P.O.M.M.E. (Poésie Oralité Métal Musique Écrit)

P.O.M.M.E. (Poésie Oralité Métal Musique Écrit) | Quand métal et poésie ne font qu’un…

Pour Bertrand Laverdure, la rencontre entre le métal et la poésie allait de soi. Près de six ans après tenté le coup de mixer les deux « formes d’expression marginales » sous la forme de spectacles où le groupe Anonymus et cinq poètes se partageaient la scène, le projet P.O.M.M.E. (pour « Poésie Oralité Métal Musique Écrit ») fait maintenant l’objet d’un album qui sera lancé en formats vinyle et numérique ce mardi (à 17h) aux Foufounes Électriques, à Montréal.

« J’étais obsédé par l’idée de réunir sur la même scène un band de métal qui chante en français et des poètes contemporains qui aiment le métal », explique d’emblée le poète Bertrand Laverdure au bout du fil. En 2011, le concept prenait forme petit à petit, avec quelques spectacles organisés avec les Productions Rhizome. Mais l’envie d’en faire un album s’est fait attendre… jusqu’à maintenant.

À l’époque, Lou Reed et Metallica venaient tout juste de sortir un album concept intitulé Lulu. Un disque vastement honni par la critique (l’album a d’ailleurs récolté la pire cote qu’on ait jamais donnée à un album!), sur lequel Lou Reed parle-chante des textes inspirés par deux pièces écrites par l’Allemand Frank Wedekind, sur une musique metal expérimentale composée par Metallica.

La critique a beau avoir détesté, Bertrand Laverdure, lui, avait adoré. « Et je me disais qu’on était capables de faire ça ici, on a le talent pour ça. J’en connaissais, moi, des poètes d’ici qui aimaient le metal mais en secret, ça ne convenait pas à ce qu’on leur demandait dans les lectures publiques. »

Erika Soucy.

Erika Soucy. Crédit photo : Elias Djemil

Il a alors rassemblé cinq poètes : Erika Soucy, Benoit Jutras, Thierry Dimanche, Roger Des Roches et lui-même. Puis, il a recruté le groupe Anonymus pour assurer la musique, ce que la formation a accepté sans la moindre hésitation. Le résultat est pour le moins surprenant…

« J’ai été fortement surpris, en 2011, que le maillage se fasse aussi naturellement que ça avec Anonymus. On s’est d’abord rencontré dans un bar, et on a commencé à discuter sur la poésie et le métal : deux modes d’expression marginale qui ont leurs aficionados. »  Le fait d’avoir travaillé avec un Mononc’ Serge, par exemple, illustrait bien, selon Bertrand Laverdure, l’ouverture d’Anonymus envers la poésie. « Mononc’ Serge, pour moi, c’est un grand poète de la vulgarité, comme un Jean Narrache ou un Plume ». Lors de ses rencontres avec les vétérans de la scène métal, la magie a vite opéré. « Ils entretiennent une image de bad guys parce que c’est comme ça dans le milieu métal. Mais en personnes, ce sont réellement des gentlemen. »

 

Mariage naturel

Pour l’initiateur du projet P.O.M.M.E., la rencontre de la poésie et du métal ne date pas d’hier. « Au fond, le métal, dans son imagerie, ça existe depuis le 19e siècle. Baudelaire était métal à sa façon, beaucoup de groupes métal ont utilisé sa poésie. Ou encore Edgar Allan Poe avec The Raven. »

La pochette de l'album.

La pochette de l’album.

Chaque poète était chargé de créer deux textes à agencer à la musique d’Anonymus, ce qui donne 10 pistes sur l’album. Le mot d’ordre était de puiser dans « la mélancolie violente qui appelle à une catharsis brutale ». Chacun des poètes y a donné sa saveur unique, comme Erika Soucy, seule dame du lot, qui « parle d’une mère monoparentale à bout de souffle et de ressources qui passe une mauvaise journée » sur Jour de Christ, ou encore Thierry Dimanche qui y va à fond dans le death sur Grince, Grince, Équanime.

Là où P.O.M.M.E. réussit alors que Lulu échouait — selon nous, et non selon Bertrand Laverdure — c’est qu’on ne force pas ici les musiciens à s’adapter à un mode expérimental qui ne leur convient pas, comme c’était le cas pour Metallica avec l’univers complètement déjanté de Lou Reed. Il faut laisser les musiciens faire leur musique métal et les poètes s’ajuster à la musique.  « Je comprends ce que tu veux dire, acquiesce Bertrand Laverdure. J’ai rapidement vu avec Anonymus que ça allait être simple, que c’était facile pour eux et pour nous de s’adapter tout au long du projet. C’est sans doute pour cela que ça donne quelque chose qui a de la cohérence. »

L’album vinyle, qui contient un livret de poésie avec les textes imprimés ainsi qu’une carte avec un lien de téléchargement, sera lancé ce mardi 28 février aux Foufounes Électriques dans le cadre d’un 5 à 7 avec une courte performance. Un lancement devrait également avoir lieu à Québec autour du 8 mars également.

 

En vrac

Autres moments mémorables où métal et poésie se sont rencontrés…

  • Metal Outlaw TV est une série web (une chaîne YouTube, en fait) fondée en 2012 par le cinéaste écossais Colin Wood, qui met en vedette des chansons métal lues par « Big C » sous la forme de poésie récitée.

 

  • Iron Maiden – Rime Of The Ancient Mariner (sur l’album Powerslave, en 1984) : il s’agissait d’une transposition musicale d’un poème du même nom écrit par Samuel Taylor Coleridge en 1798.

https://youtu.be/t7zk4as9kzA?list=RDt7zk4as9kzA

 

  • Iced Earth – Dante’s Inferno (sur l’album Burnt Offerings, en 1995, puis ré-enregistré en 2011) : tiré d’un chef-d’oeuvre de la littérature de la civilisation médiévale : La Divine comédie de Dante Alighieri, rien de moins.  Iced Earth paraphrase le voyage épique de Dante à travers les 9 cercles de l’enfer accompagné du poète romain Virgile. L’idée a donné lieu à un véritable tour de force musical de 17 minutes !
  • Nightwish – Song Of Myself  (sur l’album Imaginaerum, en 2011) : inspiré du poème du même titre de Walt Whitman, écrit en 1855.  L’auteur, compositeur et claviériste du groupe finlandais Nightwish, Tuomas Holopainen, a tenté l’expérience de réécrire sa propre version du poème de Whitman, en évoquant subtilement les thèmes et la forme de l’originale.

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