Requiem (Grands Ballets)

Requiem du Eifman Ballet de Saint-Pétersbourg | Une trame narrative inégale

[Requiem] : mot qui signifie « Prière de l’Église catholique pour les morts; messe pour un défunt ». C’est sur ce thème funeste que le ballet de Boris Eifman prend ses racines. Composé de deux actes, Requiem est bâti sur deux oeuvres distinctes mais qui finissent par se rejoindre, celle de la poétesse Anna Akhmatova et celle de Mozart. Se rejoindre oui, mais pas complètement. Retour sur un ballet au début haletant, mais à la fin décousue.


Un peu d’histoire

Premièrement créé en 1991 avec comme trame de fond le célèbre Requiem de Mozart par le chorégraphe russe Boris Eifman, ce ballet se voulait être une parabole philosophique sur l’existence humaine et l’exploration de différentes visions de la vie et de la mort. Avec une relecture constante de ses ballets au cours des années, Eifman ne pouvait faire autrement avec celui-ci.

C’est donc plus de 20 ans après sa création qu’en 2015, le chorégraphe a chamboulé tout son ballet pour y ajouter un acte inspiré d’une oeuvre littéraire importante intitulée Requiem de la poétesse Anna Akhmatova. Son récit, une histoire dramatique et en partie autobiographique antistalinienne, met de l’avant une mère qui attend des nouvelles de son fils devant la prison dans laquelle il a été enfermé.

Le tout sur le Quatuor à cordes no 8 de Chostakovitch, ce deuxième Requiem vient compléter l’ancien et lui donne une dimension encore plus chargée en émotions tout en traitant d’une histoire dure et pas si lointaine d’une Russie communiste.

Acte 1, comme au théâtre

Grandiose, touchant, dérangeant, imposant… voilà tant de qualificatifs pour décrire les nombreux sentiments que l’on a ressenti lors de ce premier acte basé sur l’oeuvre Requiem d’Anna Akhmatova. Véritable incursion dans l’URSS de Staline, tous les éléments étaient mis à contribution pour nous faire sentir la souffrance et la résilience des personnages et en filigrane, du peuple russe.

Les images étaient fortes, poignantes et les jeux de lumière et le décor art déco faisaient souvent penser à ses vieilles affiches de propagande avec leurs couleurs franches et leurs contrastes affirmés. Parfois, les danseurs se figeaient et créaient ainsi un arrêt sur image dramatique qui s’imprégnait rapidement dans notre imaginaire.

Certaines images reviennent tout de suite à l’esprit comme lorsque des policiers en contre-jour apparaissaient sur un fond rouge ou lorsque le fils se faisait porter en haut de deux bâtons brandis vers le ciel. La fusillade de masse des prisonniers était un autre moment marquant où les danseurs déchiraient leurs vêtements avant de retomber sur le sol, mort.

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Le tout était bien sûr raconté par la gestuelle posée des danseurs qui parvenaient à faire transparaître la tragédie évoquée dans toute sa complexité et son humanité. Malgré les hautes performances des danseurs lors des solos ou des duos (qui étaient très jolis avec des portés inventifs et complexes), les moments en groupe étaient parfois moins bien réussis, certains danseurs ne semblant pas toujours sur les temps.

Acte 2, la déroute narrative

Dans le premier acte, c’était simple, on suivait une histoire claire, presque comme au théâtre. On reconnaissait les personnages et on situait bien l’action. Cependant, dans le deuxième acte, mettant en vedette le Requiem de Mozart, il était plus difficile de comprendre si on était dans la suite du premier acte ou si l’on se trouvait dans un tout autre univers.

Déjà avec la scénographie, on se doutait que l’on se trouvait ailleurs. Les costumes des danseurs n’évoquant plus l’URSS passée, on sentait rapidement que l’on devait être dans cette parabole philosophique dont on faisait mention dans le résumé du ballet. Cependant, le retour de certains personnages (semblait-il) du premier acte dans le second faisait souvent douter que cette deuxième partie était sa suite, mais l’ajout de personnages et les liens confus qui les unissent remettait le tout en doute.

Par contre, une chose est sûre : le thème restait le même, la mort. Seulement, cette mort semblait souvent plus lumineuse dans cet acte que celle présentée dans le premier où elle était souvent violente et injuste. Sous les notes de Mozart, on sentait son côté dramatique, mais aussi son côté parfois salvateur. On sentait cet « hymne à la vie » que Eifman dit percevoir dans ce Requiem, tout en restant parfois sinistre.

Le ballet Requiem n’est donc pas tout noir et finit même sur une note lumineuse. Même si les deux actes ont parfois semblé dichotomiques, ils renfermaient chacun un espoir différent et une vision différente de la mort. L’un était davantage axé sur la mort traumatique et l’autre sur l’éternité, la balance entre la vie et la mort. Reste que la narration n’était pas linéaire et que cela peut être déconcertant pour quelqu’un qui cherche l’expérience d’un ballet plus « classique ».


Requiem par le Eifman Ballet de Saint-Pétersbourg est présenté à la Place des arts de Montréal du 21 au 25 février. 

 

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