Osheaga

Osheaga 2017 – Jour 3 | Le « nouveau » Osheaga à son meilleur

Pas d’annulation, pas d’averse ; il aura fallu attendre à dimanche pour évaluer adéquatement le nouveau Osheaga, celui de l’île Notre-Dame et du « en-attendant-les-rénos-au-Parc-Jean-Drapeau ». Et quand les éléments vont du bon bord, ça donne une expérience franchement très chouette, au charme carrément différent de l’ancien site.

Photos en vrac par Laurie-Anne Benoit et Thomas Mazerolles:


Du lourd au lieu des gros noms

Bon, en terme de têtes d’affiches, on repassera. À chacun ses goûts, comme le veut le dicton chocotte, mais The Weeknd et Alabama Shakes ne sont peut-être pas les têtes d’affiche les plus vendeuses en ce qui nous concerne, surtout quand le premier était au Centre Bell il y a à peine deux mois. (Si vous y tenez, lisez plutôt notre critique du show de The Weeknd en mai ; il paraît que c’était grosso modo la même chose…)

Sauf qu’en ce dimanche faste, il était possible, voire même très facile, de vivre une tonne de bons moments en évitant ces deux grands spectacles censés clore le festival.

Suffisait d’aller finir la soirée du côté de la scène verte, où le duo Death From Above (qui a retiré le « 1979 » de son nom cet été) servait une sauvage raclée à ses instruments.  Mention honorable au batteur/chanteur Sébastien Grainger, qui portait des culottes à motifs de flamands roses et affichait des rouflaquettes impossibles.

Photo originale par Tim Snow (désolé Tim)

Photo originale par Tim Snow (désolé Tim)

Mais ce qui ressortait le plus, c’était la force de frappe du duo, qui cogne encore très dur, même si leurs chansons récentes manquent un peu du mordant de la belle époque. Tout de même, belle façon de faire sortir le méchant une dernière fois avant de quitter l’île.

Photo par Laurie-Anne Benoit.

Photo par Laurie-Anne Benoit.

Parlant de force de frappe, Die Antwoord précédait DFA sur la scène de la vallée, et doux Jésus que ça grouillait de monde dans ce coin-là !  Il y avait beauuuucoup plus de gens qu’à Death From Above (ou qu’à n’importe quel autre spectacle vu sur cette scène tout au long du week-end), et ce, même si Alabama Shakes et Crystal Castles se produisaient en même temps, ailleurs sur le site.

Qui aurait cru, en 2010, que ce trio de freaks sud-africains et leur rap-rave zef passeraient l’épreuve du temps et deviendrait une tête d’affiche digne de ce nom !  Car ne nous trompons pas : Die Antwoord, c’est du matériel de tête d’affiche. Les gros beats de God (aka DJ Hi-Tek) n’ont rien à envier aux meilleurs de ce monde, et le duo de Ninja et Yo-landi ferait la barbe à bien des rappeurs de l’ère moderne. La prod est très variée et réussie, et la disposition pyramidale permet des effets de mise en scène très efficaces. Vous dire à quel point le party a levé pendant I Fink U Freeky…

Photo par Thomas Mazerolles.

Photo par Thomas Mazerolles.

Toujours en matière de barbarie (c’est pas ça qui manquait en ce dimanche…), le trio Ho99o9 avait la lourde de tâche de faire passer leur musique hip-hop hardcore expérimentale à un public néophyte en plein après-midi (pendant que sur le gros stage, Zara Larsson donnait un cour de ballet-jazz avec sa «pop de gym» soporifique), et devinez quoi, ils se sont plutôt bien débrouillés !  Pour ceux qui apprécient Death Grips, mais pas tellement leur attitude merdique (et leur propension à ne pas se pointer aux concerts pour lesquels ils sont programmés), Ho99o9 vient clairement combler un manque. La formule est assez simple, mais diablement efficace : beats saturés et triturés, soutenus par un batteur de feu qui se fait aller le double-bass-drum comme un AK47, ainsi deux MC, theOGM et Eaddy, qui foutent le bordel à chaque chanson. La musique de Ho99o9 défoule comme bien peu d’autres réussissent à le faire dans le même genre.

Photo par Thomas Mazerolles.

Photo par Thomas Mazerolles.

The Lemon Twigs : Les élèves dépassent les maîtres

La plus grande surprise du dimanche demeure toutefois la performance éclatante de la formation The Lemon Twigs, menée de front par les frères Brian et Michael D’Addario, tous deux chanteurs / guitaristes mais aussi batteurs, si bien qu’ils alternent de position en plein milieu du show, ce qui donne lieu à une belle variété dans les énergies.

En lisant à leur sujet, on apprend avec stupeur qu’ils n’ont même pas vingt ans, ou tout juste, et qu’ils étaient tous deux acteurs dès le jeune âge. Michael était même le fils d’Ethan Hawke dans Sinister. Eh bin.

Photo par Pierre Bourgault.

Photo par Pierre Bourgault.

Quoi qu’il en soit, la télé les a perdus pour de bon ; ces garçons-là sont nés pour créer de la musique rock et la défendre avec panache sur une scène. Hallucinante prestation, qui pigeait autant dans la vigueur de la jeunesse que dans les influences du passé, de Bowie (dans le personnage de scène de Brian) à Queen (pour les harmonies de voix) en passant par les années weird des Beatles et le meilleur du rock prog et psychédélique. À découvrir si ce n’est pas déjà fait…

Photo par Pierre Bourgault.

Photo par Pierre Bourgault.

Leur premier album officiel, Do Hollywood, est paru l’an dernier — et n’a récolté qu’une cote de « C+ » dans le Village Voice au grand désarroi de Brian qui ne s’est pas gêné pour l’exprimer 3 ou 4 fois durant le show! — et était le fruit d’une collaboration avec Jonathan Rado, de Foxygen, qui semble être un genre de mentor pour eux. Rado se trouvait d’ailleurs en bordure de la scène lors du concert de Lemon Twigs, lui qui plus tard en soirée se produisait avec Foxygen justement.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que les Twigs démontrent une progression fulgurante, alors qu’en ce qui a trait à Foxygen, on ne sait plus trop par où ça s’en va. Leur premier album, We Are The 21st Century Ambassadors of Peace and Magic, avait aussi eu l’effet d’une bombe il y a quelques années, mais les deux suivants vont dans une drôle de direction…

La bonne nouvelle, c’est que le chanteur Sam France est un peu mieux en contrôle de ses actes qu’avant, ce qui permet sans doute à la formation de survivre, au lieu d’imploser. Fascinante bête de scène celui-là, d’ailleurs. Il portait le maquillage à la Bowie, et dansait de drôle de façon, peinant à canaliser son énergie de manière engageante. Son chant un peu approximatif était plutôt bien camouflé par son énergie hippie, et l’excellence des musiciens, qui ont vraiment pris du galon depuis les débuts de Foxygen.

Photo par Thomas Mazerolles.

Photo par Thomas Mazerolles.

La nouvelle approche musicale un peu Broadway de Foxygen semble laisser les festivaliers perplexes, si bien que le site devant la scène verte se vidait de façon notable tout au long de la prestation, malgré un début plutôt convaincant avec des chansons du premier album (plus rock). Ça aurait sans doute mieux cliqué en salle.

Et parlant de « mieux cliquer en salle », on a tenté notre chance, en tout début de journée, du côté de la scène de l’île alors que Bernardino Femminielli était programmé en live set. On avait eu écho de cette drôle de bébitte, qui fait dans la musique électro-80’s new wave, en chuchotant d’inquiétants propos étranges et pervers. Comme un Serge Gainsbourg avec le bouton malaise à 11.

À notre arrivée, le beau Bernardino était à poil en g-string de cuir avec des ailes d’ange dans le dos, en train de courir après un clown à la tête de brebis en lui prodiguant des messages sexuels perturbants. (Et je vous assure qu’on a rien pris de ce que Mathieu Aubre, de Feu à volonté, ingère à chaque festival.) C’est la sobre vérité qu’on vous raconte…

Le problème, c’est que bien qu’on soit game d’assister à une performance artistique weird as fuck, encore faut-il qu’on puisse voir ce qui se passe. Et la scène de l’île est surélevée d’à peu près 30 pieds, et au moins la même distance du parterre (le fameux plancher sur l’eau, qui donnait un bounce drôle), donc pendant une bonne vingtaine de minutes, on voyait que dalle des ébats de l’ange et de la brebis-clown, qui se roulaient à terre à qui mieux mieux, s’arrachant leur costume respectif (du moins, on pense). Dommage, ça avait l’air le fun, selon ce que nous rapporte le photographe officiel d’Osheaga.

Photo par L-A Benoit.

Photo par L-A Benoit.

Pire agencement de scène, d’heure et d’artiste de tout le week-end. Faudra se reprendre dans un endroit plus crade, au ras le sol, durant la nuit. Quelque chose du genre. En attendant, on va se contenter des vidéoclips.


Consultez aussi :

Notre compte-rendu du Jour 1 d’Osheaga

Notre compte-rendu du Jour 2 d’Osheaga

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