crédit photo: Gauthier Dorenlot

PALOMOSA 2024 – Jour 2 | Delachute, Pelada, The Dare, Yves Tumor, BadBadNotGood et Jai Paul : Mettre le feu à la pluie, envers et contre tous

On a beau ne pas être fait en chocolat, il fallait néanmoins être téméraire (et probablement aussi un peu fou) pour se rendre jusqu’au bout de la deuxième journée de cette toute première édition de Palomosa, ce nouveau festival montréalais organisé au parc Jean-Drapeau par l’équipe de Piknic Électronik et d’Igloofest.

Disons que ça détonnait avec le temps radieux de la première journéele temps radieux de la première journée, menée par Gesaffelstein, horsegiirL, Yung Lean et Destroy Lonely. Même la chanteuse américano-colombienne Kali Uchis, qui devait initialement clôturer cette deuxième journée, avait choisi de rester à la maisonavait choisi de rester à la maison, bien que ce ne soit probablement pas à cause de la météo.

Les quelques centaines d’irréductibles friands de musique « dans la marge », qui ont fait fi du mauvais temps, en auront néanmoins eu pour leur argent (et tant pis si on a la goutte au nez le lendemain!).

Les nuages gris et le ciel menaçant qui pointaient à l’horizon avant l’ouverture des portes vers 14h n’étaient pas un mirage : la pluie et le froid se sont mis de la partie pendant vraiment toute la journée, posant ainsi un défi pour les quelques centaines de festivaliers (nettement moins nombreux qu’au jour 1) désireux d’apprécier de la bonne musique.

Ajoutez à cela le no-show de Kali Uchis et on se retrouve avec une journée haute en défis pour les organisateurs. Mais la gang de Piknic Électronik, qui roule sa bosse depuis plus de 20 ans, en a vu d’autres : envers et contre tous, les Jai Paul, BadBadNotGood, Yves Tumor et compagnie ont tous eu la chance d’affronter la pluie devant une foule un brin dispersée, mais enthousiaste.

Rembobinons un brin cette journée, si vous le voulez bien.

DELACHUTE, LE CHANTEUR MASQUÉ

Après près d’une heure à danser avec les 3 personnes (j’exagère à peine) présentes à la scène du Jardin pour la DJ montréalaise Nana Zen, j’ai mis le cap vers la scène Vidéotron pour Delachute. Détrompez-vous, ce n’est pas un participant à l’émission Chanteurs masqués, il s’agit plutôt d’un énigmatique projet musical lancé en 2021 par un auteur-compositeur-interprète montréalais et anonyme. Avec sa voix d’outre-tombe et son masque fantomatique, l’artiste anonyme, accompagné par quatre musiciens à l’allure tout aussi spectrale, a offert un set intéressant, ponctué de quelques morceaux de son précédent EP, paru en 2021, et de quelques nouvelles pièces qui figureront sur un premier long jeu à paraître bientôt.

Musicalement parlant, c’était bien, quoiqu’un peu timide, et le tout s’est terminé de façon assez abrupte après Nausia, en un peu moins de 30 minutes, sans merci ni au revoir. Les pièces intimistes, sombres et mélancoliques de Delachute cadraient bien avec le temps maussade qui commençait alors à nous assaillir, mais disons qu’on avait besoin d’un truc plus ensoleillé pour se donner l’illusion que c’était encore une chaude journée d’été. La proposition aurait sans doute mieux cadré dans une salle plus intimiste. Toutefois, l’artiste a sans doute réussi à piquer la curiosité de certains festivaliers, et quelque chose me dit qu’on va en réentendre parler.

PELADA, UN PARTY MONTRÉALO-COLOMBIEN

De la musique ensoleillée, c’est précisément ce que Pelada nous réservait pour faire un doigt d’honneur à la météo. Le duo, qui tourne depuis une dizaine d’années sur plusieurs scènes undergrounds aux quatre coins du monde, nous donnait l’impression d’être dans un gros rave house aux accents colombiens, et c’était fort bienvenu dans les circonstances!

« Get closer! », nous a ordonné la chanteuse Chris Vargas dès les premières secondes de la prestation. C’était demandé avec tellement d’autorité que personne n’a osé la défier. Rapidement, on s’est tous laissé envahir par son attitude rebelle, un peu punk, et ses paroles contestataires et engagées, chantées en espagnol. On ne pouvait aussi que se déhancher devant les beats acides et techno du producteur Tobias Rochman. Disons que plusieurs spectateurs présents ont sans doute « pogné de quoi » devant ce duo underground, mélangeant avec adresse musique latine et électronique. On avait vraiment envie de lever le poing, de danser sans retenue et de crier « Palestina Libre » (« Palestine libre ») à pleins poumons en compagnie de Chris Vargas. On s’est amusé aussi devant quelques répliques assassines (pour ne pas dire passives-agressives) de la chanteuse, notamment lorsqu’elle a tenté sans succès de faire monter le son en régie ou quand elle a souligné qu’on ne leur « a donné que 30 minutes » pour leur set. Tant pis pour le peu de temps, Pelada a donné toute la gomme et a su optimiser sa performance au maximum.

Aura-t-on la chance de revoir ce duo cruellement méconnu sur scène de sitôt? Rien n’est moins sûr puisque le groupe a récemment annoncé sa dissolution, donnant ainsi à ce spectacle des allures de tournée d’adieu. Devant le bel engouement que le duo reçoit depuis quelques mois, on se demande toutefois s’il ne reconsidérera pas sa décision… Espérons-le!

(Petite note constructive au passage : après un set de 30 minutes, il faudrait penser à ajouter une troisième scène au festival pour éviter les trop longues attentes entre deux prestations, surtout lors de journées aussi éprouvantes niveau météo).

THE DARE, LA PÉDALE AU PLANCHER

Nous offrant sans contredit le set le plus énergique de la journée, The Dare (anciennement Turtlenecked), de son nom civique Harrison Patrick Smith, nous a donné une véritable leçon de ce que doit être une performance dance-punk à la new-yorkaise (même si l’artiste vient en fait de Californie).

Ceux et celles qui, comme moi, n’avaient pas vraiment entendu parler de l’artiste, ont rapidement constaté le phénomène : une dizaine de fans en veston-cravate, comme l’artiste, connaissaient les paroles par cœur et se faisaient allègrement aller l’enregistrement sur leur téléphone à chaque morceau. Force est de constater que l’artiste et son plus récent album, What’s Wrong with New York?, sont en train de connaître un vrai buzz.

Les fans de LCD Soundsystem ou de Peaches trouveront sans doute que l’artiste n’a rien de bien original, mais son charisme et son énergie contagieuse demeurent néanmoins redoutablement efficaces. Et si la proposition peut faire découvrir le genre à la génération TikTok, on peut néanmoins dire mission accomplie!

YVES TUMOR BRAVE LE DÉLUGE

Alors que la pluie incessante commençait à prendre des allures de déluge, c’était au tour de Sean Lee Bowie, mieux connu sous le nom de Yves Tumor, de s’exécuter sur la scène principale. Au menu : une majorité de pièces de son excellent dernier album, Praise a Lord Who Chews but Which Does Not Consume; (Or Simply, Hot Between Worlds), livrées avec aplomb et une attitude de badass juste assez je-m’en-foutiste pour cadrer avec le style de l’artiste américain.

Accompagné de quatre musiciens au look de motards récemment sortis de prison, l’éclectique musicien-producteur nous a offert une bonne dose de rock dansant survitaminé avec une pointe de psychédélisme expérimental s.v.p!

On aurait peut-être aimé sentir un brin plus de connexion avec l’auditoire, devenu nettement plus nombreux. On sentait que l’artiste n’avait pas particulièrement envie d’être là, même si ça cadre un peu avec sa dégaine. Les fans de l’artiste n’ont toutefois pas boudé leur plaisir, surtout pendant Gospel for a New Century ou Kerosene! Une bonne prestation dans l’ensemble, mais qui n’aura toutefois pas été suffisante pour convaincre plusieurs de rester pour la suite du festival.

BADBADNOTGOOD, UNE PROUESSE TECHNIQUE EN DEUX VITESSES

« You are so tough motherfuckers », nous lance le drummeur et leader de la formation jazz BadBadNotGood en début de prestation. Oui, à ce stade de la soirée, il fallait être fait solide pour continuer de danser, et le trio torontois était là pour récompenser ces guerriers et guerrières mélomaniaques.

Après avoir réchauffé les ardeurs du public avec un enregistrement de War Pigs de Black Sabbath en intro, les trois comparses de BBNG ont démarré sous les chapeaux de roue avec Eyes on Me, et soudainement le soleil était revenu (en tout cas, dans ma tête!). C’est d’ailleurs au cours de leur prestation que la pluie diluvienne a finalement pris fin.

Le jazz aux accents hip-hop de la formation était parfaitement taillé sur mesure pour l’occasion, même si plusieurs moments plus tranquilles et planants venaient parfois casser le rythme de la prestation. BBNG est sans contredit doué au niveau de la technique, mais avec le temps froid, les moments plus « ronflants » devenaient un peu plus difficiles à encaisser. Heureusement, la formation avait plus d’un tour dans son sac pour nous faire bouger, notamment avec la fameuse Lavender (son morceau avec le producteur montréalais KAYTRANADA), servie en version accélérée pour clôturer le tout.

SHYGIRL EN MODE DJ

Histoire de tuer le temps avant le clou de la soirée, je suis allé faire un tour à la scène du Jardin pour y voir le DJ Set de ShyGirl. Sans surprise, le flux de personnes dansantes était nettement moins élevé que la veille pour horsegiirL. Tant pis, la chanteuse-rappeuse a néanmoins paru enchantée par l’énergie des personnes présentes dans son « Club Shy ». On a été servi en pop EDM et house, aux accents d’hyperpop. Idéal pour se revigorer un peu avant de retourner sur la scène principale pour le spectacle de clôture.

JAI PAUL FAIT SON BAPTÊME DE FEU CANADIEN

Comme le soulignait avec tant d’exactitude mon collègue Joshua Lessard dans son texte pour la première journée, Palomosa propose des artistes au succès plus underground et champ gauche, ce qui pourrait bien distinguer le festival d’autres propositions comme Osheaga. Inviter un artiste comme Jai Paul est un excellent exemple de cette volonté d’offrir un choix différent et original aux mordus de festivals. L’énigmatique artiste britannique avait néanmoins une grosse commande sous les bras : celle de remplacer Kali Uchis en tant qu’headliner. Et bien que l’arrangeur et interprète soit plutôt timide sur scène et n’ait pas forcément l’étoffe ou la prestance scénique de Uchis, il s’est néanmoins bien tiré d’affaire avec ses rythmes hypnotiques et bigarrés, avec une touche délicieusement glitchy.

Plongé dans la pénombre, l’artiste et ses musiciens nous ont offert une prestation techniquement sans faille, avec une ambiance intimiste et feutrée, qui a atteint son paroxysme un peu avant le coup des 23h avec Jasmine, BTSTU et Str8 Outta Mumbai (jouée 2 fois), ses 3 morceaux les plus épiques, servis coup sur coup. Sa prestation, qui a duré un peu moins d’une heure, laissait néanmoins un brin sur sa faim pour une prestation de clôture. Pas étonnant puisque son catalogue de morceaux est relativement mince. On ne peut toutefois  pas lui en vouloir, lui qui est victime des circonstances et du réaménagement d’horaire.

Ce constat résume bien cette deuxième journée de Palomosa : malgré les embûches, on a continué d’avancer, envers et contre tous, jusqu’à la fin du festival. Et on ne peut que souhaiter que la bande de Piknic Électronik continuera sur sa lancée pour l’année prochaine, car le potentiel de Palomosa est clairement là.

Photos en vrac

YVES TUMOR

BADBADNOTGOOD

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