Émilie Laforest

Lancement de Mea silva d’Émilie Laforest au Ministère | Enfin l’heure de renouer

Huit ans plus tard, le retour. Après le projet Forêt mis de côté et beaucoup de travail dans les coulisses de la scène musicale québécoise, Émilie Laforest s’est offert son propre album, Mea silva, et son propre lancement. Ses retrouvailles au Ministère ce mercredi 13 mars avaient tout d’une douce rencontre avec un vieil ami.

À moins d’un talent caché pour le théâtre, l’artiste multidisciplinaire a bien vécu ce retour devant public. Fébrile pendant les premiers moments (peut-on lui en vouloir?), elle s’est rapidement approprié l’énergie de la salle, et semblait même vouloir l’absorber pour en ramener un peu avec elle une fois la soirée terminée. Ses morceaux de pop expérimentale aux longs textes exigent un engagement soutenu et des virages parfois secs sur le plan de l’interprétation, qu’elle a livrée avec une grande générosité.

Le son de Mea silva est vaporeux et enivrant. Les pièces sont portées par une voix claire aux nombreuses nuances à travers lesquelles on entend sans peine le passé de chant classique de l’artiste. Sur scène, elle raconte de belles et longues histoires, et le train de sa passion ne déraille à aucun moment. On le remarque particulièrement pendant Mon Loulou, où elle répète comme un mantra que « c’est tout [son] corps qui tremble », les yeux clos pour laisser le champ libre à des envolées lyriques dont l’air de la salle prend toute la couleur.

Les claviers et les synthétiseurs servent en quelque sorte d’assises à Mea silva, et c’est un réel plaisir de voir les musiciens et les musiciennes (Mathieu Charbonneau, Virginie Reid, Liam O’Neil et Morgan Moore) à l’œuvre sur scène. Cherche-moi pas, à la trame répétitive et un brin hypnotisante, permet un des moments du spectacle où le ton est plus distordu et expérimental. Une bouffée d’air dans une tirade de chansons où c’est plutôt la voix et les textes qui portent le chapeau d’instrument principal.

Ne vous méprenez pas : les textes, on veut les entendre. Émilie Laforest chante ses questionnements existentiels, son lâcher-prise, ses relations, mais aussi le vent, la terre et l’enracinement, comme dans la magnifique Toundra (Mushuat) pour Joséphine Bacon, dédiée à la poète innue. L’album est justement empreint d’une poésie qui lui confère un certain mystère, l’impression de pouvoir redécouvrir sans fin les pièces.

Émilie Laforest a un album à chanter, et elle le fait sans flafla. Les huit morceaux sont joués dans l’ordre, il n’y a pas de rappel et peu de mots, et en trois quarts d’heure, la soirée est bouclée. L’ambiance est des plus intime et, comme elle le glisse avant de descendre de scène, elle aura beaucoup de personnes à saluer. Avec des années de travail comme choriste et metteuse en scène auprès de noms comme Klô Pelgag, Pierre Lapointe et Karkwa, un grand réseau s’est tissé autour de son oeuvre. Une dizaine d’enfants sautillent à la première rangée, sa propre fille vient l’accompagner aux voix sur Me souvenir, des visages familiers parsèment la foule : on croirait à une grande fête de famille. Bien méritée.

On ne peut d’ailleurs s’empêcher de penser aux mises en scène pour d’autres artistes derrière la cravate d’Émilie Laforest. Le soin apporté aux éclairages est bien présent et il nous invite dans son univers dès le magnifique premier morceau, Un puits très profond. Les faisceaux d’un blanc criard s’ouvrent et s’éteignent à répétition sur le visage concentré de l’artiste, laissant entrevoir des pans de sa longue tenue crème. On comprend dès lors que Mea silva, au-delà des captivantes mélodies, c’est aussi un objet artistique à part entière, où la multidisciplinarité trouve sa place. Un peu comme la vie d’Émilie Laforest.

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