Ms. Lauryn Hill

Ms. Lauryn Hill à LVL UP 2019 | La rééducation de Lauryn Hill

Les fans de Lauryn Hill l’ont eu dur ces derniers années. La Miss Madame Hill, vedette incontestée du rap et du soul à la fin des années 1990, a fait la vie dure à ses supporteurs ces dernières années : fraude fiscale majeure, concerts annulés, retards répétés et exagérés, versions méconnaissables de chansons en spectacle, propos douteux… Tout ça sans avoir fait paraître de nouvel album en plus de 20 ans. Mais si seulement les fans déçus avaient pu la voir à l’oeuvre samedi soir à la Place Bell, ils auraient bien vu qu’il reste chez elle cette voix unique et ce soul inimitable qui vaut encore et toujours son pesant d’or, surtout lorsqu’elle propose une grille de chansons aussi efficace qu’hier.


Un pari réussi

Soyons francs, le festival LVL UP — dont on vantait les mérites hier dans cet article — prenait une chance en annonçant Ms. Lauryn Hill comme tête d’affiche de leur tout premier gros show à la Place Bell. Aurons-nous droit à Dr. Jekyll ou Mr. Hyde?  La Lauryn Hill confuse, capricieuse et imprévisible, ou à l’artiste accompli à la voix si marquante, concentrée sur son travail?

Comme il fallait s’y attendre, la réponse est venue plus de 90 minutes après la première partie, assurée avec aplomb par le mythique duo Eric B & Rakim, une autre bonne prise pour le festival hip-hop lavallois.

C’est long 1h30 entre deux spectacles, et ce n’était pas nécessairement bon signe pour la suite des choses, mais heureusement, DJ Reboot s’occupait de l’ambiance en transformant la Place Bell en discothèque du tournant du millénaire, enchaînant les hits rap et R&B de la fin des années 1990 et du début des années 2000.

Visiblement prêts pour ce genre de délais, les quelques 3600 fans présents ont pris ça relax, certains flânant dans les couloirs de l’amphithéâtre en sirotant un drink sans trop s’en faire, d’autres se dandidant devant leur siège à l’intérieur de la salle en fredonnant les chansons connues qu’on nous faisait jouer à haut volume.

Mais de toute façon, dès que la diva est arrivée sur scène, toute rancoeur devenait futile : Lost Ones débutait le spectacle sur les chapeaux de roue, comme elle le fait sur l’album The Miseducation of Lauryn Hill. Rap endiablé, rythmique entraînante, refrain marquant, c’est parti pour une grande célébration avec la légendaire chanteuse et son groupe fort solide, lequel comprenait notamment trois excellentes choristes.

Tout au long du spectacle, on ne comprendra pas trop dans quel état d’esprit Lauryn Hill se trouve. Elle gesticule constamment, de façon assez imprévisible, et difficile à dire si elle donne des indications confuses à ses musiciens ou ses choristes telle une maestro trop intense, ou si elle incite les spectateurs à faire du bruit, ou si elle reproche aux techniciens de son le volume dans ses moniteurs. Elle semble à la fois nerveuse, intense, sur le bord de péter les plombs ou d’exploser en chant…

Mais tout va bien, même si elle quitte quelques secondes pour aller engueuler un pauvre technicien entre deux chansons.

Le spectateur moyen n’y aura vu que du feu, parce que la musique tient la route. Les chansons proposées sont bien choisies et sonnent très bien : Everything Is Everything, Superstar, Forgive Them Father, la magnifique To Zion avec sa guitare suave (sur la chanson originale, c’est nul autre que Carlos Santana qu’on pouvait entendre).

Après un discours confus au sujet de l’intégrité, de l’industrie musicale corrompue et l’état apparemment moribond (selon elle) de la créativité en chanson ces jours-ci (du moins c’est ce qu’on en a saisi), la finale musicale est encore plus généreuse : Doo Wop (That Thing), suivie de plusieurs hits (surprise!) des Fugees!

La fameuse reprise de Killing Me Softly fera lever tout le monde de son siège, et personne ne va se rassoir pour Ready Or Not, Fu Gee La, ni même une petite version d’I Get Out à la va-vite avant de quitter.

Grosse heure et demie généreuse, pleine d’amour, de soul et de passion. Si Lauryn Hill avait adopté cette posture avec constance au cours des 20 dernières années, sa réputation s’en trouverait sans doute moins écorchée et on lui en voudrait un peu moins pour son absence sur disque depuis The Miseducation of Lauryn Hill. 

Grille de chansons 

  1. Lost Ones
  2. Everything Is Everything
  3. Superstar
  4. Final Hour
  5. Forgive Them Father
  6. Ex-Factor
  7. To Zion
  8. Doo Wop (That Thing)
  9. Killing Me Softly
  10. Ready or Not
  11. Fu Gee La
  12. I Get Out

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