Orchestre Symphonique de l’Agora | Concertos pour Philou

L’Orchestre Symphonique de l’Agora, initié en 2012 par Nicolas Ellis, Philippe Prud’homme et Audrey Gabriella Conarroe, a pour mission de mettre la musique classique et contemporaine au service de différentes causes. Au départ créé pour soutenir la grève étudiante de 2012, l’orchestre a depuis pris beaucoup d’ampleur et se produit plusieurs fois par an et dans différents projets. Vendredi soir se tenait leur dernier concert de la saison au profit du centre Philou, qui s’occupent d’enfants polyhandicapés, et le soliste invité n’était autre que le violoncelliste solo de l’OSM : Brian Manker.

La première partie s’ouvrait avec le concerto grosso en fa mineur op.6 n°2 d’Arcangelo Corelli, joué avec beaucoup d’élégance et d’humour. Nicolas Ellis et ses musiciens paraissaient réellement s’amuser surtout lors de la fausse fin qui aura bien fait rire le public. Compositeur assez peu joué sur la scène montréalaise, Corelli, disciple de Scarlatti et Haendel, mériterait que l’on s’y intéresse plus souvent.

La deuxième pièce fut le concerto n°1 pour violoncelle de Joseph Haydn, avec le soliste Brian Manker. Le point fort de l’interprétation de vendredi soir fut sa grande fluidité et sa modestie : pas de fioriture inutile ou de prétention de la part du violoncelliste. On avait réellement l’impression d’assister à une réunion de musiciens heureux de partager un moment ensemble autour d’un soliste renommé. Ce dernier a donné une direction très joyeuse et vivante à ce concerto qui peut facilement devenir ennuyant s’il est interprété avec détachement ou au contraire trop d’engagement.

Malgré quelques accidents de justesse dans le second mouvement, on retiendra surtout l’expression enjoué du musicien, en dépit de son statut de chef de pupitre de l’OSM. Haydn, compositeur classique, est souvent comparé à Mozart et la distinction entre les deux se fait difficilement. Il était agréable vendredi soir de se laisser porter par la musique dont l’équilibre avait été trouvé de manière juste.

En deuxième partie, on a pu entendre la musique pour cordes, percussions et célesta (et piano) du compositeur hongrois Béla Bartok. Très emprunte du folklore de l’Europe de l’Est (Bartok a effectué plusieurs voyages en Europe de l’Est pour enregistrer des chants traditionnels afin de les retranscrire pour instruments), cette pièce est un véritable défi : l’orchestre est divisé en deux groupes qui se répondent tour à tour, s’entrelacent ou s’affrontent. C’est peut-être dans cette pièce-ci qu’on a pu sentir un peu de fragilité dans les rangs orchestraux. Il faut dire que les jeunes musiciens et leur chef d’orchestre n’ont eu que quatre répétitions pour monter le répertoire. Il manquait probablement un peu de maîtrise pour que la pièce puisse exploser et être totalement éclantante mais cela n’enlève rien à la belle énergie générale de l’OSA.

C’est avec une pièce d’Airat Ichmouratov, le concerto grosso, que l’orchestre a conclu sa saison. Ichmouratov, compositeur russe, se fait une joie d’emprunter des thèmes klezmers (tradition musicale instrumentale des juifs ashkénazes) et de se les approprier pour les insérer dans sa musique. Le concerto grosso donne la part belle aux chefs de pupitres des cordes et à la clarinette et l’OSA a pu s’appuyer hier sur de solides musiciens, très à l’écoute les uns des autres pour rendre justice à cette oeuvre : Chloé Chabanole au violon, Clémentine Cômes à l’alto, Thomas Beard au violoncelle et Victor Alibert à la clarinette.

De manière générale, le concert de vendredi soir a encore une fois prouvé au public que le jeune chef, Nicolas Ellis, est l’un des plus prometteurs de sa génération et semble suivre les traces de ses aînés (il n’est pas sans rappeler un certain Yannick Nézet-Séguin dans sa manière de diriger). Avec sa formidable énergie et son écoute toujours alerte qui lui permettent de tirer de jolies textures orchestrales et un bel investissement des jeunes musiciens, il va sans dire qu’il est à surveiller de très près. On a hâte de découvrir la prochaine saison de l’OSA et de ses musiciens si engagés à se mettre au service de la musique !

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