crédit photo: Marie-Claire Denis
Kraftwerk

Kraftwerk 3-D à la Place des Arts | Savoureusement machinal

Quatre hommes debout devant des pupitres font de la musique électronique. C’est la proposition que nous offrait le groupe électronique emblématique Kraftwerk mercredi soir, dans une Salle Wilfrid-Pelletier bien pleine.

Commençons par un petit cours d’allemand 101 : ça se dit Kraft Verk, avec un W qui se prononce comme le V dans vilain et non comme dans le « work » anglais. C’est dit.

Mettons les choses au clair tout de suite, les amateurs du groupe allemand sont venus ce soir pour la musique et l’ambiance plutôt que pour se délecter de bêtes de scènes qui hurlent en tous sens. Y’a Hubert Lenoir pour ça. Et d’ailleurs, le groupe joue totalement de ce côté décalé depuis leur début en 1970.

Autre fait étonnant, l’ambiance est plutôt familiale : là où je m’attendais à ne côtoyer que des boomers nostalgiques, j’ai croisé bien des familles avec leurs enfants et de jeunes adultes qui n’étaient même pas aux couches quand Trans-Europe Express est sorti. Devant moi, un jeune préado porte l’uniforme Kraftwerk immortalisé sur la pochette de l’album The Man Machine (1978) : chemise rouge, pantalon noire et fine cravate noire.

 

3D

Le plan de scène est donc d’une simplicité désarmante : les quatre pupitres / claviers sont installés au centre de la scène à distance égale et les musiciens arrivent et sortent de la scène par la droite, dans un mouvement ordonné et bien organisé. On pourrait y aller allègrement de raccourcis comme rigueur allemande, austérité germanique mais ça serait sombrer bien vite dans la simplicité.

En arrière des musiciens, un énorme écran nous présentera des projections en relief s’il vous plaît, grâce aux lunettes qui nous ont été fournies à l’entrée. Certaines mauvaises langues diraient que c’est pour ajouter de la profondeur à la musique…

C’est drôle mais ces projections amènent énormément au spectacle et à l’immersion dans l’univers de cette musique qui, je l’ai déjà dit, reste plutôt désincarnée. Alors, certes, on n’échappera pas aux formes d’ondes sorti d’un oscilloscope, à des projections qui se rapprochent d’un écran de veille de Windows 98 et aux images sortis d’un vieille carte vidéo 8 bits monochrome verte ainsi qu’aux images d’espace.

Ok, c’est de la musique électronique et ces clichés sont collés à l’image de pseudo scientifiques du groupe. Mais c’est aussi des clins d’œil comme ce satellite qui semble venir nous percuter sur le titre Spacelab, effet classique du 3D mais très réussi.

Ensuite le groupe semble installé dans une station spatiale avec la Terre qui défile en arrière plan, effet à couper le souffle. Apparait ensuite une carte de l’Amérique du Nord avec une pastille sur, vous avez devinez, Montréal! Images suivantes, les buildings de la ville traversés par une soucoupe volante! Et devinez quoi? Le plan suivant, elle atterrit sur la place devant la Salle Wilfrid-Pelletier.

Pour commencer le rappel avec le titre The Robots, le groupe a ressorti ces (vrais) robots à l’image des musiciens qui eux sont partis de la scène. Les mouvements des machines sont lents mais agités par des éclairages dynamiques. Ça semble venir d’une autre époque mais le ballet nostalgique capte toute l’attention.

Alors oui, il y a accumulation de clichés mais ils sont assumés et beaux.

 

Des synthétiseurs monophoniques en 2022 ?

Le groupe est habillé en costume dont les rayures brilleront de diverses couleurs dans les éclairages, costumes qui n’est pas sans évoquer le film culte de Disney, TRON, sorti en 1982. On aura compris qu’ils n’étaient pas là pour rigoler et les succès du groupe s’enchaînent : Computer World, The Man-Machine, Autobahn, Radioactivity, Tour de France, Trans-Europe Express

Et oui, plus de 50 ans de carrière, ça commence à en faire des titres mythiques. C’est sûr que niveau improvisation et richesse harmonique, je ne suis pas à un show de jazz. Si les synthés monophoniques (une note à la fois!) était une contrainte des machines au début du groupe qui n’a plus lieu d’être en 2022, je reste tout de même accroché à ses lignes simples qui ont fait du groupe, les précurseurs de la musique électronique sous toutes ses formes actuelles.

Et puis, vient aussi la conscience écologique avec le titre emblématique qu’est Radioactivity dont le refrain est devenu NO Radioactivity, tout en ayant ajouté, entre autres, les villes de Tchernobyl et de Fukushima au texte. Et clin d’œil en ouverture du titre avec une image de Florian Schneider, membre fondateur du groupe, mort en 2020. L’autre membre fondateur est le Ralf Hütter, 75 ans et le leader du groupe toujours bien présent et placé à gauche sur scène, au chant et aux claviers.

Pour terminer le show, chaque musicien sort de son rôle de laborantin / musicien pour nous présenter un solo avant de quitter la scène et de saluer sur le côté pour se fondre dans l’obscurité! Inutile de préciser que la salle est debout et à réserver une chaleureuse ovation à Hütter.

Au final, il est parfois difficile de ne pas sombrer dans l’ironie voire le cynisme devant cette mise en scène jouant de clichés sur la musique électronique de laboratoire froide et d’une austérité bien teutonne mais j’ai passé une très belle soirée à l’écoute de tous ces titres emblématiques. Et l’apport du 3D ajoute une touche d’humanité au côté désincarné du groupe.

 

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