaissent mieux sous le nom de Jeanne Biron, son bouleversant personnage de la série télévisée Unité 9. Ève Landry, présente au lancement de saison, jouera aux côtés entre autres de Kathleen Fortin et Renaud Paradis. La comédienne a avoué avoir pleuré après sa première lecture du texte.

Parmi les thèmes de la pièce ayant reçu cinq prix Tony, se retrouvent la religion, l’homosexualité féminine, l’engagement social et la relation père-fille. Par ailleurs, une nouveauté chez DUCEPPE, Fun Home qui relate l’enfance de l’auteure en lien avec le salon funéraire familial, sera également présentée au nouveau Théâtre Gilles-Vigneault de Saint-Jérôme en vertu d’un accord réjouissant, comme il s’en trouve trop peu souvent dans le milieu théâtral.

L’équipe de Fun Home – Album de famille. Photo tirée de la page Facebook de DUCEPPE.

 

En reprise et en codiffusion avec le Théâtre Gilles-Vigneault où une production de DUCEPPE ira en prolongation chaque été, sera offerte Le Bizarre incident du chien pendant la nuit, de l’auteur anglais Simon Stephens. La pièce, créée en 2010 d’après le roman du Britannique Mark Haddon, a reçu sept prix Laurence Olivier à Londres et cinq prix Tony à New York, dont celui de la meilleure pièce. Ici, dans la mise en scène de Hugo Bélanger, le comédien Sébastien René reprendra le rôle phénoménal d’un adolescent autiste avec une part de génie refoulée en lui-même.

Il ne faut pas oublier non plus la longue tournée de 24 représentations à travers le Québec du chef-d’œuvre de John Steinbeck, Des souris et des hommes, où a triomphé le tandem sensible de Benoit McGinnis et Guillaume Cyr, dirigé par Vincent-Guillaume Otis, devant 26 000 spectateurs à Montréal seulement. À noter que David Laurin en tant qu’acteur fait partie de la distribution.

Le même David Laurin était fier d’annoncer une hausse de 15% chez les abonnés de DUCEPPE, comme quoi le théâtre à l’Américaine a son public ici. « Nous sommes toujours en exploration, dira-t-il de leur direction à deux têtes. Nous prenons des risques, mais de façon positive. On a lu tellement de pièces, et nous sommes allés à l’étranger aussi, avec un esprit commun de découverte et d’ouverture. Mais, avant de programmer une pièce, il faut absolument que Jean-Simon et moi soyons pleinement d’accord. Je crois bien que nous sommes complémentaires, et notre entente est assez phénoménale par rapport à l’évolution de la compagnie DUCEPPE », conclue David Laurin.

 

 

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