Le Prince au Théâtre Denise-Pelletier | Trop de blagues tuent le message
Le Théâtre du Futur est une compagnie qui détonne assurément dans le paysage scénique québécois. On se rappelle encore de l’excellent Le Clone est triste, qui rectifiait comme il se doit les baby-boomers et les générations suivantes. Trois ans plus tard, deux des membres fondateurs – Olivier Morin et Guillaume Tremblay – nous présentent une relecture bien personnelle du traité politique écrit par Nicolas Machiavel au XVIe siècle, Le Prince. Véritable mode d’emploi pour devenir prince et le rester, il se transforme sous cette plume contemporaine en une adaptation cosmique dynamisée qui n’a plus grand-chose à voir avec l’original. Mais aussi – et surtout – il se change en un support humoristique qui a du mal à tenir le rythme et son propos.
Projeté dans le Globotron, un vaisseau-entreprise, le public découvre un fonctionnement oligarchique. En son sommet, un prince pas vite-vite, au-dessus duquel plane le biohologramme de son père, Lorenzo, pas mort-mort. En bas ? Catalina, femme à tout faire, et le peuple « associé » qui travaille fort pour maintenir le pouvoir en place, sans en profiter bien sûr. L’arrivée de l’ennemie Nikole et de son bras droit Mike chamboule cette petite hiérarchie tranquille. Promu dirigeant du Globotron, le Prince force bien malgré lui un retour de tout ce beau monde sur la Terre, et le confronte à la destruction de l’environnement, opérée jadis par l’espèce humaine.
Ce pitch éclaté est à l’image du collectif : joyeusement barré et critique. Une marque de fabrique très à propos par les temps qui courent. Google, Amazon, Tesla, notre capitalo-dépendance sont revisités à la sauce grinçante et ce n’est pas pour nous déplaire. Surtout dans les 20 premières minutes durant lesquelles émergent de véritables fulgurances. On reconnait la verve colorée et absurde des créateurs, leur sens de la dérision, on salue les tournures alambiquées (je ne me remets pas de « Quand le vent tourne, c’est pas la peine de chicaner les cerfs-volants »). En témoignent les rires appuyés et tout à fait justifiés du public, qui contribuent à instaurer une ambiance différente de celle que le Théâtre Denis-Pelletier a l’habitude d’accueillir.
Mais le soufflé retombe vite. Est-ce ma (petite) connaissance des précédentes productions du Théâtre du Futur ? Est-ce les références comiques légèrement éculées ? Est-ce l’impression de fourre-tout qui se force à cocher toutes les cases pour engendrer des rigolades ? Un peu tout ça.
Si vous avez eu la chance d’assister à d’autres spectacles de cette troupe, vous ne serez pas surpris·es. La recette est sensiblement la même, oscillant entre mouvements de danse incongrus, costumes kitschissimes et texte parodique. Ce type d’humour pourrait bien vieillir, sauf quand il côtoie de gros problèmes de rythme et de ligne narrative, comme c’est le cas ici. À force de vouloir donner la priorité aux bouffonneries, on perd de vue l’histoire. Et on a rapidement la sensation d’être en attente de la prochaine vanne, tellement la soif de pouvoir de chacun·e des protagonistes nous importe finalement peu.
À première vue, la pièce aurait sans doute pu gagner à être raccourcie et à se concentrer sur un axe de révolte. Politique, harcèlement, patriarcat, pollution, guerres, totalitarisme : tout est effleuré et matraqué à grande vitesse, comme si le spectacle devait s’en tenir à un cahier des charges sociétales bien rempli.
Dans tout ce fouillis aux traits aussi ambitieux qu’épais, quels messages nous reste-t-il ? Bien peu. Puisque tout est prétexte à la blague ou délivré au forceps, on a du mal à donner du crédit aux événements et à établir clairement les positions des personnages face aux problématiques exposées. Certes, il y a plutôt matière à révolution qu’à acceptation, mais l’ironie prend trop souvent le pas sur la sincérité de la démarche, et finalement, sur l’éveil des consciences.
En dépit de ses faiblesses, on retient tout de même une mise en scène travaillée, une implication sans commune mesure des interprètes et une belle tentative du Théâtre Denise-Pelletier d’ouvrir plus grands ses champs de prédilection.
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- Artiste(s)
- Le Prince, Théâtre Denise-Pelletier, Théâtre du Futur
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Théâtre Denise-Pelletier
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