J’ai envie de toi au Théâtre Petit Champlain | Une comédie renversante, débordante d’intelligence et de rires

Il y a des soirs comme ça, où l’on entre dans une salle sans trop savoir à quoi s’attendre, et où l’on ressort le coeur léger, en ayant mal aux joues d’avoir trop ri (même si on ne peut jamais rire trop), les yeux brillants de bonheur. Présentée au Théâtre Petit Champlain cet été, la pièce J’ai envie de toi, écrite par Sébastien Castro et adaptée pour le Québec, est un bijou de comédie. Un véritable tourbillon de quiproquos, de jeux de mots, de répliques bien senties et de performances mémorables. C’est de ces oeuvres rares, aussi bien ficelées que livrées avec panache, qu’on voudrait revoir encore et encore.

J’ai envie de toi, c’est l’histoire de Guillaume, un homme nouvellement installé dans son nouvel appartement après avoir fui une ex un peu trop insistante. Espérant entamer quelque chose de nouveau avec Julie, une mannequin rencontrée sur un site de rencontres, qu’il n’a encore jamais vue en personne, il lui envoie un texto aussi simple que direct: « J’ai envie de toi ». Mais voilà, dans un moment d’inattention, le message ne part pas à Julie… Il atterrit chez Christelle, son ex, justement celle qu’il tentait d’effacer de sa vie. Ce geste maladroit enclenche une suite d’évènements totalement absurdes et délicieux, où chaque porte qui s’ouvre mène à un malentendu de plus, chaque visite surprise apporte sa touche de couleur, et chaque personnage apporte un peu plus d’huile sur le feu.

Dès les premières minutes, le ton est donné. Le texte est d’une finesse rare dans le registre comique: les répliques fusent, les jeux de mots sont ciselés au millimètre, et les quiproquos s’enchainent avec une précision presque mathématique. On croit immanquablement, tant la mécanique est bien huilée, tant le comique repose sur une intelligence d’écriture qui laisse peu de répit, aux personnages et le public rit tout au long de la pièce.

Mais ce qui élève vraiment J’ai envie de toi au rang des incontournables, c’est la distribution. Emmanuel Bédard, dans le rôle de Guillaume, livre une performance exceptionnelle. Il habite littéralement son personnage avec une aisance déconcertante: drôle sans être forcé, attachant sans être mièvre, expressif jusque dans les silences. Sa gestuelle, ses mimiques, son regard, tout est juste, vibrant, hilarant. Il incarne ce type d’homme sympathique à qui tout arrive, et pour qui chaque tentative de réparer l’irréparable devient un nouveau désastre. Et c’est un bonheur à voir.

Autour de lui gravite une galerie de personnages tous plus savoureux les uns que les autres, notamment Pascal, le chum cocu qui enchaine les proverbes en omettant leur fin. Ses envolées lexicales suscitent de purs éclats de rire. Ses « manques de mots », habilement dosés et parfaitement livrés, ajoutent une couche d’ironie à l’histoire déjà hilarante. Chacun des comédiens brille dans son rôle, chacun apporte son grain de folie, et surtout, tous jouent ensemble, avec une complicité palpable qui dynamite la scène.

Le décor, à la fois simple et ingénieux, sert parfaitement le rythme de la pièce. L’espace est vivant, mobile, et chaque mouvement de porte ou de personnage st chorégraphié pour maximiser le comique de la situation. La mise en scène est vive, précise, jamais surchargée. Chaque élément est à sa place, rien ne dépasse, tout est savoureux.

Ce n’est pas une exagération d’affirmer que J’ai envie de toi est l’une des meilleures pièces vues ces dernières années à Québec. On rit du début à la fin, on rit fort, et surtout, on rit intelligemment. C’est une comédie brillante, où chaque minute est pensée pour faire plaisir, surprendre et emporter le public dans une spirale d’absurdité joyeuse.

Encore aujourd’hui, le sourire reste accroché au visage. Ce genre de pièce laisse des traces. De celles qui donnent envie de partager le bonheur, de dire aux autres : « il faut que t’ailles voir ça, ne passe pas à côté ». C’est rare une comédie aussi bien écrite, aussi bien jouée, aussi bien sentie.

J’ai envie de toi est une perle de théâtre d’été, un moment de grâce hilarant, une célébration des mots, du jeu et du plaisir. À ne pas manquer. Vraiment.