crédit photo: Shanti Loiselle
Jockstrap

Jockstrap au Ritz P.D.B. | Les kids sont alright

C’est étonnant de constater à l’écoute de l’album I Love You Jennifer B, paru en septembre dernier, que Jockstrap est un duo. Toutes ces lignes mélodiques, ces arrangements, ces rythmes, ces textures ; tout ça ne provient que de deux têtes, deux coeurs, quatre mains. Et c’était encore plus épatant de les voir, jeudi soir, interpréter avec brio une quinzaine de leurs chansons à deux sur scène, aidés bien sûr par ce que la technologie leur procure en matière de séquences, de machine à rythmes et de sonorités trafiquées.

Cet enthousiasmant duo anglais est composé de Georgia Ellery (aussi du prodigieux groupe british Black Country, New Road) et Taylor Skye, qui se sont apparemment rencontrés à la Guildhall School of Music & Drama de Londres il y a quelques années.

Elle joue de la guitare acoustique et du violon, en plus de chanter les airs de sa voix cristalline, imparfaite et délicate.

Il bidouille des rythmes, active les séquences, se balade les doigts sur les claviers et synthés.

Et ça donne une pop champ gauche, diablement efficace, parfois dansante, parfois touchante, et très imaginative.

En toute franchise, j’avais un peu peur de ce que j’allais voir jeudi soir. Quelques perfos trouvées ici et là sur YouTube laissaient entendre qu’il n’est pas rare de voir Ellery chanter sur des trames préenregistrées en dansant. C’est peut-être un peu vieux jeu comme point de vue, mais l’idée de voir des artistes chanter au son de leur musique en canne ne m’a jamais enchanté.

D’ailleurs, l’artiste newyorkais Ernest Rareberrg, qui assurait la première partie, a contribué à nos appréhensions, parce que c’est exactement ce qu’il faisait, poussant même l’audace jusqu’à faire du lipsynch par-dessus des trames de sa voix et celles d’autres voix qui se retrouvent sur sa musique. Comprenons-nous bien : ses chansons sont plutôt bonnes et le party a levé. Mais regarder quelqu’un faire le party au son de ses propres chansons, c’est pas exactement la définition d’un bon spectacle.

Nos peurs ont toutefois vite été calmées lorsque Georgia Ellery est montée sur scène, a empoigné sa guitare acoustique et s’est lancée dans une interprétation sobre et authentique de Neon, superbe chanson qui me rappelle un peu The Rip de Portishead par son écriture singer-songwriter défendue à la guitare sèche, mais éventuellement agrémentée d’éléments électro pour finalement se faire emporter par un enivrant maelström synthétique.

Après à peine 5 minutes, c’était maintenant clair : ces deux-là sont venus à Montréal pour performer.

Et la foule est là pour embarquer avec eux.

C’est d’ailleurs bondé. Sold out. Fait chaud.

La première rangée devant la foule dense était peuplée de très jeunes femmes en pamoison devant Georgia Ellery, idole improbable dotée d’un génie créateur. Elles chantent toutes les paroles de cet album paru il y a deux mois à peine.

Cette soirée sera magique!


Ça se poursuit avec la dansante Jennifer B, puis deux titres du EP Wicked City, les très bonnes Acid et Robert, auquel le public réagissait presque davantage que pour les titres de l’album complet. Tiens donc. Je viens de découvrir Jockstrap cet automne, mais plusieurs fans attendaient leur première visite à Montréal depuis quelques années déjà, visiblement.

C’est toutefois Glasgow, magnifique chanson à la construction mélodique époustouflante, qui suscitera la plus grosse réaction, et avec raison. Là, pas de doute, Georgia Ellery et Taylor Skye sont aux commandes et jouent avec tout leur coeur et leur talent, visiblement ravis de l’ovation sentie du public montréalais.

Debra met aussi le party dans la place, et c’est finalement Concrete Over Water qui procurera le climax de la soirée, chantée par des dizaines de voix en choeur, comme s’il s’agissait déjà d’un grand classique. Quelle chanson, par ailleurs!

La grille de chansons étant bien construite, la performance de 75 minutes se terminera avec les très dansantes I Want Another Affair (tirée du plus obscure EP Love is the Key to the City, paru en 2018) et 50/50 qui clôt l’album I Love You Jennifer B.

Les musicien.nes sont ému.es et visiblement un peu submergé.es par l’amour qu’ils reçoivent, et quittent la scène en remerciant tout le monde, sobrement et dignement, à l’Anglaise.

Et ce sera tout.

Sauf que pour une fois, un VRAI rappel est exigé, et ne sera jamais livré.

Vérification faite, c’était le cas pour toute la tournée : Jockstrap joue toujours le même setlist de ville en ville, et conclut toujours sans rappel. Mais là, la foule montréalaise en a réclamé un, bruyamment, durant de longues minutes, sans succès. L’éclairagiste devait aussi s’attendre à les voir revenir, parce que les lumières de la salle ne sont pas intervenues pour lancer le message subtile « non, ils ne reviendront pas », ce qui a certes alimenté l’espoir d’avoir droit à « one more song » comme on le chantait à 22h45.

Ce faux espoir n’a pas semblé miner l’expérience des fans de Jockstrap, qui se sont tournés vers la table de merch ou le vestiaire, alors qu’un murmure généralisé de satisfaction flottait au plafond du Ritz.

On n’a certainement pas fini d’entendre parler d’eux. Jockstrap offre une pop tellement ingénieuse, créative et inspirée qu’on a déjà hâte d’entendre la suite, et de les revoir à Montréal avant longtemps.

Grille de chansons

Neon
Jennifer B
Acid
Robert
Greatest Hits
What’s It All About?
Glasgow
Debra
Hayley
Lancaster Court
Angst
Concrete Over Water
The City
I Want Another Affair
50/50

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