Philippe Brach au National | La rentrée au temps de l’absurde
Philippe Brach, la Révélation de l’année à l’ADISQ, faisait sa rentrée montréalaise ce jeudi soir au National, dans le cadre de son deuxième album Portraits de famine, paru en septembre dernier. Sors-tu.ca était là, et il va s’en dire que ce conteur-né nous a fait vivre une soirée musicalement riche dans l’absurdité.
Savane et carcasses
L’ambiance était déjà ludique avant le début du spectacle, puisque la musique qui jouait dans la salle avait été préparée par l’artiste lui-même. Au menu, une chanson instrumentale, dans le style « savane et primates », qui justifiait les décors : carcasses d’animaux, peaux, pouél, ainsi qu’une immense oeuvre signée Gab Doucet à l’arrière. Il faisait tellement chaud dans la salle, ce qui donnait l’impression d’être sous une peau d’ours mutuelle. Dansant en fou derrière les rideaux, on pouvait entrevoir Brach qui laissait aller ses cheveux frisés, prêt à mettre le feu.
Masque au visage, il s’empare de l’immense scène, d’ailleurs idéale pour y accueillir ses huit acolytes. Il s’agissait du seul spectacle de sa tournée qui accueillait autant de musiciens sur scène, ce qui nourrissait sa musique de cordes. Tout débute avec Portraits de famine, les lumières sont tamisées et on ne sait pas trop à quoi s’attendre : l’effet désiré. Phil prend le temps de savourer son stress, et s’adresse à nous après quelques chansons : « Vous êtes défoncés. » Devant 700 personnes, il n’avait jamais vu autant de monde pour lui. Il enchaine avec Race-Pape et nous épate avec un petit segment rap, genre de medley de bouts de chansons des Beastie Boys.
Nourrir des malaises
Parmi ses interventions impertinentes mais ô combien nécessaires, Philippe Brach adore créer des malaises, ce qui explique les chansons de Dan Bigras qu’il nous interprète à tout bout de champ. C’est pour nourrir ces malaises qu’il a à ses côtés un pad avec des sons pré-enregistrés, des huées, des rires en canne, des annonces de pick-up et de diesel : « Je prends le plaisir, j’en fait une boule et je vous le câlisse dans ‘gorge. » À chaque intervention, il déclenche un bouton. Ce qui était drôle, c’est qu’il ne connaissait pas son outil : « Ça se peut que la réaction fitte pas. »
Ce qu’on aime beaucoup, c’est son équilibre entre l’intimité et les cordes. Il nous offre des chansons comme Monsieur le psy en semi-solo, où il s’assoit sur un tabouret sous une imposante lumière rouge.
Acte 2
Post-entracte, il revient seul en arborant un bandana du drapeau des États-Unis. Il fredonne Let It Shine a cappella, ce qui devient instantanément Bonne Journée. C’était vraiment impressionnant de voir que, malgré la complexité et la rapidité des paroles, le National en entier chantait avec lui haut et fort, et personne faussait.
Il s’enfile ensuite quelques chansons avec ses 3 acolytes de tournée régulière : Pierre-Olivier Gagnon à la basse, David Couture à la batterie et Guillaume Bourque à la guitare. Après Alice, tous les musiciens sont de retour avec Klô Pelgag, qui s’est présentée en s’emmitouflant les bras dans un chandail de laine pour l’accompagner sur Si proche et si loin à la fois.
Du génie
Son concept gagnant de la tournée : une boîte à suggestions, « placée à côté de la table de marchandise pour que vous puissiez vous crisser pauvre pendant que vous me crissez riche. » À chaque spectacle, il invitera les gens présents à aller inscrire des commentaires sur la prochaine ville de sa tournée, qu’il lira ensuite à l’audience une fois arrivé dans cette ville.
Donc, à son dernier spectacle à Saint-Anaclet-de-Lessard, les gens écrivaient ce qu’ils aimaient de Montréal, puis nous avons écrit sur Québec, son prochain spectacle. Coup de théâtre : il finit par nous lire nos propres pensées sur Québec : « Québec, je vous pètte à Mario Kart », « Québec, vous êtes beaux, surtout Claude Bégin », « Y manque de Dan Bigras dans ton setlist. »
Tête de radio
Le spectacle laissait place à un « segment what the fuck » accompagné d’un de ses potes (un dénommé Laroche, dont le prénom nous a échappé) qui se résumait à une reprise de Paranoid Android de Radiohead, qui en a fait paniquer plusieurs (dans le bon sens) : « On va la faire parce que ça me tente, pis j’m’en criss ». C’était vraiment un pur moment de plaisir, où Philippe dansait intensément sous les stroboscopes tout en assurant les notes aiguës et puissantes.
« Thom Yorke doit se retourner dans sa tombe… Mais y’est pas mort! En tout cas, il doit être dans un cercueil quelque part », justifie-t-il après sa performance. Thom Yorke, si tu nous lis, kidnappe Brach dans ton studio d’enregistrement s’il-vous-plait. Autres moments forts: C’est tout oublié, chanson marquante du premier album alors que tout le monde dansait fort et chantait avec lui. Même chose pour la suivante Né pour être sauvage.
La fin
Il termine en s’accompagnant du meilleur discours de remerciements qu’il nous ait été donné de voir, un mélange de sermon religieux vraiment intense, presque spirituel… On va dire que c’était une messe de remerciements musicaux : « Elevate your soul, picture yourself on a beach. » Il nous présente ses instrumentistes aux cordes comme les 4 éléments : L’eau, le feu, la terre et l’amour. « Un gros merci à Dan Bigras », dit-il avant de faire semblant de s’envoler et débuter Le bonheur tousse moins qu’avant, qui clôt la soirée.
Au rappel, il est de retour en fredonnant Tue-moi, le classique Dan Bigras : « C’est une toune qu’il a écrit pour l’oxygène, j’pense. » S’ensuivent Gaston et D’amour, de booze, de pot pis de topes, deux chansons assez rock où Philippe se détache de sa guitare pour courir partout.
Quand est venu le temps de rentrer, la station Beaudry était bondée de cercles d’amis qui écoutaient du Brach sur leurs hauts-parleurs, comme quoi on aurait pu en prendre encore et encore. 120 minutes de Philippe Brach, « c’est bon en steak ».
Grille de chansons
- Portraits de famine
- Ton silence m’aspire
- L’Amour au temps du cancer
- Père parti, mère mono, fils fendu, fuck les flos
- Race-Pape
- Dans ma tête
- Le matin des raisons
- Nos bleus désirs
- Monsieur le psy
ENTRACTE
- Bonne journée
- Ressac sur ta peau
- Alice
- Si proche et si loin à la fois
- Paranoid Android (reprise de Radiohead)
- Crystel
- C’est tout oublié
- Né pour être sauvage
- Héroïne
- Le bonheur tousse moins qu’avant
Rappels
- Gaston
- D’amour, de booze, de pot pis de topes
- Artiste(s)
- Klô Pelgag, Philippe Brach
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Le National
- Catégorie(s)
- Chanson, Folk, Francophone, Rock,
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