crédit photo: Marie-Claire Denis
The Flaming Lips

Osheaga 2023 | Les Flaming Lips, les 20 ans de Yoshimi et la transmission générationnelle

Osheaga est sans contredit le festival montréalais le plus à l’affût des tendances. Il n’est pas rare d’entendre des trentenaires autrefois au parfum de ce qui se fait de bien en musique maugréer : « Voyons, je ne connais plus personne à la programmation d’Osheaga cette année! » C’est normal : la Terre tourne, les jeunes artistes émergent, les étoiles d’une autre décennie palissent, et c’est le rôle d’Osheaga de rester à jour, quitte à perdre des festivaliers en cours de route (tout en récoltant des nouveaux adeptes chaque année).

Au Festival de Jazz et aux Francos, on voit un mélange équitable de découvertes et de légendes. Osheaga est moins enclin à faire une place aux légendes, à moins que celles-ci aient vraiment su se renouveler et rester au goût du jour. C’est leur orientation, et c’est très bien ainsi.

À titre d’exemple, le groupe électro australien Rüfüs du Sol, qui existe depuis tout juste 10 ans, assurait la tête d’affiche de ce premier soir d’Osheaga, alors qu’on nous promettait également la toute première présence nord-américaine d’Aya Nakamura, vedette franco-malienne sur toutes les lèvres en Europe. Finalement, des raisons de santé l’ont contrainte à laisser tomber, au profit d’une Charlotte Cardin tout à fait apte à prendre la balle au bond. Vous pourrez tout savoir de ces spectacles grâce au compte-rendu de la collègue Charlotte Cloutier.

Tout ça pour dire que pour les vieux trentenaires et surtout quarantenaires avaient tout de même un nanane en ce premier vendredi : le retour des Flaming Lips à Osheaga, clin d’œil aux origines du festival puisque le groupe était de la première mouture d’Osheaga, l’humble édition 2006. Ils étaient ensuite revenus en 2011, pour interpréter leur magistral album The Soft Bulletin en intégral.

Cette fois-ci, douze ans plus tard, c’est Yoshimi Battles The Pink Robots qu’ils sont venus interpréter du début à la fin.

« Nous jouons ce soir un album que nous avons lancé en deuuuuux… miiiiilllle…. deuuuuuux », explique clairement Wayne Coyne à la foule, sûrement conscient que la foule d’Osheaga n’est pas nécessairement familière avec la prolifique carrière de son mythique groupe space-rock psychédélique.

2002. C’est presque un autre millénaire. Plusieurs des festivaliers d’Osheaga étaient aux couches à l’époque.

Quand les Flaming Lips ont lancé leur premier album (Hear It Is, en 1986), les gars de Rüfüs du Sol n’étaient même pas nés.

On se doute donc que les fans réunis devant la scène principale en attendant que le groupe électro assure la tête d’affiche n’ont peut-être pas le bagage pour comprendre l’immensité des artistes qu’ils ont devant eux deux heures avant.

Mais un show des Flaming Lips, ça demeure un show des Flaming Lips, c’est-à-dire un trip-d’acide-visuel-et-auditif, à commencer par la présence de Coyne dans une bulle pour chanter la première chanson, une orgie de confettis, des éclairages psychés, et quatre robots roses géants à l’image de la pochette de Yoshimi. C’est assez pour capter l’attention des jeunes mélomanes ignorant tout de la carrière du groupe.

* Photo par Marie-Claire Denis.

Pour aider à la compréhension, la bande joue devant un écran qui projette les paroles des chansons au fur et à mesure. Ça permet notamment de mieux saisir ce que chante Coyne, puisque son micro est teinté d’une étrange distorsion (qui n’est pas sans charme).

Le visuel des Flaming Lips et leur interprétation corrosive et psychédélique prennent souvent toute la place, si bien qu’on oublie, en concert, à quel point certaines paroles abordent avec intelligence et sensibilité des réflexions mélancoliques sur l’amour, la mortalité, le pacifisme, et tiens donc, l’intelligence (émotionnelle surtout) artificielle, tout ça à travers l’histoire de la bataille de la jeune Yoshimi, ceinture noire en karaté, qui nous protégera des vilains robots roses.

Une phrase nous a particulièrement frappés par son nouveau sens, étant donné le contexte dans lequel le groupe se produisait :

I thought I recognized your face / Amongst all of those strangers / But I am the stranger now / Amongst all of the recognized.

C’est tiré d’Are You a Hypnotist??, l’une des très bonnes chansons de l’album, qui contient aussi les classiques Fight Test (fortement inspirée de Father & Son de Cat Stevens), Yoshimi Battles the Pink Robots, Pt. 1, Ego Tripping at the Gates of Hell et la grandiose Do You Realize??

Les jeunes festivaliers qui attendaient Rüfüs du Sol devant la scène principale n’auront peut-être pas tout saisi de cet univers toufu et tripatif, mais gageons que la présence des Flaming Lips en aura sans doute convaincu certains de s’intéresser à la riche discographie de ces légendes. Comme quoi Osheaga peut aussi jouer un rôle de transmission de la musique d’une génération à l’autre.

* Photo par Marie-Claire Denis.

De Dope Lemon à Joey Badass

Sans être spectaculaire, cette première journée d’Osheaga nous aura aussi permis de découvrir quelques jeunes talents sur scène.

Ce fut le cas du projet électro-pop boule de gomme Magdalena Bay, avec sa pétillante chanteuse Mica Tenenbaum, ainsi que Lovejoy, quintette britannique qui en était à sa première présence au Québec (et deuxième au Canada). Le groupe anglais compte sur quelques très bonnes chansons accrocheuses, et nous surprend par l’utilisation inusitée du double-bass-drum ainsi que de la trompette, sur des chansons somme toutes assez indie-pop relativement prévisibles. Plutôt charmant.

Photo par Marie-Emmanuelle Laurin.

On a également pu constater que, bien qu’elle ait amplement de bonnes chansons pour donner un bon show, la jeune artiste du Tennessee Sophia Regina Allison, alias Soccer Mommy, aurait plutôt avantage à jouer dans des petites salles que sur une grosse scène. On sait apprécier les artistes un peu plus introverties, mais son charisme tranquille créait un certain froid avec la foule.

* Photo par Marie-Claire Denis.

Le premier jour d’Osheaga était également l’occasion de voir à l’œuvre certains artistes venus d’Europe, en l’occurence L’Impératrice, groupe disco-pop français très populaire mais qui semble se transformer progressivement en animateurs de camp de vacances avec leurs trop nombreuses interactions un peu infantilisantes avec le public, et l’excellent groupe néerlandais aux racines turques Altin Gün. Sans doute l’une des performantes les plus rythmées et grisantes de la journée.

* Photo par Marie-Claire Denis.

Angus Stone, du très bon duo Angus & Julia Stone, était également à la programmation avec son excellent projet de rock-folk légèrement psychédélique Dope Lemon, qui montrait une facette plus rock et musclée que sur album et une présentation visuelle impeccable.

Dope Lemon sera par ailleurs de retour à Montréal le 1er novembre prochain, à l’Olympia. On vous le recommande.

* Photo par Marie-Claire Denis

On a fini la soirée avec Joey Badass, rappeur chevronné, qui souffrait d’une migraine mais qui s’est tout de même fort bien débrouillé avec ses rimes assassines, son petit côté lover insoupçonné, et ses tracks de jazz rap franchement intéressantes.

Osheaga se poursuit samedi avec Billie Eilish, The National, Baby Keem, 070 Shake et plusieurs autres.

 

Photos en vrac des Étoiles du Match

1. Flaming Lips ⭐️

 

2. Altin Gün ⭐️

3. Dope Lemon ⭐️

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