crédit photo: Marc-André Mongrain
Barry Paquin Roberge

M pour Montréal 2022 – Jour 3 | Le Show Frette au chaud et la Sala Mothée

Il faisait trop frette pour le Show Frette finalement. Alors à moins de 24 heures d’avis, M pour Montréal a déménagé la majeure partie de la programmation de son événement extérieur dans trois bars à spectacles du coin Mont-Royal / St-Denis. Et ça a donné des moments pour le moins savoureux.

Rappelons-le pour celleux qui sont moins familiers : M pour Montréal est un festival qui a pour principal mandat d’offrir des vitrines à divers artistes afin d’épater les délégués internationaux venus d’un peu partout sur la planète pour se laisser charmer par les talents québécois et canadiens. Pour le commun des mélomanes montréalais, ça donne donc l’occasion de voir à l’oeuvre certains artistes d’ici et d’ailleurs en format 20-minutes, et donc de s’en clancher plusieurs en une soirée.

Un exemple de vitrine ouvert au public cette année était le Show Frette, originalement prévu au viaduc Van Horne, donc dehors. Virginie B, Lydia Képinski, Leonard Sumner, Jesse Mac Cormack, Barry Paquin Roberge, Kiwi Jr et Voyage Funktastique devaient notamment s’y produire. Le festival a fini par en récupérer quatre, qui se sont produits à l’Esco, au Quai des Brumes et au O Patro Vys.

 

Virginie B à l’Esco

La sulfureuse Virginie B présentait d’abord son électro-pop sexu à l’Esco à 16h.

Ça fait drôle de se rendre à l’Esco alors qu’il fait encore clair, en novembre.

Accompagnée de ses trois musiciens, elle occupe la scène avec assurance, et navigue plutôt bien au chant entre la pop-électro, le R&B, le funk et quelques moments un peu plus rock, voir vaguement psychés.

Virginie B a présenté au public un mélange de chansons de son plus récent album INSULA, ainsi que quelques titres nouveaux, qui abordent apparemment son rapport à son corps, et le refus de laisser quiconque en décider le sort.

Engagée dans sa musique et investie sur scène, sa dégaine joue pour beaucoup, et a certainement fait bonne impression. On l’imaginerait facilement aller séduire le public français, par exemple.

 

Lydia Képinski au Quai

La scène du Quai des Brumes n’est pas exactement l’espace de travail le plus vaste pour une artiste qui aime autant danser que Lydia. Surtout que ses accompagnateurs sont munis d’appareils imposants, qui prennent environ les trois quarts de la scène.  Képinski se retrouve donc avec une toute petite surface de quatre pieds carré pour se donner en spectacle… mais elle n’aura pas besoin de plus!

Elle débute d’ailleurs le spectacle dans la foule. Avec son micro sans fil, elle récite les premières paroles de L’imposture en se frayant un chemin au sein du public dense, qui regarde vers l’avant sans se douter que Lydia arrive par derrière.

Ce n’est sans doute pas un hasard, mais elle arrive finalement sur scène au moment où les éclairages s’éteignent puis se rallument juuuuuste au moment où elle prononce la phrase : « Nos peurs illustres viennent se fondre / Et je jaillis de la pénombre ».  Quoi?  De la mise en scène au Quai des Brumes, avec effets d’éclairage? Eh oui. Preuve que lorsqu’on se donne la peine de préparer un spectacle intéressant à voir, pas besoin d’avoir des moyens faramineux pour créer un effet.

Elle s’installe au micro, et suivront Depuis et Deux Jours. On l’avait constaté à Santa Teresa, et ça se confirme de nouveau : Lydia Képinski est sortie de sa coquille, joue les divas disco tragiques, et se donne corps et âme à son nouveau son plus électro-pop et résolument dansant, fidèle à son album Depuis, paru plus tôt cette année.

Sa courte mais intense perfo va se terminer sur Vaslaw, et sa finale étirée pour danser plus longtemps.

Solide performance!

 

Jesse Mac Cormack au O Patro Vys

Ça faisait un petit bout qu’on n’avait pas trop porté attention à ce que fait Jesse Mac Cormack, et à l’instar de Lydia, il a lui aussi décidé de dévier du son qu’on lui connaissait. Plutôt blues rock à ses débuts, il verse désormais dans un son électro planant plutôt bien apprêté, en utilisant sa voix de manière un peu fantomatique, à la Mark Hollis (de Talk Talk) avec certains accents à la James Blake.

Le problème, c’est que ça ne s’est pas tellement bien traduit sur scène vendredi…

D’abord, le son était moche. Sa voix, plutôt absente au mix, a finalement été perdue complètement, remplacée par un grichement tonitruant… parce que son micro sans fil a manqué de piles. Plusieurs loooongues minutes plus tard, la prestation est repartie. Il fallait recréer le moment, rebâtir un momentum, et le mix n’était pas tellement mieux, si bien qu’on ne comprenait que dalle de ce qu’il chantait.

Mais même avec une sono adéquate, la proposition scénique nous laisse pantois. Accompagné d’un acolyte qui nous sera jamais présenté, les deux musiciens sont plutôt statiques sur scène, derrière des séquenceurs, synthés et autres machines.

Jesse lui-même a une casquette vissée sur la tête, regarde ses boutons et ne semble pas trop faire de cas de la présence d’un public devant lui.

Heureusement, il y avait un court moment vers la fin de la prestation où il s’est finalement dégagé de sa station pour viber un peu plus au son de sa chanson, mais c’était si peu dans l’ensemble.

Évidemment, on ne s’attend pas à ce que tous les projets musicaux se déhanchent comme Virginie B et Lydia Képinski, mais la proposition de Jesse Mac Cormack manque un peu d’intérêt scénique. Comme le soulignait un spectateur derrière nous : « Me semble que j’aurais écouté ça dans un café, en prenant un verre avec des amis, au lieu de le regarder rien faire. »

 

Barry Paquin Roberge à L’Esco

Puisque le but de l’exercice est d’impressionner des délégués qui viennent à la rencontre de nos artistes, Jesse Mac Cormack aura de surcroît souffert de la comparaison, puisque non seulement les deux artistes avant lui ont brillé par leur engagement sur scène, mais ceux qui suivaient allaient mettre le party dans L’Esco. Pas étonnant avec le supergroupe néo-disco funky Barry Paquin Roberge, alias BPR, qui ne rate jamais l’occasion de faire danser la foule.

Costumés, déchaînés, groovy à souhait et tight comme les meilleurs bands du genre, BPR avait tout pour plaire, surtout dans un tout petit lieu comme L’Esco.

BPR Strut, Hot Stuff, Eyes on You, No Time Talk, même la franco Passe-moé un Québec : tous les titres ont fait flèche de tout bois. On a tout aimé!

 

Mothland fête ses 5 ans à la Sala Rossa

Plus tard en fin de soirée, on avait rendez-vous du côté de la Sala Rossa, où l’équipe de Mothland — qui tient une maison de disques psyché-rock-garage en plus d’être en charge du booking du Distorsion Psych Fest, du Taverne Tour et d’une bonne partie de la programmation du FME — avait préparé un menu pas piqué des vers pour souligner ses 5 ans d’existence.

À notre arrivée, Airick Asher Woodhead était installé sur une petite scène au beau milieu de la salle avec deux acolytes. On connaissait Airick par son groupe Doldrums, projet indie sous-estimé des années 2010 qui avait des liens avec Grimes. Le voici maintenant aux commandes d’un tout nouveau groupe électro-punk fortement influencé du post-punk des années 1980, et c’est franchement convaincant, quoi qu’un peu échevelé,

Il faut dire que l’ambiance est bien installée déjà dans la Sala Rossa, bondée comme il se doit. La gang de Mothland fait souvent affaire avec Anthony Piazza pour créer des visuels qui donnent lieu à des projections qui s’agencent au spectacle, et c’est encore une fois le cas ce soir. Deux écrans au fond de la scène principale et trois drapés suspendus à côté de la scène centrale diffusent ces vidéos qui ajoutent beaucoup à la soirée.

 

On découvrira ensuite Absolutely Free, groupe indie rock torontois dont on entendait beaucoup de bien depuis quelques années.

Avant même le début du spectacle, on constate que la batterie est placée à l’avant-plan, et on comprendra vite pourquoi : le batteur Moshe Rozenberg est en quelque sorte l’as du groupe. Investi dans son jeu, il est diablement divertissant à regarder et à entendre, et il forme une section rythmique impeccable avec le collègue bassiste Mike Claxton.

Le chanteur et guitariste Matt King, qui semblait plutôt discret lors de l’interprétation de la première pièce, entièrement instrumentale, mais prend finalement son rôle de frontman rapidement ensuite, et l’équilibre du groupe fonctionne très bien. Petite vingtaine de minutes fort agréable. On en aurait pris plus.

 

Et finalement, même si l’heure de fermeture du métro approchait, on est resté encore un peu pour voir à l’oeuvre Grim Streaker, un choix qu’on n’a pas regretté.

Quatuor dont les racines semblent écartées entre Brooklyn et Montréal, Grim Streaker donne dans un art-punk cinglant, bruyant, mais solide, mené de main de maîtresse par la chanteuse et parolière Amelia Bushell.

La présence de scène de celle-ci est un spectacle en soi. Calme, mais troublante, elle se promène aux quatre coins de la scène (on parle de la scène centrale ici, alors il y a du public partout autour du groupe) avec un air subtilement menaçant et multiplie les faciès inquiétants.

Son chant rappelle un peu un mélange entre Annie-Claude Deschênes de Duchess Says et Florence Shaw de Dry Cleaning : en partie chanté sauvagement, en partie récité, et parfois même gueulé.

On nous raconte au milieu du show que Grim Streaker avait fait plutôt bonne impression au plus récent FME.

En tout cas, on en reprendrait encore, une fois de plus.

C’est la beauté du format M pour Montréal : les prestations sont courtes, incitant à la découverte, et nous laissant souvent avec un petit goût de revenez-y, ce qui est le meilleur effet à avoir pour un artiste.

M pour Montréal se poursuit (et se conclut) samedi. Notre équipe couvrira notamment les spectacles de Lili-Ann De Francesco et Clodelle au National, Bon Enfant, Julie Aubé et Laura Niquay au Club Soda, et Ping Pong Go et Ducks Ltd. au Ministère.

 

Photos en vrac

Virginie B

 

Lydia Képinski

Jesse Mac Cormack

 

Grim Streaker

Crasher

Barry Paquin Roberge

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