Nuits d’Afrique 2023 | Angélique Kidjo divine et rassembleuse lors du spectacle d’ouverture
Pour que la foule pousse des cris de joie et d’excitation durant les interminables discours politiques de formalité qui précèdent tout spectacle d’ouverture de festival, c’est dire à quel point le public montréalais était fébrile de revoir sur scène celle qui cumule 40 ans de carrière et plus d’une quinzaine d’albums.
C’est donc devant un public conquis d’avance qu’Angélique Kidjo s’est présentée sur la scène du MTELUS mercredi, accompagnée d’un guitariste et d’un bassiste ainsi que deux percussionnistes, le premier aux djembés et le deuxième à la batterie. Celle qui dira plus tard en soirée ne plus jamais vouloir repartir de Montréal débuta le spectacle avec Crosseyed and Painless, de l’album Remain in Light, un album sorti en 2018 en hommage à l’album éponyme du groupe Talking Heads. Elle jouera également Once In a Lifetime, du même album, plus tard en soirée.
Il y a d’ailleurs certainement quelque chose d’intrigant dans ce projet de revisiter, quasiment 40 ans après sa sortie, l’album d’un groupe new wave américain. Les sonorités de cet album, à l’origine du véritable succès du groupe, avaient été influencées par le Nigérien Fela Kuti et intégraient certains codes de l’afrobeat, notamment une architecture polyrythmique.
On pourrait penser que ce projet de Kidjo s’inscrivait dans une démarche de réappropriation de ce qui appartient artistiquement à l’Afrique, mais ça serait mal connaître celle qui croit que la musique n’a pas de frontière. Pour une artiste qui a collaboré avec des douzaines d’artistes de tout horizon et de toute génération, ce projet s’inscrit donc dans celui de reconnaître que la musique est universelle et qu’elle doit être partagée.
Du nouveau matériel également
Lors de la soirée, la polyglotte et activiste nous a offert qu’un de ses grands succès soit Agolo de l’album Aye (paru en 1994), en guise de rappel. Elle est surtout venue nous présenter sur scène les titres de son dernier album Mother Nature (récipiendaire d’un Grammy), paru en 2021.
Parmi les moments forts de la soirée, on dénote le soulignement du 60e anniversaire du début de la décolonisation de l’Afrique lors de One Africa (Indépendance Cha-Cha).
Tout de suite après nous avoir rappelé que l’indépendance totale n’est pas encore acquise, et probablement en clin d’œil à d’autres groupes ethniques ayant souffert des politiques coloniales, Angélique Kidjo a invité sur scène son grand ami cajun, Zachary Richard.
On a alors eu le droit à un moment surréaliste, mais fort égayant, alors que Zachary Richard a interprété une version revisitée et agrémentée de djembés de son succès populaire L’Arbre est dans ses feuilles. Angélique Kidjo qui parle pourtant très bien français essayait tant bien que mal de le suivre, et a finalement abdiqué. Inutile de dire que tous s’en sont donné à cœur joie, la salle se remplissant d’une chorale improvisée aussi enthousiaste que chaotique, et tapant énergétiquement du pied et des mains. Le dernier refrain chanté qu’avec le mot « amour » (car rappelez -vous, c’est l’amour qui est dans le cœur de l’oiseau qui est dans l’œuf qui est dans le nid …) servait d’enchainement tout naturel pour le titre Meant for Me, un grand hymne à l’amour ou Kidjo affirme dans une joie contagieuse que l’ADN, l’argent et la beauté sont qu’accessoires au véritable amour. C’est d’ailleurs ce titre qui me resta en ver d’oreille une bonne partie de la nuit.
On aurait certainement aimé que Zachary Richard revienne plus tard en soirée pour qu’il puisse donner réplique à la Franco-Béninoise comme le fait Sting d’un chant proche du reggae dans la vidéo de Mother Nature. C’est plutôt un autre dialogue auquel on a le droit, soit celui des deux percussionnistes qui se relançaient tels deux grands amis dans une joute provocatrice, mais bienveillante.
Finalement, la reine africaine nous aura conquis par le sublime assemblage d’influence R&B, funk et jazz aux rythmes ouest-africains et par son énergie débordante. Maintenant soixantenaire, elle parait avoir 20 ans lorsque vient le temps d’occuper la scène, de danser, de virevolter et d’y aller de mouvements de danse amples et énergiques.
Si l’idée était que ce spectacle donne le ton à cette édition du Festival Nuits d’Afrique, il n’y a aucun doute que celui-ci sera festif, universel et réussi!
Chanda and the Passengers : Le véritable spectacle d’ouverture des Nuits d’Afrique
Bien sûr, on dit cela en boutade. Il n’en demeure pas moins que chronologiquement parlant, c’est Chanda & The Passengers qui ont cassé la glace en premier et ouvert le festival.
Ce groupe de la scène montréalaise s’est formé par l’entremise d’un site populaire de petites annonces. C’est ainsi que sept musiciens aguerris aux origines diverses se sont réunis en 2016 pour former Chanda & The Passengers : Chanda Holmes (chant), Carlos Casique (piano), Laurent Massie (basse), Gonzalo Camelo (trompette), Pierre Emond (saxophone), Romain Peynichou (batterie) et celui à l’initiative de la fameuse petite annonce, Zander Masser (guitare). Le bagage musical éclectique des protagonistes donne au septuor des sonorités de jazz, funk et salsa.
Sur scène, Chanda & The Passengers fonctionne très bien. La charismatique Chanda retient d’abord notre attention par sa voix soule tonitruante et son évidente aisance sur scène (on dirait qu’elle en était à son 1000e spectacle). Elle a certainement le talent et la prestance pour éclipser tout un groupe derrière elle, mais elle sait prendre du recul lorsque vient le temps de mettre en valeur les talentueux musiciens de la formation.
D’ailleurs, la saveur funk des sept compositions jouées, dont Love (un simple paru en 2023), laissent tout l’espace nécessaire pour permettre d’apprécier plusieurs solos convaincants à la guitare, au clavier, à la trompette et au saxophone.
On aurait le goût de revoir Chanda & The Passengers dans une petite salle intime pour mieux apprécier les performances musicales, et sur une très grande scène extérieure pour vivre à très grande échelle toute l’ampleur de la cohésion du groupe et de leur amour de la musique.
Grilles de chansons (Angélique Kidjo)
- Crosseyed and Painless (Remain in Light, 2018)
- Africa, One of a Kind (Mother Nature, 2021)
- Take It or Leave It (Mother Nature, 2021)
- Do Yourself (Mother Nature, 2021)
- Bemba colorá (Celia, 2019)
- Sahara (Celia, 2019)
- Once in a Lifetime (Remain in Light, 2018)
- One Africa (Indépendance Cha‐Cha) (Mother Nature, 2021)
- L’Arbre est dans ses feuilles (avec Zachary Richard)
- Meant for Me (Mother Nature, 2021)
- Choose Love (Mother Nature, 2021)
- Mother Nature (Mother Nature, 2021)
- Free and Equal (Mother Nature, 2021)
- Afikira (Black Ivory Soul, 2002)
- Pata Pata (Mother Nature, 2021)
- Encore: Agolo (Aye, 1994)
Photos en vrac
Angélique Kidjo
Chanda & The Passengers
- Artiste(s)
- Angélique Kidjo, Chanda & The Passengers, Zachary Richard
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Métropolis - MTELUS
- Catégorie(s)
- Afro-beat, Bossa nova, Funk, Jazz, Soul,
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